Une mauvaise analyse du site internet « le village de la justice » en matière "d’audit" concernant le règlement de copropriété réalisée par Me Bohbot

04/06/2021 Actu

Les réformes légales ou règlementaires riment souvent pour les syndics professionnels avec une nouvelle opportunité de facturation d’honoraires à la charge de la copropriété, entrainant des profits encore plus conséquents.

Or, bien souvent il s’agit de tâches qui sont comprises dans le forfait de base.

Ainsi, si le syndic ne peut pas facturer de prestation complémentaire pour cette tâche, il peut en revanche ajuster le tarif de son forfait de base, afin d’intégrer les nouvelles missions indiquées par la loi ou la règlementation.

Là où la situation se complique est, lorsque le syndic augmente ses honoraires de base tout en demandant une rémunération pour assurer cette même tâche supplémentaire qui est incluse au forfait de base, ou encore en demandant au syndicat des copropriétaires de prendre en charge les coûts d’une prestation assurée par une société tierce.

C’est d’ailleurs ce qui se passe actuellement en matière de mise en conformité du règlement de copropriété et plus précisément sur l’audit préalable que le syndic considère comme nécessaire.

Expliquons plus en détail la situation, en mettant en évidence l’analyse de Maître Bohbot publiée sur le site « Le village de la justice » en matière de possibilité pour le syndic de diligenter une étude préalable du règlement de copropriété facturée à l’immeuble, sans en aviser, ni obtenir l’aval de l’assemblée générale.

I. Le principe du contrat « tout-sauf »

Le principe du contrat-type répond à une logique simple : toutes les prestations qui ne sont pas indiquées expressément comme étant des missions complémentaires, supplémentaires ou privatives sont considérées comme étant incluses dans le forfait de base.

C’est le principe du contrat dit « tout-sauf » : toutes les tâches sont comprises dans le contrat, sauf celles expressément mentionnées.

Par conséquent, l’analyse du règlement de copropriété permettant de déterminer s’il doit être mis en conformité doit être assurée par le mandataire de la copropriété, qui est le syndic rémunéré pour cela, sans pouvoir réclamer d’honoraires supplémentaires.

Il ne s’agit pas de travailler gratuitement, mais de réaliser une tâche pour laquelle il est déjà payé à travers ses honoraires du forfait de base.

Dans le fond, l’analyse est rudimentaire puisqu’elle consiste à savoir si le règlement de copropriété présente des manques, et notamment l’absence de mentions de parties communes spéciales ou de lots transitoires (situation très marginale), ou de droit de jouissance privatif.

Un « simple » juriste que doit être au minimum un syndic, peut déterminer si le règlement est à jour d’autant plus qu’il connait la copropriété.

Par conséquent, le syndicat des copropriétaires n’a pas à payer une vacation supplémentaire au syndic ni à payer un prestataire extérieur pour assurer cette tâche.

Bien souvent, les syndics font appel à une société tierce, soit parce qu’ils ne veulent pas perdre de temps, soit parce qu’ils ont des intérêts économiques avec leur officine, impliquant qu’ils sont tous deux gagnant/gagnant, même si le mandant qui est la copropriété est quant à elle perdante.

II. Le hors-piste du site « le village de la justice »

Bien entendu, les syndics professionnels appuyés par leurs avocats ont une autre approche, afin de pouvoir facturer l’analyse du règlement de copropriété assurée par une des officines.

Pour cela, ils indiquent que le syndic peut engager cette dépense sans l’aval de l’assemblée générale, ni même du conseil syndical.

À ce titre, nous ne résistons pas à présenter l’analyse de Maître Bohbot, publiée sur « Le village de la justice » pour ensuite expliquer pourquoi il a tout faux :

Ainsi, selon l’analyse de Me Bohbot l’ « audit » du règlement de copropriété est une dépense qui entre dans le budget prévisionnel, permettant au syndic de l'engager l de manière discrétionnaire.

Or, cette « audit »  n’a pas à être intégré dans le budget prévisionnel puisqu’il ne s’agit pas d’une dépense courante et redondante d’un exercice à l’autre.

Plus que cela, l’article 44 du décret du 17 mars 1967 précise justement les dépenses non comprises dans le budget prévisionnel, et en 4° on retrouve : « les études techniques telles que les diagnostics et les consultations ».

Eh oui, comme on dit « c’est ballot ! », car toute l’analyse de Maître Bohbot tombe à l’eau.

L’étude du règlement de copropriété ne relève pas du budget prévisionnel, mais bien d’une opération exceptionnelle puisqu’il s’agit de réaliser une étude technique sur le règlement de copropriété.

