Procédure d’alerte pour copropriétés fragiles : la mission et les compétences du mandataire ad hoc
L'ARC a été auditionnée la semaine dernière par les ministères du Logement et de la Justice sur le futur décret relatif au traitement des copropriétés fragiles ou en difficultés et sur le « mandataire ad hoc ».
Rappelons que le « mandataire ad hoc » est le nom de l’expert nommé par le juge lorsque le taux d’impayés dépasse 25 % (15 % dans le cas des copropriétés de plus de 200 lots) pour analyser la situation et faire les préconisations permettant un retour à la normale.
L'objet de cette réunion était de connaître la position de l'ARC sur les fonctions et les missions du mandataire ad hoc. En effet, l'ARC a été dès 2009 à l’origine de la mise en place de la procédure d'alerte et de celle du mandataire ad hoc puis de son amélioration en 2014 dans le cadre de la loi ALUR (avec l’instauration de la possibilité de déclenchement de la procédure d’alerte par la collectivité territoriale).
Alors même que les Ministères sont conscients de l'intérêt de ces dispositifs, certaines collectivités sont réticentes à les mettre en place, invoquant un coût supplémentaire imposé aux copropriétés déjà fragiles financièrement.
Examinons cet argument et voyons ce que l'ARC a préconisé aux Ministères, aussi bien sur les compétences minimums du mandataire ad hoc, que sur ses missions
I. Une mission qui doit impérativement être rentable pour le syndicat des copropriétaires
Bien souvent, une copropriété glisse dans la difficulté, car elle a été victime d'une mauvaise gestion du syndic en place, ou plus fréquemment des syndics qui se sont succédé.
Cela se traduit d’abord par une dérive des dépenses, y compris énergétiques, qui augmentent ainsi les charges et le budget de la copropriété.
À cela se rajoute un laxisme comptable et financier qui laisse perdurer des comptes d'attentes, des comptes de copropriétaires vendeurs-débiteurs ou bien encore des comptes travaux non clôturés.
Enfin les syndics ont pu faire des erreurs dans le recouvrement des charges, ou, tout simplement négligé d’engager les procédures nécessaires.
La désignation du mandataire ad hoc doit être à la fois une mesure corrective et un « investissement » dont les deux objectifs principaux sont pour la copropriété :
- De redresser la copropriété afin qu'elle ne s’enfonce davantage dans des difficultés, obligeant alors les collectivités à financer des opérations publiques (POPAC, Plan de sauvegarde…) ;
- de réduire les charges, de recouvrer les charges impayées voire même, de récupérer des sommes qui étaient mises en attente d'imputation.
II. Les compétences du mandataire ad hoc
Une bonne mission de mandataire ad hoc implique que tous les aspects de la copropriété soient abordés.
Il lui faudra donc traiter les questions juridiques, comptables, mais aussi techniques
Le mandataire ad hoc qu'il soit une personne physique ou morale, devra donc impérativement disposer de toutes ces compétences lui-même ou ses salariés (en effet, même une personne physique peut avoir des salariés si elle travaille à son compte).
L’ARC ne souhaite pas que les compétences du mandataire ad hoc soient réduites et réclame qu'il dispose impérativement des trois compétences confirmées par des diplômes.
C’est pour cela que le mandataire ad hoc ou ses salariés devront justifier dans les trois domaines d'un diplôme bac + 4 (master 1). Néanmoins, il est impératif que le mandataire ad hoc justifie lui-même de l’une au moins de ces trois compétences.
III. Les missions du mandataire ad hoc
Le mandataire ad hoc aura deux missions principales :
- La première mission consistera à identifier toutes les causes qui ont mis la copropriété en situation de « difficultés »
Pour cela, il devra analyser l'intégralité des comptes (comptes de capitaux, fournisseurs, copropriétaires, travaux).
Il devra aussi expertiser les pratiques du syndic en place (ou du syndic précédent) en matière de recouvrement des charges.
Il devra également analyser les contrats souscrits par le syndicat des copropriétaires, et vérifier plus particulièrement les contrats n’ayant jamais été remis en concurrence et/ ou ceux contenant des clauses pouvant être qualifiées d’abusives ou d’illégales.
Le statut juridique de la copropriété (ASL, syndicat secondaire, AFUL...) devra également être examiné par le mandataire ad hoc.
Il devra reprendre chaque action judiciaire engagée à l'égard des tiers ou des copropriétaires pour déterminer si elles sont pertinentes et si rien ne bloque (et dans ce cas déterminer pourquoi).
Il lui faudra rechercher les responsabilités, notamment celles du syndic en place ou du syndic précédent, ou bien celles des notaires qui auraient réalisé des mutations sans prélever les sommes indiquées dans l'état daté sur le montant de la vente.
Il devra enfin étudier les consommations énergétiques et vérifier qu’elles sont en concordance avec le nombre de lots et le type d'énergie utilisée. Il fera de même pour les consommations d’eau. En effet, ces deux postes représentent souvent le premier poste de charges dans les copropriétés.
À ce titre, un bilan énergétique devra être réalisé en prenant en considération les degrés jours unifiés (DJU).
- Sa deuxième mission consistera à proposer des solutions
Après avoir diagnostiqué la situation il devra faire des propositions claires et concrètes sur les moyens à mettre en œuvre pour redresser la situation financière de la copropriété par la maîtrise des charges, l’apurement des comptes travaux et la purge des comptes d'attentes. Il devra apporter toute son expertise pour optimiser toutes les ressources financières de la copropriété.
Le mandataire ad hoc ne pourra donc pas écrire dans son rapport des « phrases bateau » du type :
« Il faudra vérifier le traitement des impayés » ou encore, « La facture de gaz a augmenté par rapport à l'année précédente ».
Les préconisations du mandataire ad hoc devront aboutir à des actions concrètes avec au besoin, la recherche des responsabilités du syndic en place ou du précédent, d'un prestataire et/ou d’un notaire.
Comme on le voit, la mission du mandataire ad hoc n'est pas à la portée du premier venu, mais au contraire, celle d’un vrai spécialiste de la copropriété, qui devra faire en sorte que sa rémunération soit largement amortie par les économies que ses préconisations engendreront.
Nous informerons l’ensemble des collectivités dès la publication du décret, pour leur permettre de mettre en place - dans les meilleures conditions - la procédure d’alerte et la nomination d’un mandataire ad hoc.