Paris, le 08 février 2022
En parallèle des honoraires de base, le syndic est habilité à facturer des prestations complémentaires et privatives.
En l’occurrence, on retrouve la facturation auprès du copropriétaire vendeur pour l’établissement de l’état-daté qui est un document à remettre à son notaire avant la mutation du lot dans lequel sont indiquées les dettes et les créances que le vendeur a vis-à-vis du syndicat des copropriétaires et vice versa.
Au vu des tarifs prohibitifs pratiqués par les syndics professionnels qui pouvaient atteindre jusqu’à 1 000 euros et qui s’expliquent par le fait qu’ils détiennent un monopole pour établir ce document, la loi ALUR du 24 mars 2014 a plafonné le tarif par voie réglementaire.
Le décret n° 2020-153 du 21 février 2020 a fixé le tarif plafonné de l’état-daté à 380 € TTC pour une entrée en vigueur au 1er juin 2020.
Une décision du Conseil d’Etat du 29 décembre 2021 a indiqué que la fixation d’un tarif plafonné de l’état-daté n’était pas inconstitutionnelle, « ne portant pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre ou au principe d’égalité devant les charges publiques ».
Il aura donc fallu presque six ans pour que la loi produise ses effets, avec la publication de plusieurs textes législatifs successifs qui ont remanié le cadre de cette réglementation.
En effet, le tarif fixé à 380 € a été « arraché » par les chambres professionnelles des syndics, sachant que selon les études internes réalisées par la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes, le coût devrait se situer plutôt autour de 280 €.
Le compromis a été de considérer qu’il s’agit d’un tarif plafonné impliquant que chaque syndic professionnel conviendra du coût en fonction de la concurrence et dans la limite d’un prix de 380 €.
Deux ans et demi après l’entrée en vigueur du tarif plafonné de l’état daté, l’ARC a procédé à une étude sur plus de 120 contrats de syndics afin de vérifier le tarif appliqué.
Pour réaliser cette étude, l’ensemble des contrats des grands groupes tels que FONCIA, CITYA, NEXITY, ORALIA, LOISELET & DAIGREMONT ainsi que des petits et moyens cabinets de syndics, ont été étudiés.
Le constat est sans équivoque puisque 99 % des contrats présentent un tarif de l’état-daté correspondant au plafond maximal de 380 €.
Le 1% restant concerne des syndics qui appliquent un tarif soit moins élevé soit, plus grave, supérieur à un coût de 380 euros, ce qui est illégal.
Cette étude met en évidence plusieurs constats qu’il faut prendre en considération :
- le tarif de l’état daté plafonné à 380 € est devenu le tarif réglementé,
- la concurrence des contrats de syndic n’a pas permis de réguler le tarif de l’état-daté,
- une entente commerciale officieuse des syndics professionnels s’est opérée pour fixer le tarif à 380 €,
- le syndicat des copropriétaires ne dispose pas de moyens suffisants pour négocier avec le syndic professionnel les tarifs des prestations complémentaires et encore moins les honoraires privatifs facturés directement aux copropriétaires.
L’ensemble de ces constatations démontre que la fixation d’un tarif plafonné a certes limitée les abus tarifaires sans pour autant les éradiquer.
Si ces constats sont déjà alarmants, la situation s’avère encore plus critique.
En effet, pour rattraper le manque à gagner qui résulte du plafonnement de l’état-daté, les professionnels de l’immobilier ont inventé le concept du « pré-état-daté » en faisant facturer aux copropriétaires-vendeurs une nouvelle prestation avec un coût qui souvent est supérieur à 380 €.
Cette supercherie trouve son origine dans l’article L.721-2 du Code de la construction et de l’habitation qui impose au copropriétaire-vendeur de remettre à son potentiel acquéreur, au plus tard à la date de la signature de la promesse de vente, plusieurs informations administratives et financières liées à la copropriété.
Les professionnels ont profité de cette disposition légale pour l’amalgamer avec « l’état-daté », en incitant voire en contraignant, le copropriétaire-vendeur à solliciter la communication de ces informations auprès du syndic.
Pour se justifier, les cabinets de syndic indiquent que cette exigence émane des notaires et/ou des agents immobiliers qui imposent que les informations fournies avant la promesse de vente soient établies par le syndic professionnel.
Suite à ces affirmations, nous avons saisi officiellement le Conseil supérieur de notariat qui nous a répondu en confirmant tout d’abord que « le document baptisé «pré état-daté » n’a aucune base légale ou règlementaire ».
A cela il ajoute une réponse qui nous parait alambiquée puisqu’il indique que :
«… le vendeur pouvait parfaitement donner les informations requises et nécessaires au titre de la loi ALUR sans passer par le syndic et un pré état-daté.
Toutefois, il conseillait de se faire assister du syndic notamment en fournissant un pré état-daté pour éviter les conséquences attachées à un défaut d’information ou d’informations erronées. »
Ainsi, on atteste que le pré-état-daté n’a pas de base légale tout en conseillant le copropriétaire-vendeur de solliciter le syndic pour fournir ledit pré-état-daté.
Pour bien comprendre la dérive du système, nous avons récemment dénoncé, à travers notre site internet, la présidente de l’UNIS qui en tant que syndic réclame 403,20 € TTC pour réaliser le pré-état-daté.
Elle affirme dans son courrier qui accompagne le devis que « le syndic n’a pas d’obligation légale de délivrer le pré-état-daté » tout en indiquant que « le syndic peut être sollicité par le copropriétaire-vendeur pour établir le pré-état daté (ce que le notaire impose généralement)».
En plus de cette prestation, ce même syndic réclame 132 € pour la délivrance du certificat de l’article 20-II, tout en mentionnant que toute actualisation du pré-état-daté ou du certificat de l’article 20-II sera facturé en plus à hauteur de 50 % des honoraires de l’acte.
Ainsi, entre le pré-état-daté, l’état-daté et la délivrance du certificat, le copropriétaire-vendeur peut se voir facturer jusqu’à 915,20 €, sachant que ce montant peut être augmenté de 50 % s’il est actualisé.
Rappelons que la facturation de la délivrance du certificat de l’article 20-II ainsi que l’actualisation des documents n’est pas seulement abusive, mais bien illégale.
En effet, ni la loi du 10 juillet 1965 ni le contrat-type réglementaire ne permettent au syndic de facturer ce type de prestations.
Et voilà comment les syndics professionnels ont réussi à ruiner une disposition légale qui avait pour objectif de sécuriser le pouvoir d’achat des consommateurs et en l’occurrence des copropriétaires-vendeurs sur la pratique de tarifs abusifs.