Mais encore, même en considérant qu’il s’agit d’une opération exceptionnelle qui doit être votée par l’assemblée générale, le syndic ne peut toujours pas réclamer d’honoraires, même avec un vote de l’assemblée générale.

Et pour cause, l’article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 permet au syndic de réclamer des honoraires complémentaires uniquement pour des travaux votés, et non pour des opérations exceptionnelles.

Il ne s’agit pas d’un acharnement contre les syndics professionnels, mais tout simplement d’une réalité légale qui est que lorsque la copropriété réalise une opération exceptionnelle, le syndic n’assume aucune tâche supplémentaire, ni n’engage sa responsabilité sur le contenu de l’étude qui justifierait une facturation complémentaire.

Chers avocats, à force de faire du commercial, vous risquez de perdre votre éthique.

 

 

A la suite de ce droit de réponse, l'ARC souhaite apporter ses observations. Pour cela, elle reprend chaque affirmation citée dans ce droit de réponse en apportant ses commentaires.

Le 04 juin dernier, nous avons publié un article mettant en évidence la mauvaise analyse de Maitre Bohbot concernant la possibilité pour le syndic d’engager des audits de règlement de ses copropriétés mandantes auprès d’une société tierce et sans obtenir la validation préalable de l’assemblée générale.

En effet, selon sa démonstration juridique, le syndic reste libre d’engager cette dépense compte tenu du fait qu’il s’agisse d’opérations courantes qui relèvent du budget prévisionnel.

Une aberration qui nous conduit à nous interroger sur l’intérêt d’une analyse aussi hasardeuse. (Voir article)

Suite à la publication de cet article, Maitre Charles Bohbot associé du cabinet BJA nous a fait parvenir un droit de réponse que nous publions avec plaisir.

Et pour cause, cela permettra d’éclairer les conseillers syndicaux et copropriétaires sur l’absence de réels arguments juridiques pour soutenir sa thèse, qui selon nous n’a que pour but de vendre à l’insu des syndicats de copropriétaires de l’audit de règlement de copropriété qui sera assuré par un cabinet d’avocats.

Et pas des moindres, puisque le cabinet BJA propose justement de réaliser des audits du règlement de copropriété et également des mises en conformité du règlement de copropriété. Une belle coïncidence.

Plus que cela, ce cabinet d’avocats est même en partenariat avec le groupe Nexity pour accompagner la mise en conformité des règlements de copropriété, ce qui selon nous peut présenter une difficulté déontologique.

Sans plus tarder, présentons le droit de réponse de Maitre Charles Bohbot du cabinet BJA en indiquant en encadrées nos observations.

I. Le droit de réponse de Me Charles Bohbot et les éclaircissements de l’ARC.

« Vous dites ne parlons pas d’acharnement contre les syndics, pourtant il semble que vous recommandiez à ces derniers de ne pas procéder à une consultation juridique en amont de l’assemblée générale.

Commentaire de l’ARC : Dans le cadre de sa mission de base, il revient au syndic professionnel rémunéré d’assurer une analyse juridique des règlements de ses copropriétés mandantes.

S’il ne se sent pas suffisamment compétent, il peut se faire assister par une personne de l’art.

Le syndicat des copropriétaires n’a pas à supporter la carence ou le manque de connaissance juridique de son syndic professionnel en devant assumer une prestation de service assurée par une société tierce.

Au contraire, les préconisations n°12 du GRECCO indiquent « qu’il convient de procéder à une analyse des documents de la copropriété, afin d’identifier les règlements de la copropriété qui doivent être mis en conformité (…) auprès d’un « professionnel de la spécialité » couvert par une assurance responsabilité civile. »

Commentaire de l’ARC : Nous avons là une démonstration magistrale de comment renverser des propos tenus par un tiers, en l’occurrence le GRECCO, pour indiquer exactement le contraire de ce qu’il affirme.

Et pour cause, la même citation citée par Me Bohbot affirme au contraire que l’analyse du règlement de copropriété doit être votée par l’assemblée générale ; et pour éviter de la convoquer, il est recommandé de solliciter le conseil syndical pour qu’il engage cette prestation dans le cadre de son mandat.

Voici la citation exacte : « L’approbation par l’assemblée générale du modificatif du règlement de copropriété suppose, au préalable :

  • De procéder à une analyse des documents de la copropriété, afin d’identifier les règlements de copropriété qui doivent être mis en conformité. À cette fin, pour éviter de réunir une assemblée générale préalable, le syndic peut proposer au conseil syndical de solliciter « un professionnel de la spécialité », dans les termes de l’article 27 du décret du 17 mars 1967, couvert par une assurance de responsabilité civile professionnelle.»

