L’ARC saisit le ministre d'État, de la Transition écologique et solidaire : Monsieur Nicolas Hulot

22/08/2017 Actions Action

Nous savons que les dossiers qui relèvent de l’écologie sont très délicats car la moindre opposition est souvent caricaturée comme une entrave à la volonté de baisse des consommations énergétiques et de fluides.

Et pourtant, à l’ARC nous ne sommes pas dupes, les réformes écologiques impliquent aussi des lobbies financiers importants et nous nous gardons bien de tomber dans ce panneau.

C’est bien pour cela, que si nous soutenons les dispositions vertueuses qui permettent réellement une rénovation des copropriétés - y compris au plan énergétique – nous dénonçons sans états d’âme les obligations contreproductives et en particulier l’individualisation des frais de chaleur.

En effet, ce dispositif est une véritable escroquerie qui utilise sans vergogne l’alibi écologique et la mobilisation des copropriétaires à réaliser des travaux de rénovation au sein de leurs immeubles.

C’est dans ce sens que l’ARC a saisi le ministre de l’Écologie pour tout d’abord lui présenter notre association et ensuite pour dénoncer le manque de cohérence dans les multiples dispositions légales publiées en matière énergétique.

Voici donc le courrier envoyé à Monsieur Hulot :

« Monsieur Nicolas Hulot

Ministre d'État,

Ministre de la Transition écologique et solidaire
Hôtel de Roquelaure
246, boulevard Saint-Germain
75007 PARIS

Paris, mardi 6 juin 2017

Monsieur le Ministre,

Je vous écris en tant que Directeur général de l’Association des Responsables de Copropriété. Créée en 1987, l’ARC est une association loi 1901 à but non lucratif, implantée en 2017 sur plus de 12 000 copropriétés adhérentes représentant 500 000 logements. L’ARC est une association indépendante, tant des pouvoirs publics et collectivités territoriales que des professionnels, syndicats, partis politiques. Elle ne touche aucune subvention et vit des cotisations et services rendus à ses adhérents.

Depuis 30 ans, l’ARC aide les copropriétaires, les conseils syndicaux et les syndics bénévoles à obtenir une meilleure gestion des copropriétés. Dans ce cadre, un axe essentiel de notre action vise à contribuer à maîtriser les charges d’énergie et à rénover les copropriétés :

·Conseils sur les économies d’énergie et accompagnement des copropriétaires dans leurs projets de rénovation.

·Élaboration et diffusion d’outils : Bilan énergétique simplifié, Bilan initial de copropriété, Audit global partagé, guides sur la maîtrise de l’énergie en copropriété chez Vuibert[1], site internet coproprieterre.org, colloques à l’échelle nationale et européenne, COP 21,  etc.

·Formation de professionnels : conseillers info-énergie de l’Ademe (2016-2020), Arene Île-de-France, Weber-Saint-Gobain, Ville de Paris, etc.

·Développement de partenariats : Planète Copropriété, Coalition France pour l’efficacité énergétique (qui regroupe industriels, associations environnementales et associations de consommateurs), collectivités territoriales, CLER, ALEC, etc.

·Recherche et expérimentations : contrats de performance énergétique (Puca, Ademe), solaire photovoltaïque (Stratégéco), carnet d’entretien (Puca, Anah, Qualitel), leaders énergétiques en copropriété (Puca, Anah), Écoemballages, etc.

L’ARC s’engage activement sur la rénovation énergétique des copropriétés, car nous sommes convaincus que ce sujet est inévitable et qu’il présente l’avantage d’amener les copropriétés à maîtriser leur principal poste de charges[2]. Nous souhaitons mettre à disposition notre expertise pour faciliter l’atteinte de ces objectifs.

Avec près de 8 millions de logements principaux sur un parc qui compte 28,4 millions, la copropriété est le deuxième secteur de la transition énergétique des bâtiments d’habitation, après celui de la maison individuelle (16 millions[3]) mais devant celui du logement social (4,3 millions[4]).

Avec ce courrier, nous souhaitons partager le constat de terrain que fait notre association, ébaucher des propositions d’actions, et surtout proposer de dialoguer avec vous et vos équipes sur la question des économies d’énergie en copropriété.

