Le Conseil d’État recadre les chambres professionnelles au sujet du contrat type : l’arroseur arrosé

14/10/2016 Actions Action

Le Conseil d’État recadre les chambres professionnelles au sujet du contrat type :

l’arroseur arrosé

 

À la suite de la publication du décret du 26 mars 2015 définissant, le contrat type, plusieurs chambres professionnelles (la FNAIM - Fédération Nationale des Agents Immobiliers, l’UNIS – Union Nationale des Syndicats de l’Immobilier, le SNPI – Syndicat National des Professionnels de l’Immobilier) ont engagé devant le Conseil d’État un recours pour « excès de pouvoir », c'est-à-dire en annulation, du décret du 26 mars 2015 relatif au contrat type de syndic.

 

Le Conseil d’État s’est donc prononcé en séance le 21 septembre 2016, avec une lecture en date du 5 octobre 2016. La décision porte le numéro 390465, 390491.

 

Comme nous allons le constater, malgré les « coups bas » des chambres professionnelles, notamment à l’égard des syndics non professionnels, le Conseil d’État a retoqué la quasi-totalité de leurs demandes.

 

Nous allons donc reprendre l’intégralité des points évoqués par les différents protagonistes en mettant en exergue nos commentaires sur la décision du Conseil d’État sur chacun des points concernés par le recours.

 

I. Confirmation de l’impossibilité pour le syndic professionnel de recevoir directement ou indirectement d’autres rémunérations

Les chambres professionnelles ont réclamé la suppression de l’article 66 du décret du 20 juillet 1967, qui a été repris partiellement dans le préambule du contrat type.

 

Il s’agit de préciser que le syndic professionnel « ne peut ni demander ni recevoir directement ou indirectement d’autres rémunérations à l’occasion de la mission dont il est chargé au titre du présent contrat, que celles dont les conditions de détermination y sont précisées y compris en provenance de tiers ».

 

Le Conseil d'État a retoqué leurs demandes en confirmant que cette disposition « a pour objet d’empêcher la perception par un syndic de revenus autres que ceux dont le syndicat des copropriétaires a convenu et qui serait perçu par lui au terme de son contrat ».

 

Voici l’extrait concerné de la décision du Conseil d’État :  

 

« Dès lors, le moyen de la Fédération nationale de l’immobilier, de l’Union des syndicats de l’immobilier et du Syndicat national des professionnels immobiliers tiré de ce que le préambule du contrat type serait illégal en ce qu’il interdit aux syndics de percevoir une rémunération en provenance de tiers ne peut qu’être écarté »

II. La réintégration du coût de la gestion des archives (ou de la mise à disposition d’un accès en ligne aux documents relatifs à la gestion de l’immeuble) doit être équivalente au montant déduit contractuellement

 

Analysons les décisions du Conseil d’Etat pour les archives, décisions qui s’appliquent de la même façon pour la mise à disposition d’un accès en ligne aux documents.

 

Les chambres professionnelles ont invoqué l’illégalité du point 7.1.5 du contrat type qui prévoit uniquement la réduction des honoraires en cas d’externalisation des archives sans indiquer en parallèle que les honoraires pourraient faire l’objet d’une réévaluation dans le cas où le syndic assurerait nouveau cette tâche.

 

Dans sa décision, le Conseil d’État a indiqué que la rédaction du contrat type ne présentait aucune difficulté règlementaire puisque le syndic peut réévaluer son contrat dans le cas où il récupère la gestion des archives.  

 

Ceci étant, le Conseil d’État a été extrêmement avisé puisqu’il a précisé que la réévaluation des honoraires devait être équivalente non pas à la facture d’archivage, mais à la réduction des honoraires que le syndic aurait préalablement déduit de son forfait de base.

 

Autrement dit, le Conseil d’État a été pragmatique en prenant en considération une réalité de terrain. En effet, la plupart des syndics ont proposé aux syndicats de copropriétaires une externalisation des archives qui coûte entre 5 et 8 € par lot tout en réduisant leurs honoraires, soit d’un euro symbolique, soit pire en supprimant cette clause de leurs contrats.

 

Ainsi, les chambres professionnelles voulaient que le Conseil d’État cautionne un abus programmé qui était de réduire de 1€ leur contrat en cas d’externalisation des archives tout en réévaluant leur forfait du coût de la facture si le syndic devait reprendre en charge cette tâche. 

 

C’est donc une première sanction du Conseil d’État envers les professionnels de l’immobilier.

 

Voici l’extrait concerné de la décision du Conseil d’État :  

 

« Elles en font nullement obstacle à ce qu’en cas de réintégration des prestations au forfait de gestion courante, ce dernier se trouve rehaussé à due concurrence des sommes qui en avaient été déduites dans un premier temps, de sorte que le syndic soit toujours rémunéré pour les prestations qu’il réalise effectivement ».

 

III. Un syndic non professionnel qui peut être rémunéré

 

Nous sommes outrés de constater que les chambres professionnelles ont utilisé ce recours au Conseil d’État pour réclamer la fin de la rémunération des syndics non professionnels.

 

Leur argument est que le syndic non professionnel ne peut pas être rémunéré au titre du temps de travail consacré à la copropriété à partir du moment où il n’est pas un professionnel.

 

Le Conseil d’État a là aussi rejeté les arguments des chambres professionnelles en considérant qu’un syndic non professionnel pouvait légitimement réclamer un dédommagement pour le temps qu’il consacre à la gestion de la copropriété.

 

Nous ne pouvons que saluer cette décision tout en critiquant les chambres professionnelles qui essaient par tout moyen de dissuader les copropriétaires de devenir syndic de leur immeuble.

