Nous savons que l’un des fléaux en copropriété est le manque de diligence des syndics professionnels pour engager des procédures judiciaires à l’encontre de copropriétaires débiteurs.
Bien souvent, ils préfèrent retarder les actions judiciaires en recouvrement, leur permettant ainsi de facturer des actes privatifs à prix d’or (mise en demeure, lettre de relance, sommation…).
Pour justifier leur choix, ils invoquent qu’une procédure coûte cher et qu’il est préférable d’attendre que la dette atteigne un montant important pour agir judiciairement.
Bref, une argutie de plus qui justement entraîne doucement mais sûrement la copropriété dans la difficulté, ne pouvant plus faire face au paiement des charges courantes, provisionnelles et de travaux.
Cela est d’autant plus inadmissible que les dispositifs légaux en matière de recouvrement des charges, spécifiquement en copropriété, sont nombreux.
A ce titre, voyons comment la loi ELAN a réécrit totalement la procédure dite de « déchéance du terme » qui devient une véritable arme donnée au syndicat des copropriétaires pour obtenir plus rapidement une condamnation à l’encontre du copropriétaire débiteur.
Nous sommes d’autant plus fiers de cette disposition qu’elle émane d’une proposition d’amendement de l’ARC.
I. Une évolution importante du dispositif
Avant d’entrer dans les commentaires, voici la nouvelle rédaction de l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965, modifié par l’article 210 de la loi ELAN :
« A défaut du versement à sa date d'exigibilité d'une provision due au titre de l'article 14-1 ou du I de l'article 14-2, et après mise en demeure restée infructueuse passé un délai de trente jours, les autres provisions non encore échues en application des mêmes articles 14-1 ou 14-2 ainsi que les sommes restant dues appelées au titre des exercices précédents après approbation des comptes deviennent immédiatement exigibles.
Le président du tribunal de grande instance statuant comme en matière de référé, après avoir constaté, selon le cas, l'approbation par l'assemblée générale des copropriétaires du budget prévisionnel, des travaux ou des comptes annuels, ainsi que la défaillance du copropriétaire, condamne ce dernier au paiement des provisions ou sommes exigibles.
Le présent article est applicable aux cotisations du fonds de travaux mentionné à l'article 14-2.
Lorsque la mesure d'exécution porte sur une créance à exécution successive du débiteur du copropriétaire défaillant, notamment une créance de loyer ou d'indemnité d'occupation, cette mesure se poursuit jusqu'à l'extinction de la créance du syndicat résultant de l'ordonnance.
Si l'assemblée générale vote pour autoriser le syndic à agir en justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d'un lot d'un copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat, la voix de ce copropriétaire n'est pas prise en compte dans le décompte de la majorité et ce copropriétaire ne peut recevoir mandat pour représenter un autre copropriétaire en application de l'article 22. »
Ainsi, à partir du moment où un copropriétaire est en défaut de paiement d’un appel de fonds sur l’exercice, que cela concerne aussi bien les charges courantes, les provisions de travaux ou bien les cotisations du fonds travaux, le syndicat des copropriétaires est en droit de lui réclamer judiciairement au syndic :
- L’ensemble des appels de fonds de l’exercice concernant les charges courantes et de travaux.
- Les appels de fonds impayés des exercices antérieurs pour lesquels les comptes ont été approuvés.
Il s’agit d’une avancée capitale puisque l’ancienne version de la loi se limitait aux appels de fonds de l’exercice qui concernaient uniquement les charges courantes et les cotisations du fonds travaux.
Les provisions travaux n’étaient pas incluses.
A présent, cette procédure peut être utilisée pour tous les impayés de l’exercice en cours, mais aussi ceux des exercices précédents.
Néanmoins, on peut relever une petite faille puisque les appels d’avance impayés de l’exercice en cours ne peuvent bénéficier de ce dispositif puisqu’ils n’entrent ni dans l’article 14-1, ni dans l’article 14-2.
En revanche, les avances impayées des exercices précédents peuvent quant à elles bénéficier de ce dispositif puisque l’article ne fait pas de distinction et parle uniquement « des sommes restant dues ».
II. Une procédure comme en matière de référé
Cette procédure n’est pas une action en référé mais comme en référé.
Par conséquent, le syndicat des copropriétaires n'est pas tenu de prendre un avocat pour le représenter et de saisir le président du Tribunal de Grande Instance.
Conformément à l’article 492-1 du Code de procédure civile, « […] le juge exerce les pouvoirs dont dispose la juridiction au fonds et statue par une ordonnance ayant l’autorité de la chose jugée relativement aux contestations qu’elle tranche […] »
Autrement dit, la procédure est considérée comme un jugement rendu, empêchant la partie adverse de recommencer un nouveau procès.
Le débiteur devra alors faire appel de l’ordonnance, s’il considère qu’elle est injuste.
Il faut savoir que sur l’impulsion de l’ARC, des syndics professionnels ont d’ores et déjà engagé cette procédure sur la base du nouveau dispositif prévu par la loi ELAN.
Il est donc essentiel que le conseil syndical de copropriété qui présente un nombre important d’impayés insiste auprès du syndic pour qu’il utilise en masse ce type d’actions, qui, rappelons-le, conformément à l’article 55 du décret du 17 mars 1967, n’a pas besoin d’obtenir l’aval préalable de l’assemblée générale.