Introduction
La loi du 10 juillet 1965 prévoit la nomination d’un administrateur provisoire désigné par le président du Tribunal de Grande Instance pour gérer une copropriété à la place d’un syndic «si l’équilibre financier du syndicat des copropriétaires est gravement compromis » (article 29-1 de la loi). La réponse apportée aux difficultés d’une copropriété est donc ici la mise sous tutelle judiciaire.
Travaillant au chevet des copropriétés en difficultés depuis les années 90, l’ARC a eu l’occasion de travailler à maintes reprises avec des administrateurs judiciaires. Retours d’expérience et préconisations pour les collectivités.
1/ La loi ALUR a donné des outils supplémentaires aux administrateurs pour redresser financièrement les copropriétés en difficultés…
L’administrateur provisoire cumule à lui seul les pouvoirs du syndic et de l’assemblée générale.
Le rôle de contrôle et d’assistance du conseil syndical sera maintenu ou pas, aux termes de l’ordonnance rendue par le juge.
L’administrateur judiciaire peut ainsi gérer la copropriété sans avoir besoin de faire valider ses décisions par les copropriétaires ni consulter le conseil syndical (réalisation de travaux, engagements de saisies immobilières, appels pour combler des créances irrécouvrables ou autres avances de solidarité, etc…).
Face à des assemblées générales dites « bloquantes » (faible taux de participation, opposition de copropriétaires majoritaires, etc..), la mise sous administration provisoire peut ainsi s’avérer nécessaire pour engager les travaux indispensables à la conservation du bâtiment et traiter les impayés des copropriétaires.
La loi ALUR a aussi donné aux administrateurs provisoires des outils supplémentaires pour redresser la situation financière des copropriétés en difficulté ; notamment l’abandon d’une partie des créances de la copropriété (cependant limité au montant des créances irrécouvrables telles que définies dans l’article 62-22 du décret de mars 1967) ou bien encore la vente des parties communes (ex : loges des ex-gardiens).
Il convient cependant d’analyser l’impact de la mise sous administration provisoire d’une copropriété sur sa gouvernance, élément clef de la bonne gestion de toute copropriété.
2/ … mais leur mission doit être accompagnée pour assurer le maintien de la mobilisation et l’implication des copropriétaires.
L’ARC déplore un manque récurent de communication entre l’administrateur et le conseil syndical – que les pouvoirs de celui-ci soient maintenus ou qu’il soit institué de manière informelle.
En effet, hormis la rédaction d’un rapport annuel de l’administrateur provisoire, il est souvent ardu d’obtenir des éléments d’information de sa part et les documents envoyés sont parfois peu compréhensibles.
Le conseil syndical rencontre alors des difficultés à exercer un réel suivi des actions menées par l’administrateur, conduisant à une démobilisation progressive des copropriétaires. Ce phénomène est renforcé par l’absence d’assemblée générale : les copropriétaires n’ont plus d’instance de décision et sont privés de tout droit d’expression sur la stratégie de redressement envisagée pour leur copropriété.
Par ailleurs, il est très difficile pour les copropriétaires sous administration provisoire, en cas de problèmes avec leur administrateur, d’obtenir du juge qu’il modifie ou mette fin à la mission de ce dernier. Les administrations dites provisoires tendent alors souvent à perdurer – parfois même sur plus d’une décennie -, démobilisant à long terme les copropriétaires dans la gestion de leur copropriété. Rares à l’heure actuelle sont en effet les copropriétés sorties la tête haute après une administration provisoire…
La loi ALUR a renforcé le pouvoir des collectivités dans la mise sous administration judiciaire des copropriétés de leur territoire :
- Elles peuvent désormais elles-mêmes saisir le tribunal pour demander la mise sous administration provisoire d’une copropriété ainsi que la modification ou la fin de la mission de l’administrateur en place.
- Elles peuvent alors proposer le maintien des pouvoirs du conseil syndical et accompagner les copropriétaires dans le suivi de la mission de l’administrateur provisoire, favorisant ainsi une sortie durable et constructive de l’administration provisoire.
L’ARC accompagne les collectivités et les copropriétés dans le diagnostic des copropriétés en difficulté, la mise sous administration provisoire et l’accompagnement du conseil syndical tout au long de la mission de l’administrateur, et ce afin que celle-ci ait un impact bénéfique et durable sur le redressement de la copropriété.
Conclusion :
Rappelons-le : l’administration provisoire ne peut constituer une solution automatique aux difficultés des copropriétés, le manque d’implication des copropriétaires dans le devenir de leur immeuble ne pouvant favoriser leur mobilisation ultérieure dès leur reprise d’autonomie –si l’administration provisoire prend vraiment fin un jour…
Les collectivités doivent se saisir des nouveaux outils mis à leur disposition par la loi ALUR ; leur action sur toute la durée de la mission de l’administrateur provisoire facilitera un redressement durable des copropriétés en difficulté de leur territoire.