 

Voici l’extrait concerné :

 

« L’octroi à ces copropriétaires d’une rémunération allouée à titre de dédommagement du temps qu’ils consacrent à la gestion de la copropriété. En conséquence, le moyen de la Fédération nationale de l’immobilier, de l’Union des syndicats de l’immobilier et du Syndicat national des professionnels de l’immobilier tiré de ce que les mots « outre rémunération au titre du temps de travail consacré à la copropriété »seraient entachés d’illégalité ne peut être écarté. »

 

IV. Un statu quo en matière de prise en charge des frais de recouvrement

 

Le point 9 du contrat type réglementaire précisait que « le coût des prestations suivantes est imputable aux seuls copropriétaires concernés et non au syndicat de copropriétaires qui ne peut être retenu d’aucune somme à ce titre »

 

Le Conseil d’État a effectivement supprimé « et non au syndicat de copropriétaires qui ne peut être retenu d’aucune somme à ce titre » en invoquant l’article 1165 du Code civil qui précise que « les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes ; et ne nuisent point au tiers ».

 

Cette décision du Conseil d’État ramène la situation juridique à celle qui existait avant la loi ALUR, à savoir que conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic peut imputer certains actes directement sur le compte du copropriétaire défaillant. Néanmoins, en cas d’insolvabilité de ce dernier, ces dépenses pourront être réimputées au syndicat de copropriétaires.

 

Ceci étant, rappelons que la responsabilité du syndic pourra être recherchée si le syndicat de copropriétaires considère que son mandataire a abusé de sa position pour facturer à outrance des actes de recouvrement inutiles.

 

V. La suppression de la possibilité de facturer la délivrance du certificat prévu à l’article 20, II

 

Le corollaire du point précédent est que le Conseil d’État a considéré que la facturation de la délivrance du certificat prévue à l’article 20, chapitre II de la loi du 10 juillet 1965 devait être supprimée des actes imputables aux copropriétaires.

 

Pour cela, le Conseil d’État rappelle que seuls les actes prévus de manière exhaustive dans l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 peuvent être imputables aux seuls copropriétaires, ce qui n’est pas le cas de la délivrance du certificat de l’article 20. 

 

Le Conseil d’État a donc été rigoriste dans l’imputation des tarifs privatifs en supprimant les mots « et non au syndicat de copropriétaires qui ne peut être retenu d’aucune somme à ce titre » (cf. paragraphe IV), tout en supprimant une possibilité de facturation privative qui n’était pas prévue par la loi.

 

Voici l’extrait de la décision concerné :

 

« Il y a  lieu d’annuler les mots « Délivrance du certificat prévu à l’article 20 II de la loi du 10 juillet 196 » au sein de la liste de frais et honoraires fixée au point 9.2 du contrat type ».

 

Selon notre analyse, il résulte de cette décision que la production du certificat est une tâche qui fait partie de la gestion courante de la copropriété et donc non facturable. C’est très bien pour les copropriétaires…

 

D’ailleurs, le Conseil d’État est même allé encore plus loin en donnant une précision sur le futur décret concernant le plafonnement des frais et honoraires imputables aux seuls copropriétaires concernés.

 

VI. Un plafonnement des honoraires qui concerne aussi bien l’état daté que les frais de recouvrement

 

Beaucoup d’encre a coulé pour savoir si le futur décret relatif au plafonnement des honoraires, introduit par la loi ALUR, concernait uniquement la facturation de l’état daté ou bien aussi les frais de recouvrement.

 

Le Conseil d’État a donc été très clair en précisant que même si le contrat type réglementaire fait allusion au plafonnement des honoraires uniquement pour l’établissement de l’état daté, le futur texte réglementaire concernera aussi les recouvrements des charges d’impayés.

 

Cette décision résulte encore une fois de la lecture de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 qui précise que les frais privatifs concernent aussi bien l’état daté que les frais de recouvrement de charges d’impayés.

 

Par cette décision, le Conseil d’État met définitivement fin aux débats et aux interprétations de bonne ou de mauvaise foi des professionnels.

 

Nous pourrions nous arrêter là dans l’analyse, si ce n’est que nous sommes obligés de relater la réaction des chambres professionnelles. En effet, alors que le Conseil d’État a rejeté quasiment toutes leurs demandes, ils essayent de sortir victorieux de leur action.

 

Nous ne résistons pas à l’envie de vous présenter un extrait de leur communiqué de presse :

 

« La profession des services immobiliers se félicite du jugement que vient de rendre la Haute Autorité du Conseil d'État sur le contrat type de syndic.

Une décision symbolique : l'un des tout premiers textes réglementaires pris en application de la loi ALUR vient ainsi d'être sanctionné (...). La sanction de l'attitude régalienne de l'Administration qui était passée outre l'avis de la profession et des consommateurs : ce rappel à l'ordre de la Haute Autorité jurisprudentielle souligne ainsi les difficultés inhérentes à l'Administration pour tenir compte de l'avis des professionnels. Sur ce texte, les membres du CNTGI, nouvelle instance de consultation et d'échange entre les professionnels et les consommateurs, avaient en commun fait des propositions que l'administration avait écartées. »

 

Ainsi, de toute évidence, il semble que l’UNIS n’a pas eu lecture de la même décision du Conseil d’État que nous venons de commenter.

 

Par ailleurs, nous sommes ravis d’apprendre que les pouvoirs publics n’ont pas suivi les recommandations du CNTGI, compte tenu des demandes de suppression qu’ils ont formulées auprès du Conseil d’État.