ABUS N° 4444 : « BELGRAND Immobilier ex 3LPARTNERS » Compte rendu de la réunion organisée par l’ARC le 4 décembre 2018

14/12/2018 Abus Abus

L’ARC a organisé une réunion le 4 décembre dernier afin d’agir suite à la liquidation judiciaire début 2018 du cabinet BELGRAND Immobilier, ex 3LPARTNERS.

Alors que ce syndic avait plusieurs procédures en cours contre lui, engagées par des copropriétés (pour défaut de transmission des archives et des fonds du syndicat des copropriétaires) et certains de ses fournisseurs (pour défaut de paiement de factures), M. Benoît LEVILLOUX, son président, a procédé à une déclaration de cessation de paiement.

Par un jugement en date du 11 octobre 2018, le Tribunal de Commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire du cabinet Belgrand Immobilier et a fixé la date de cessation de paiement au 24 juillet 2017, soit plus d’un an avant. Ce qui signifie que ce cabinet a trouvé des fonds pour maintenir son activité pendant plus d’un an, en n’ayant plus les capacités financières nécessaires…

Lors de cette réunion, nous étions en présence de copropriétés dans des situations différentes :

  • Les premières ont quitté Belgrand depuis un certain temps et n’ont pas récupérés leurs archives et leurs fonds (certaines détiennent des jugements définitifs non exécutés).
  • D’autres avaient encore Belgrand comme syndic lors de la liquidation.

I. Le remplacement du syndic

Certains conseils syndicaux ont réagi rapidement et ont convoqué une assemblée générale pour procéder au remplacement du syndic. Cette opération est tout à fait légale, et prévue par l’article 17 de la loi du 10 juillet 1967, en cas d’absence de syndic. Certaines copropriétés ont d’ailleurs désigné un syndic non professionnel.

D’autres qui avaient encore Belgrand comme syndic ont reçu pour certaines des convocations d’un syndic AB Syndic et Gestion, qui venait d’être créé par des proches de M. LEVILLOUX, avec son siège social dans les anciens locaux de 3LPartners.

La convocation n’étant pas envoyée par le syndic en fonction, c’est une cause de nullité de l’assemblée générale. Cette nullité ne peut être obtenue que par voie judiciaire. C’est pourquoi il est impératif de se rendre à l’assemblée générale et de voter contre cette désignation. Ensuite, il faut convoquer une assemblée générale pour désigner un nouveau syndic, professionnel ou non, en respectant les règles de convocation.

  • Cession de clientèle au cabinet SABIMO : le Juge Commissaire a autorisé la cession du droit de présentation des mandats de syndic dépendant de l’actif de la société Belgrand au profit de la société SABIMO - 23 avenue du 8 mai 1945 - 95200 Sarcelles. Cette cession ne correspond pas à un transfert de contrat de syndic, qui est légalement interdit (article 18-V de la loi du 10 juillet 1965). Toute convocation envoyée est aussi cause de nullité de l’assemblée générale : il faut suivre la même procédure que ci-dessus.

C’est ensuite posée la question des sommes à récupérer. Si autant de copropriétés étaient présentes à la réunion, c’est bien à cause des sommes en jeu, pouvant aller jusqu’à 400 000 euros pour un syndicat de copropriétaires.

II. La production de créance auprès du liquidateur

Il appartient au nouveau syndic ou à défaut au conseil syndical, via son président, de faire le nécessaire.

Les éventuelles créances du syndicat des copropriétaires (fonds non restitués ou jugement exécutoire) à l’égard du syndic Belgrand doivent être communiquées au liquidateur judiciaire dans les 2 mois à compter de la publication de cette mise en liquidation au BODACC.

L’annonce a été publiée le 28 octobre 2018 :

Bodacc A n°20180206 publié le 28/10/2018 Annonce n°2577

Date : 2018-10-11 Jugement d'ouverture de liquidation judiciaire

n° RCS : 489 376 475 RCS Paris

Dénomination : BELGRAND IMMOBILIER

Forme : Société par actions simplifiée

Adresse du siège social : 28 rue Belgrand 75020 Paris

Complément Jugement :

Jugement prononçant la liquidation judiciaire, date de cessation des paiements le 24 juillet 2017, désignant liquidateur Selarl Axyme en la personne de Me Didier Courtoux 62 boulevard de Sébastopol 75003 Paris. Les créances sont à déclarer, dans les deux mois de la présente publication, auprès du liquidateur ou sur le portail électronique à l'adresse https://www.creditors-services.com.