Depuis 10 ans, les lois adoptées en matière de rénovation énergétique ont apporté un certain progrès dans le secteur de la copropriété :

·lois Grenelle : audit énergétique et DPE collectif, changement collectif des fenêtres, facilitation du vote des travaux d’économies d’énergie ;

·loi ALUR : fonds travaux et DTG (diagnostic technique global) ;

·loi de Transition énergétique pour la croissance verte : travaux d’isolation embarqués dans le cadre de travaux de ravalement ou de réfection de toiture, rapport sur l’unification des aides, renforcement du conseil à destination des consommateurs.

Malgré ces avancées, et malgré l’implication croissante des collectivités territoriales et des associations, la rénovation énergétique des copropriétés tarde à se développer. Peu de copropriétés passent à l’action, et bien souvent à des niveaux incompatibles avec les objectifs fixés par la politique énergétique nationale.

L’action publique telle qu’elle est impulsée par les pouvoirs publics manque de liant et de cohérence. Nous observons un éparpillement des dispositions et des mesures légales. Certaines sont contradictoires entre elles et plusieurs sont inadaptées à la copropriété ; et rien ne peut plus discréditer la transition énergétique auprès des copropriétaires que des solutions « miracles », qui appliquées sur le terrain s’avère n’être que des « mirages ». C’est actuellement le risque que nous courrons avec les tentatives des lobbys pour généraliser l’individualisation des frais de chauffage, fausse « bonne idée » (en particulier du point de vue de la rénovation des copropriétés) à laquelle est opposé l’ensemble des acteurs du logement et de la consommation[5].

La multiplication de dispositifs manquant de cohérence nuit à leur lisibilité et à leur efficacité. Cette situation n’incite pas les copropriétaires à investir dans des projets à la rentabilité plus longue que la durée pendant laquelle ils conservent leur logement (le turnover est de 7 ans en moyenne en copropriété). Le marché de la rénovation des copropriétés est à peine frémissant.

Selon nous, la mise en œuvre d’un plan national propre aux copropriétés est nécessaire pour amener progressivement ce parc au niveau des objectifs fixés par la politique énergétique nationale (article L100-4 du code de l’énergie : GES -40% entre 1990 et 2030, facteur 4 en 2050, consommation finale -50% entre 2012 et 2050).

Pour atteindre ces objectifs, nous pensons que chaque copropriété devrait élaborer une feuille de route dans laquelle elle planifierait la réalisation de travaux adaptés à son bâti et suffisamment performants. Chaque copropriété devrait également en planifier le financement. Ces actions iraient dans le sens d’un développement et d’une intégration de dispositifs existants (en particulier : audit énergétique, DPE collectif, DTG, fonds travaux, carnet numérique).

La mise en œuvre de cette feuille de route serait facilitée par des actions visant à renforcer la qualité des travaux, à adapter le fonctionnement financier des copropriétés au processus de rénovation (amélioration du fonds travaux), à unifier et simplifier les aides et à développer un accompagnement local de qualité des copropriétés via un guichet unique de type espace info-énergie.

C’est dans cet esprit, Monsieur le Ministre, que nous sollicitons un rendez-vous avec vous pour échanger sur ces constats et propositions, afin de contribuer à l’émergence d’une politique de l’énergie plus adaptée aux copropriétés, et donc plus efficace.

Nous profitons également de ce courrier pour vous offrir notre dernier guide disponible sur la rénovation des copropriétés.

Je vous prie de recevoir, Monsieur le Ministre, l’assurance de ma très haute considération.

Émile Hagège

Directeur général de l’ARC

PJ : guide « Comment rénover sa copropriété », Vuibert 2015, 160p »


[1] « Comment rénover sa copropriété », Vuibert 2015, 160p

« Rénovation en copropriété : Comment mobiliser les copropriétaires ? », Vuibert 2014, 160p

« Copropriété : le manuel de la rénovation énergétique », Vuibert 2013, 350p

« Bien gérer son chauffage collectif », Vuibert 2017, 160p (à paraître en octobre)

[2] Source : observatoire des charges de copropriété (ARC 2017)

[3] Environ 16 millions (source : Insee 2016)

[4] Environ 4,3 millions en 2016 (source : USH 2016)

[5] UFC-Que Choisir UFC, 60 millions de consommateurs, l’Union Sociale pour l’Habitat, la Confédération Nationale du Logement (CNL), la Consommation Logement et Cadre de Vie (CLCV), la Confédération syndicale des familles (CSF), la Confédération générale du logement (CGL), etc.