La loi ALUR et la mise en concurrence des syndics impossible à mettre en œuvre.
L’ARC écrit aux deux ministres et à la députée Cécile DUFLOT
- Retour sur la loi ALUR : des dispositions impossibles à mettre en œuvre
La loi ALUR a institué deux dispositions concernant la mise en concurrence des syndics :
- au début de la vie de la copropriété;
- ensuite à chaque nouvelle désignation du syndic.
Malheureusement et malgré nos alertes ces textes (dont seul le premier est intéressant) sont tellement mal rédigés et conçus qu’ils risqueraient d’être inaplicables en l’état.
Nous allons expliquer pourquoi et expliquer ce que nous allons faire.
II. Voici les textes exacts (que nous commentons ensuite) :
- « Article 17 modifié de la loi du 10 juillet 1965, (2ème paragraphe) :
« Dans les cas où, avant la réunion de la première assemblée générale suivant la mise en copropriété, un syndic provisoire a été désigné par le règlement de copropriété ou par tout autre accord des parties, ce syndic ne peut être maintenu que par décision de l’assemblée générale, après mise en concurrence préalable de plusieurs contrats de syndics effectuée par le conseil syndical, s’il en existe un, ou les copropriétaires.
- Article 21 modifié de la loi du 10 juillet 1965 (3ème, 4ème, 5ème, 6ème paragraphes) :
« Au cas où l’assemblée générale est appelée à se prononcer sur la désignation d’un syndic, celle-ci est précédée d’une mise en concurrence de plusieurs projets de contrat de syndic, faisant notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé, effectué par le conseil syndical, sans préjudice de la possibilité, pour les copropriétaires, de demander au syndic l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet.
« Le conseil syndical peut proposer de ne pas procéder à la mise en concurrence mentionnée au troisième alinéa lorsque le marché local des syndics ne permet pas cette mise en concurrence. Le syndic notifie cette proposition aux copropriétaires dans un délai leur permettant de demander l’inscription à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’examen des projets de contrat de syndic qu’ils communiquent à cet effet. La proposition du conseil syndical ne fait pas l’objet d’une question inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale.
« Le conseil syndical peut se prononcer, par un avis écrit, sur tout projet de contrat de syndic. Si un tel avis est émis, il est joint à la convocation de l’assemblée générale, concomitamment avec les projets de contrat concernés.
« Lorsque la copropriété n’a pas institué de conseil syndical, la mise en concurrence n’est pas obligatoire ».
- Des dispositions difficiles, voire impossibles à mettre en œuvre, faute de précisions
Nous avions déjà indiqué à la ministre et aux rapporteurs de la loi que - tels quels et sans décret de précision - ces deux dispositions seraient à la fois difficiles ou même impossibles à mettre en œuvre et source de contentieux.
La ministre est passée outre et nous voici donc avec ces obligations nouvelles (dont seule la première d’ailleurs nous semble justifiée) quasi impossible à mettre œuvre.
C’est pourquoi nous allons demander - malgré tout - une modification du décret du 17 mars 1967 (possible même si la loi ne la prévoit pas) pour clarifier le dispositif (ceci dit, ce ne sera sans doute pas suffisant).
En attendant, montrons pourquoi à notre avis - faute de précisions suffisantes - ces dispositions nous semblent illusoires (nous sommes preneurs d’analyses différentes, cependant), voire source de conflits.
- Comment mettre en œuvre l’article 17, 2ème paragraphe ?
Cet article est si mal rédigé (ou rédigé par des personnes qui connaissent si mal la copropriété) qu’il évoque l’existence d’un conseil syndical dans les copropriétés qui n’auraient pas encore eu de première assemblée générale…
Nous avions alerté la ministre et proposé la formulation suivante, qui n’a pas été retenue :
« Première assemblée générale
« Préalablement à la convocation de la première assemblée générale et au moins deux mois avant la tenue de celle-ci, la personne chargée de cette convocation devra notifier à tous les copropriétaires qu’ils peuvent adresser une ou plusieurs questions à inscrire à l’ordre du jour ainsi, éventuellement, qu’une proposition de contrat de mandat de syndic ».
Notre proposition visait à organiser l’ordre du jour de la première assemblée générale d’une copropriété et la mise en concurrence du syndic de promotion.
Or, avec la version actuelle, nous sommes face à un problème redoutable : on se demande, en effet, comment les copropriétaires peuvent « mettre en concurrence préalable plusieurs contrats de syndic », comme dit le texte ? Qui met en concurrence ? Suffit-il d’un contrat concurrent de syndic de promotion pour déclarer que la loi est satisfaite ?
Surtout : on se demande comment un copropriétaire peut adresser dans les délais un contrat de syndic concurrent au syndic du promoteur, s’il ne connaît pas suffisamment à l’avance la date de la première assemblée générale ?
On voit bien qu’il faut que des obligations soient imposées au syndic provisoire si l’on veut que la mise en concurrence soit possible. Or, aujourd’hui, la loi étant muette, la situation est bloquée.
- Comment mettre en œuvre l’article 21 paragraphes 3 à 7 ?
Voyons maintenant les problèmes posés par la mise en concurrence après le premier syndic, encore plus redoutable.
L’article 21 présente, en effet bien d’autres difficultés que celles de l’article 17 :
1. « Le conseil syndical doit mettre en concurrence plusieurs contrats ».
Question : le contrat de syndic sortant est-il inclus dans le terme « plusieurs » ? Autrement dit : suffira-t-il au conseil syndical de demander un autre contrat (en plus de celui du syndic sortant) ?
2. La mise en concurrence doit être faite à chaque « désignation », donc en fin de mandat (soit si le, mandat est d’un an : tous les ans !) même si le conseil syndical est satisfait du syndic. Est-ce raisonnable ?
3. Que veut dire l’expression : « Les contrats devront : faire notamment état des frais afférents au compte bancaire séparé », ceci alors que l’article 18 de la loi de 1965 prévoit désormais que le syndic ne peut plus appliquer des honoraires supplémentaires en cas de compte bancaire séparé, même pour les copropriétés de moins de 16 lots ?
Là encore, on est stupéfaits.
4. Enfin, la phrase : « Le conseil syndical peut se prononcer, par un avis écrit sur tout projet de contrat de syndic » demande, elle aussi, explication.
Au nom de quoi imposer au conseil syndical ce travail dans les zones concurrentielles ? Comment le conseil syndical aura-t-il ces contrats ? Quels sont les délais pour qu’il puisse les examiner ? Comment les autres copropriétaires connaîtront-ils la date de l‘assemblée générale, etc.
Autant de questions auxquelles il faudra des réponses précises si l’on ne veut pas créer non seulement un contentieux énorme (pour défaut de mise en concurrence) mais aussi un climat de zizanie entre les copropriétaires. Était-ce le but recherché ? Certainement pas.
On le voit donc, là encore, seules des précisions dans le décret (à modifier) du 17 mars 1967 seraient susceptibles d’éviter confusion, pagaille, zizanie. Ceci dit, on ne voit pas bien lesquelles, seule la suppression pure et simple de ces trois paragraphes de l’article 21 semblant de nature à éviter une « usine à gaz » dangereuse POUR TOUS.
Comme indiqué, nous saisissons les ministères de ce nouveau problème d’application de la loi ALUR ainsi que la députée Cécile DUFLOT pour qu’elle pose une question écrite à la nouvelle ministre du Logement.