Par « créances », il faut entendre : les éventuels fonds du syndicat, que ce syndic n’aurait pas restitués ou aurait prélevés irrégulièrement à son profit.

Si le conseil syndical ou le nouveau syndic n’a pas récupéré les archives du syndicat et ne peut donc ni arrêter précisément une somme, ni produire les preuves, il faut évaluer les sommes qui sont susceptibles d’être détenues.

Cela concerne les charges appelées sur les 18 derniers mois, déduction faite des factures qui ont été réglées aux prestataires (les appeler pour s’en assurer), des  fonds de trésorerie et travaux, des charges appelées pour les travaux votés, sans oublier les aides publiques et bien entendu le dernier solde bancaire connu.

Il faut préciser lors de la production de créances que c’est le liquidateur qui détient les archives du syndicat des copropriétaires, donc toutes les preuves nécessaires.

L’important est de déclarer avant l’échéance, ensuite il y a des échanges avec le liquidateur ou le juge commissaire s’il rejette la créance en tout ou partie.

Même s’il y a des fonds suite à la cession d’un fichier clientèle, les syndicats de copropriétaires ont très peu de chance de récupérer des fonds par la voie du liquidateur. Ils ne sont pas privilégiés. Le super privilège qui existe entre le syndicat de copropriétaires créancier et le copropriétaire débiteur ne s’applique pas dans les relations commerciales entre le syndic et ce syndicat.

Les jugements qui ont été rendus et n’ont pas encore été exécutés doivent faire l’objet d’une production de créance.

III. Les assurances de Belgrand

Sur sa carte professionnelle consultable sur le site internet de la CCI, Belgrand serait couvert par AXA au titre de sa responsabilité civile professionnelle et de sa garantie financière. AXA nous a précisé que ces polices ont été résiliées au 31 décembre 2017.

Sur les contrats du syndic Belgrand sont renouvelés en 2018, les mentions concernant les assurances ont été supprimées.

Tout laisse à penser qu’il n’avait plus d’assurances professionnelles le jour de sa liquidation.

Dans le cadre du droit des assurances, il est possible d’essayer de mettre en cause les assurances dans les deux années qui suivent la survenance du sinistre.

  • La garantie financière couvre les détournements de fonds et la non restitution des fonds à l’issue du mandat de syndic. Dans ce dossier : la non restitution des fonds lors de la liquidation judiciaire ne sera pas prise en charge par AXA, qui n’est plus l’assureur à cette date.

Cette assurance ne se substitue pas non plus au syndic qui n’exécute pas un jugement.

Comme pour tout sinistre, il faut pouvoir prouver les faits allégués. A défaut d’archive et de documents comptables du syndicat, ce n’est pas évident.

Cette assurance serait donc susceptible d’intervenir pour des détournements de fonds prouvés intervenus en 2017. Attention : on parle bien au conditionnel…

  • L’assurance de responsabilité civile ne couvre pas les détournements ou non restitution de fonds. Ces faits sont exclus de cette assurance.

Il est possible de la mettre en cause si on peut prouver des fautes de gestion : non déclaration de sinistre par exemple, et si la copropriété peut prouver un préjudice.

Inutile de préciser que la mise en œuvre des assurances est relativement compliquée, quand elle est possible.

IV. La comptabilité du cabinet BELGRAND

Les petites copropriétés ont reçu un courrier de la société JLB Logiciels, qui exploite le logiciel Coprolib’. Voici un paragraphe de ce courrier qui peut laisser perplexe :

4444

Ensuite, cette société se propose d’accompagner les syndics non professionnels, qui poursuivraient avec ce logiciel comptable.

Ce courrier nous laisse perplexe. On pourrait comprendre que cette société à accès aux enregistrements et documents comptables des copropriétés dont Belgrand était le syndic.

En voyant le bon côté des choses, cela devrait permettre au nouveau syndic de récupérer la comptabilité de la copropriété.

V. La situation de la banque

En grande majorité, les comptes séparés étaient ouverts auprès de la même banque : le Crédit Lyonnais.

Juridiquement, le nouveau syndic a la capacité de récupérer une copie de tous les relevés bancaires et de toutes les opérations relatives au compte bancaire séparé du syndicat en sa qualité de représentant légal de ce dernier.

