La loi ELAN et le délai de prescription en copropriété

08/10/2019 Actu juridique Actualité juridique

La loi ELAN, adoptée le 23 novembre 2018, intervient dans le monde de l’habitat et modifie un certain nombre d’articles de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Sur les questions de recouvrement de dettes et d’actions entre syndicat des copropriétaires et tiers, elle vient notamment modifier les délais de prescription.

Voici un petit récapitulatif de la situation actuelle.

I. Le délai de prescription en copropriété

La prescription est un délai qui éteint la possibilité, pour une personne, d’exercer un droit. Ce délai de droit commun, défini par l’article 2224 du Code civil, est de cinq ans.

En copropriété, ce délai s’applique principalement dans deux cas : la contestation d’une décision d’assemblée générale et le recouvrement de créances du syndicat vis-à-vis d’un copropriétaire.

Cependant, dans ces deux cas spécifiques à la copropriété, le délai de prescription varie selon sa définition par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Le délai de contestation d’une décision d’assemblée générale est de deux mois. La loi ELAN ne l’a pas modifié.

Dans les deux mois à compter de la réception du procès-verbal d’assemblée général, tout copropriétaire peut exercer son droit à contester la décision sous motif de vices de procédures ou de résolution.

En matière d’action personnelle entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat des copropriétaires, le délai de prescription est passé de dix ans (ancienne législation) à cinq ans avec l’intervention de la loi ELAN (article 213, venant modifier l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965).

Ce délai peut cependant être interrompu par une action en justice : si le syndicat des copropriétaires assigne un copropriétaire débiteur, l’acte de saisie judiciaire suspend le délai de prescription.

Enfin, la loi laisse une question en suspens, pourtant très importante dans la compréhension et l’interprétation de la notion de « délai » : le point de départ du délai de prescription.

Il s’agit en effet de savoir quel est la date de commencement du délai de prescription de cinq ans correspondant à la nouvelle législation : à la date d’exigibilité de la créance ou à la date d’entrée en vigueur de la loi ELAN ?

Il faut ici distinguer trois cas. Le premier est le cas d’une créance non exigible au 25 novembre 2018 (date d’entrée en vigueur de la loi ELAN) : cette créance sera soumise au « nouveau » délai de cinq ans.

Le second cas est celui d’une créance antérieure au 25 novembre 2018 qui serait prescrite (selon l’ancien délai de dix ans) moins de cinq ans après l’entrée en vigueur de la loi ELAN : la créance garde son délai de prescription original. Dans ce cas, pour une créance exigible au 1er janvier 2011 par exemple, son délai de prescription court donc jusqu’au 1er janvier 2021.

Le troisième cas est celui d’une créance antérieure au 25 novembre 2018 qui serait prescrite (selon l’ancien délai de dix ans) plus de cinq ans après le 25 novembre 2018 : celle-ci voit son délai de prescription réduit à cinq ans à compter du 25 novembre 2018.

II. Les conséquences pour le syndicat, en matière de recouvrement de dettes

Cette modification de la loi cadre de la copropriété implique plusieurs conséquences pour les syndicats de copropriétaires.

En premier lieu, des conséquences liées à l’inaction du syndicat face à un problème d’ordre réglementaire : si un copropriétaire ne respecte pas le règlement de copropriété, et qu’aucune action n’est entreprise à son égard dans les cinq ans suivant la faute commise, aucune action ne pourra plus être entreprise.

En second lieu, qui concerne une majorité des cas, ce délai s’applique au recouvrement des impayés.

Si une dette était exigible il y a cinq ans ou plus, et qu’aucune action judiciaire n’a été entreprise dans ce délai, il n’est plus possible pour le syndicat des copropriétaires de recouvrer la dette.

L’intervention de la loi ELAN dans la législation de la copropriété va donc dans le sens d’un amoindrissement de la capacité à agir en justice à l’encontre d’un tiers, pour les syndicats comme pour les copropriétaires.