ABUS N° 4295 : le cabinet Jourdan: une résolution illégale et dangeureuse en matiére de virement automatique du fonds travaux

21/11/2017 Abus Abus

 

Bien que le fonds travaux ne soit entré en vigueur que depuis le 1er janvier 2017, nous constatons déjà un nombre important d’abus qui concernent principalement des interprétations douteuses de cette disposition par les syndics professionnels.

A ce titre, voyons la résolution proposée par le cabinet JOURDAN qui, de prime abord, peut sembler intéressante alors que dans les faits, elle est illégale et surtout dangereuse pour le syndicat de copropriétaires.

Voici donc la résolution présentée dans une convocation d’assemblée générale.

Cette résolution prévoit donc que si, en fin d’exercice, le compte rémunéré n’est pas alimenté des 5% du budget prévisionnel, le syndic opérera un virement du compte courant vers le compte épargne.

I. L’illégalité de ce type de résolutions

Il faut tout d’abord partir d’un constat : si en fin d’exercice le compte rémunéré n’est pas constitué des 5% du budget prévisionnel, c’est qu’il existe au sein de la copropriété des impayés de charges.

Le nouveau code civil a prévu dans son article 1342-10 des modalités d’imputation en cas de règlement partiel.

Voici la disposition dans son intégralité :

« Le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. 

À défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. À égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement. »

Ainsi, il faut raisonner par étapes :

  1. Si le copropriétaire précise expressément à quel type d’appel de fonds il souhaite imputer son règlement, alors le syndic est tenu de respecter son choix, même s’il s’agit d’une dette récente.
  2. Si le copropriétaire ne précise pas à quel type d’appel de fonds il souhaite imputer son règlement, alors que plusieurs d’entre eux ne sont pas réglés, le syndic doit, dans ce cas, l’imputer à la dette qui présente pour tous les copropriétaires le plus d’intérêt.

Par conséquent, on peut considérer que les copropriétaires ont le plus d’intérêt à ce que les charges courantes comme le chauffage, l’électricité, l’eau… soient payées, à défaut de les voir suspendues plutôt que d’épargner pour constituer un « fonds travaux ».

En cas de règlement partiel du copropriétaire le syndic doit donc l’imputer en priorité pour  régler les dépenses courantes plutôt que pour alimenter le « fonds travaux ».

Par conséquent, le syndic ne peut pas proposer en assemblée générale de « déshabiller » le compte courant de la copropriété pour alimenter le compte rémunéré destiné au fonds travaux.

II. Le risque de mise en difficulté financière du syndicat des copropriétaires

Au-delà de l’illégalité de ce type de résolution, cette dernière peut entraîner un déséquilibre de la trésorerie de la copropriété.

En effet, en procédant à un virement aveugle du compte courant vers le compte rémunéré pour atteindre les 5% légaux, la trésorerie disponible risque d’être réduite de manière importante, ne permettant pas à la copropriété de faire face aux dépenses courantes.

Pire, cela risque de mettre à découvert le compte bancaire de la copropriété, qui, au-delà de l’imputation d’agios, pourrait la mettre en porte-à-faux vis-à-vis de ses prestataires.

C’est d’ailleurs pour cela que le législateur a prévu une priorisation dans l’affectation des règlements afin de minimiser les conséquence d’un paiement partiel.

Pour conclure, ce type de résolutions ne doit pas être voté en l’état. Par ailleurs, le conseil syndical devra s’interroger sur les causes qui justifient qu’en fin d’année, le compte rémunéré ne soit pas affecté des 5% prévisionnels.

S’il s’agit d’impayés, il faudra alors connaître l’étendue de la situation et demander au syndic les actions qui ont été entreprises pour procéder au recouvrement des charges.

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