La régularité d’une assemblée générale est souvent discutée, notamment sur la mise en œuvre et la computation des pouvoirs de représentation des copropriétaires absents.
La question qui revient très souvent est celle relative au couple qui possède un bien en commun et de sa capacité à détenir les pouvoirs d’autres copropriétaires lors de l' assemblée générale.
Chacun des membres du couple peut-il détenir des pouvoirs de représentation d’autres copropriétaires absents ?
Les faits
Lors de l’assemblée générale annuelle (2011) d’un syndicat de copropriétaires du sud de la France, un couple de copropriétaires (Mr et Mme A) dispose respectivement de 9 et 6 mandats pour représenter des copropriétaires absents.
Plusieurs copropriétaires contestent le nombre de mandats détenus par ce couple de copropriétaires.
Ils considèrent cette assemblée générale comme irrégulière et engagent une action judiciaire en nullité devant le T.G.I. de Narbonne.
La juridiction de 1ère instance ne faisant pas droit à leur demande, ils interjettent appel devant la Cour d’Appel de Montpellier. Mais celle-ci, à son tour, confirme le jugement de première instance, les copropriétaires ne désarment pas, et se pourvoient en cassation.
A nouveau, l’instance suprême les déboute définitivement de leur demande (3ème chambre civile, 9 février 2017, n° 15 – 26268).
Rappel de ce que prévoit la loi du 10 juillet 1965
Et plus précisément des dispositions de l’article 22 qui déterminent les modalités de représentation en assemblée générale, à savoir :
- Qui peut voter ?
Chaque copropriétaire dispose d’un nombre de voix correspondant à sa quote-part dans les parties communes.
Dans la présente affaire, le copropriétaire était la « communauté de biens Monsieur et Madame A » et seul l’un des deux représentait cette indivision légale.
- Qui peut détenir un/des mandats de représentation ?
Tout copropriétaire peut déléguer son droit de vote à un mandataire, que ce dernier soit ou non membre du syndicat.
Dans la présente affaire, la communauté de bien A était représentée par Madame A, Monsieur A était donc disponible pour recevoir des mandats.
- Combien de mandats peuvent être détenus par une même personne ?
Chaque mandataire ne peut, à quelque titre que ce soit, recevoir plus de trois délégations de vote. Toutefois, un mandataire peut recevoir plus de trois délégations de vote si le total des voix dont il dispose lui-même et de celles de ses mandants n’excède pas 5% des voix du syndicat.
Dans notre exemple, le syndicat de copropriétaires comportait un nombre important de lots ce qui permettait à des copropriétaires de recevoir plus de trois mandats tout en restant en dessous du seuil des 5% légaux .
Madame A représentant seule la communauté de biens, elle disposait aussi de 6 mandats, mais l’ensemble des voix détenues (les siennes + les mandats portés) ne dépassait toujours pas les 5% des voix du syndicat ;
Monsieur A ne représentant pas la communauté de biens, disposait quant à lui de 9 mandats, et était soumis à la même contrainte que tout porteur de pouvoir, à savoir la limite des 5% des voix du syndicat , ce qui était bien son cas.
Le formalisme légal était donc respecté.
- Quelles sont les personnes ne pouvant en aucun cas détenir un mandat, même lorsqu’elles sont copropriétaires.
Le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et ses préposés ne peuvent recevoir mandat pour représenter un copropriétaire.
Les salariés du syndic, leurs conjoints ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité et leurs ascendants ou descendants qui sont également copropriétaires de l’immeuble bâti ne peuvent pas porter de pouvoirs d’autres copropriétaires pour voter lors de l’assemblée générale.
Conclusion et conseil de l’ARC
L’impact de la représentation en assemblée générale diffère selon que la copropriété est petite (moins de 10 lots), ou grande (plusieurs centaines de lots).
- Dans le 1er cas, un couple possédant un bien commun, sera en capacité juridique de détenir la quasi-totalité des voix du syndicat, en recueillant 2 fois 3 mandats en sus des voix de la communauté représentée par l’un des deux époux. Leurs votes pèseront donc très lourd sur les décisions ;
- A contrario, dans le second cas, le nombre de mandats pourra être très supérieur aux 3 prévus par les textes, mais la somme totale des voix attachées à ces mandats ne pourra pas dépasser 5% des voix formant le syndicat. Les votes du couple et de leurs pouvoirs ne pèseront donc qu’au maximum 5 % de représentation + leurs propres tantièmes sur la totalité des voix du syndicat !
- La situation aurait t'elle été la même si Monsieur et Madame A étaient mariés sous le régime de la séparation de biens : la réponse est OUI puisque celui du couple ayant la pleine propriété du bien aurait eu la capacité de porter des pouvoirs, et que l'autre membre du couple pouvait aussi , comme le peut un tiers étranger à la copropriété, représenter des copropriétaires lui ayant confié leurs pouvoirs.
Enfin, remettre son pouvoir de représentation, requiert d’avoir confiance, puisque que sauf instructions écrites sur le sens des votes, c’est le mandataire choisi qui s’exprimera et sa décision s’imposera à son mandant.
Pour finir, si le mandataire ne respecte pas les instructions écrites, les décisions prises s’imposent malgré tout au mandant, et c’est ensuite en droit civil que sera tranché le contentieux entre mandant et mandataire.
Il est donc indispensable d’effectuer un choix éclairé avant de confier un mandat à un tiers, copropriétaire ou pas.