Le défaut d’ouverture de compte bancaire séparé entraîne la nullité du mandat de plein droit sans pour autant permettre une indemnisation aux copropriétaires

23/11/2018 Actions Action

Face aux nombreux manquements des syndics professionnels aux obligations légales et réglementaires, les copropriétaires sont de plus en plus enclins à les poursuivre judiciairement pour faire cesser ces infractions et/ou obtenir réparation de leur préjudice.

L’action judiciaire doit néanmoins être exercée à bon escient, comme le souligne un arrêt de la Cour de Cassation du 13 septembre 2018.

La Cour a, en effet, écarté le recours d’un copropriétaire en dommage et intérêts contre le syndic, pourtant fautif.

I. Compte bancaire séparé du syndicat : obligation du syndic et sanctions en cas de carence

L’article 18-II de la loi du 10 juillet 1965 souligne que le compte bancaire séparé du syndicat des copropriétaires constitue un principal légal.

La seule possibilité de dérogation est pour les copropriétés de moins de 16 lots : elle doit faire l’objet d’une résolution de l’assemblée générale à la majorité des voix du syndicat des copropriétaires.

Ce compte doit être ouvert par le syndic dans un délai maximal de trois mois, suivant sa nomination en assemblée générale.

A défaut, son mandat de syndic se révèle nul de plein droit. Mais seul un juge peut déclarer cette nullité, ce qui implique donc une décision de justice (voir l’article : Défaut d’ouverture de compte bancaire séparé : la nullité du mandat du syndic doit être requise judiciairement avant toute désignation d’un administrateur provisoire).

II. Responsabilité civile du syndic : les conditions de sa mise en jeu

En l’espèce, un syndicat élit lors de son assemblée générale ordinaire du 22 mai 2010 le cabinet H.C.I. comme syndic. Ce dernier n’a pas ouvert le compte bancaire séparé dans le délai imparti. Conformément à l’article 18-II de la loi du 10 juillet 1965, son mandat est nul de plein droit à compter du 23 août 2010.

A défaut d’action en nullité d’un copropriétaire à l’issue de ce délai de 3 mois, le cabinet H.C.I. effectue sa mission et convoque une assemblée générale en 2011.

Un couple de copropriétaires opposants ou défaillants lors de cette assemblée assignent le syndicat et le syndic, afin d’obtenir respectivement la nullité de l’assemblée générale du 3 mars 2011 et l’indemnisation de leur préjudice personnel.

Ces copropriétaires s’appuient sur le fait que le mandat de ce syndic étant nul lorsqu’il a convoqué l’assemblée générale de 2011, cela justifierait la nullité de l’assemblée.

Le Tribunal de Grande Instance de Versailles, confirmé par la Cour d’Appel, accueille partiellement cette demande : annulation de l’assemblée générale du 3 mars 2011 pour cause de nullité du mandat du syndic, mais refuse de condamner le syndic pour faute.

L’annulation de l’assemblée générale ne fait pas l’objet d’un pourvoi en cassation, elle est donc définitive.

Ce qui n’est pas le cas du rejet d’une indemnisation suite à la faute commise par le syndic. Les copropriétaires se pourvoient en cassation pour cette question.

La Cour de Cassation, dans l’arrêt n°17-19450 du 13 septembre 2018, considère que si la faute du syndic est manifeste, pour l’absence d’ouverture du compte bancaire dans le délai légal de trois mois, le copropriétaire n’a cependant pas subi de dommage personnel.

La gestion de la résidence par le syndic s’est poursuivie, certes sans mandat légitime et moyennant le paiement du forfait correspondant, mais a néanmoins permis d’assurer l’entretien de l’immeuble et de permettre aux prestataires d’intervenir, évitant ainsi tout préjudice aux copropriétaires.

Voici le compte rendu de la Cour de Cassation :

«…Mais attendu qu'ayant relevé que, bien que l'assemblée générale du 3 mars 2011 ait été annulée, il n'en demeurait pas moins que le syndic avait accompli des actes de gestion permettant au syndicat des copropriétaires de payer les factures et de faire les appels de fonds, la cour d'appel, qui n'a pas jugé que le syndic pouvait percevoir une rémunération au titre de son mandat annulé, en a souverainement déduit que M. et Mme X... ne justifiaient d'aucun préjudice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme X... et les condamne à payer à la société H.C.I. la somme globale de 3 000 euros… »

En effet, toute victime de l’agissement d’une personne est fondée à réclamer la réparation de son préjudice sur le terrain de la responsabilité civile délictuelle pour faute (art. 1240 et s. du Code civil).

La condamnation judiciaire suppose que la partie victime, demanderesse à l’instance (art. 9 du Code de procédure civile), démontre la faute du syndic, le dommage qu’elle a subi et le lien de causalité entre les deux (art. 1240 et s. du Code civil).

Un procès ne doit donc pas être engagé à la légère, car une faute du syndic ne permet pas à elle seule d’espérer sa condamnation en responsabilité civile, si celle-ci n’a pas causé de dommage et que la loi ne prévoit pas un régime de sanction spécifique pour cette faute.