Ces documents sont indispensables en tant que preuves et pour reconstituer la  comptabilité.

Si la banque refuse de communiquer les documents, du fait des sommes en jeu, il ne faut pas hésiter à procéder par voie de référé : obligation de communiquer la copie de tous les documents concernant le compte et entre autre la remise des fonds, sous astreinte. Il est fortement conseillé de demander copie de ces pièces avant de retirer tous les fonds et de fermer éventuellement ce compte bancaire séparé.

Il faut bien rappeler que c’est le syndic qui est en liquidation judiciaire, et pas le syndicat des copropriétaires, et que c’est le compte de ce syndic seul qui passe sous le contrôle du liquidateur.

S’il s’avérait qu’il n’y avait pas de compte bancaire séparé, il faudrait alors immédiatement mettre en cause la responsabilité de la banque, surtout si elle a fourni une attestation ou une convention d’ouverture de compte qui laissait croire à l’existence d’un compte séparé.

VI. La gestion de ce syndic et les faits reprochés

Les faits reprochés par les copropriétés rencontrées concernaient l’utilisation qui a été faite de leurs fonds ainsi que la non restitution des soldes des comptes bancaires, tels qu’ils apparaissaient en comptabilité.

Ces faits étaient possibles à cause d’un accès partiel à la comptabilité, aux factures et aux relevés bancaires. Et d’une comptabilité mal tenue.

Certains conseils syndicaux n’ont pas retrouvé certaines sommes.

Ces éléments pourraient faire l’objet d’une qualification pénale. Ils se rapprochent du détournement de fonds, du vol ou de l’escroquerie. Une telle procédure ne peut être engagée que contre une personne physique.

VII. Le choix des procédures possibles

La procédure devra donc être engagée contre M. LEVILLOUX, le président de Belgrand.

L’ARC ne peut agir pour le compte de ses adhérents.

Il n'est possible de lancer une action de groupe que pour réparer un préjudice matériel, et donc exclusivement pour des litiges relevant de la consommation ou de la concurrence.

Si le syndicat des copropriétaires estime avoir un dossier assez solide, il peut engager une procédure au fonds devant la juridiction civile.

Comme il est demandeur, il doit apporter des preuves matérielles des faits qu’il avance. Cela commence par des relevés bancaires et des documents comptables.

Si ces éléments ne sont pas probants, il y a deux risques :

  • soit un rejet du dossier,
  • soit une expertise judiciaire à frais avancés. Donc une dépense d’à minima 5 000 euros et la facture peut grimper rapidement car elle est liée au temps passé par l’expert judiciaire, s’il doit reconstituer la comptabilité, en imaginant qu’il y arrivera…

La procédure pénale : peut être ouverte contre une personne qui a commis une ou des infractions définies par le Code pénal.

Un enquête est menée par la police judiciaire qui accède à beaucoup plus d’informations qu’un « simple » syndicat de copropriétaires.

Le syndicat peut décider de joindre sa procédure civile à la procédure pénale. Ainsi vous pourrez bénéficier des résultats de l’enquête, à la condition de vous faire représenter par un avocat lorsque le juge d’instruction aura été désigné.

Il est possible de choisir le même avocat pour plusieurs victimes. Cela permet de réduire les honoraires d’avocat et d’avoir accès au dossier.

Si des fonds ou des biens existent à l’étranger, ils pourront être recensés.

Cependant, la durée de la procédure est liée à la durée de l’enquête : cela sera donc beaucoup plus long qu’une procédure civile. Mais si un juge condamne au pénal, il attribue plus facilement des dommages et intérêts aux victimes que dans le cadre d’une simple procédure civile.

VIII. Les procédures en cours et la suite à donner

A ce jour, des syndics ont déjà déposé plaintes pour les faits ci-dessus rapportés.

Il est donc conseillé aux syndics repreneurs des copropriétés qui ont pu identifier des faits litigieux de déposer plainte auprès des services de police ou, et c’est plutôt conseillé, directement auprès du Procureur de la République :

Tribunal de Paris - Parvis du Tribunal de Paris - 75 859 PARIS Cedex 17.

Il faut espérer que tous les dossiers seront regroupés.

Les conseils syndicaux présents ont décidé de rester en contact et certains seraient intéressés pour se regrouper et choisir un même avocat.

En conclusion

L’ARC va continuer à accompagner ses copropriétés adhérentes dans ce dossier, en espérant qu’elles vont récupérer des fonds.