Ainsi, le GRECCO n’a jamais affirmé que l’audit du règlement de copropriété pouvait être inclus dans le budget prévisionnel, et encore moins que cette prestation puisse être engagée par le syndic sans validation préalable de l’assemblée générale.

Comme on dit, ça commence mal.

À cela vous semblez sous-estimer l’ampleur des diligences nécessaires :

"Dans le fond, l’analyse est rudimentaire puisqu’elle consiste à savoir si le règlement de copropriété présente des manques, et notamment l’absence de mentions de parties communes spéciales ou de lots transitoires (situation très marginale), ou de droit de jouissance privatif.

Un « simple » juriste que doit être au minimum un syndic, peut déterminer si le règlement est à jour d’autant plus qu’il connait la copropriété."

Au contraire, le travail d’audit et de consultation permettant de déterminer la nécessité de mettre en conformité requiert une expertise particulière.

Commentaire de l’ARC : Il est intéressant de relever que Maitre Bohbot confirme bien qu’il s’agit d’un audit, et même d’une consultation d’avocat, ce qui confirme que cette prestation doit être impérativement votée en assemblée générale comme nous l’expliquerons plus en détail dans les prochains points.

Le syndic, le conseil syndical et l’avocat travaillent de concert sur ces consultations. In fine, le syndic présente la consultation et doit faire office de pédagogie afin d’en expliquer le contenu aux copropriétaires ainsi que, le cas échéant, au cours du débat précédant le vote sur la résolution concernant la mise en conformité.

Commentaire de l’ARC : Merci pour ce rappel, La Palice n’aurait pas dit mieux !

Pour préserver les droits du syndicat des copropriétaires, les syndics peuvent régulièrement engager des frais pour le compte du syndicat lorsque le montant est inférieur à celui pour lequel une consultation du conseil syndical est obligatoire. (Article 21 de la loi du 10 juillet 1965)

Cette faculté pour le syndic est donc prévue en assemblée générale dans l’intérêt du syndicat.

Commentaire de l’ARC : L’article de loi cité concerne des opérations de gestion courante et en aucun cas d’opérations exceptionnelles dont l’engagement et le montant doivent être votés en assemblée générale.

Il serait donc plus adapté comptablement d’intégrer ces consultations juridiques au titre du budget prévisionnel plutôt qu’au titre des « études techniques ».

Commentaire de l’ARC : Il ne s’agit pas de préconiser la « meilleure adaptation », mais de respecter les textes de loi en vigueur.

Il a d’ailleurs été jugé que « c'est à bon droit que les copropriétaires soutiennent que les honoraires d'avocat ne peuvent être assimilés à des études techniques, au sens de l'article 44 du décret du 17 mars 1967 » (Cour d'appel, Caen, 1re chambre civile, 5 Mai 2015 – n° 12/03774)

Commentaire de l’ARC : Pour appuyer sa thèse, Me Bohbot cite un arrêt de la Cour d’appel qui affirme que les honoraires d’avocat peuvent être inclus dans le budget courant.

Or, l’audit du règlement de copropriété n’est pas uniquement des honoraires d’avocat, mais bien une prestation juridique qui a pour but de présenter un rapport sur l’état du règlement de copropriété en vue de déterminer s’il faut voter en assemblée générale sa mise en conformité.

D’ailleurs, Maitre Bohbot reconnait qu’il s’agit d’une consultation juridique (voir point précédent) qui dans le même arrêt cité confirme que les consultations ne doivent pas être incluses dans le budget prévisionnel.

Voici donc l’extrait de l’arrêt confirmant nos dires :

« C’est à bon droit que les copropriétaires soutiennent que les honoraires d’avocat ne peuvent être assimilés à des ‘études techniques, telles que les diagnostics et consultations', au sens de l’article 44 du décret du 17 mars 1967, lesquelles ne doivent pas être incluses dans le budget prévisionnel. »

Comme on dit, échec et mat.

Enfin, l’ARC indique, sur son site, procéder aux mises à jour des règlements de copropriété. On peut se demander si l’exercice du métier de juriste peut valablement être confié à une association et si cette dernière bénéficie d’une assurance responsabilité civile couvrant les risques liés.

Commentaire de l’ARC : Maitre Bohbot doit surement penser qu’au sein d’une pauvre association comme l’ARC, nous n’avons pas de personne « aussi qualifiée » que le personnel du cabinet BJA pour émettre un avis sur le règlement de copropriété.

Alors, essayons de le rassurer : tous nos juristes ont au minimum un bac+5, parmi eux certains sont d’anciens avocats ; l’ARC dispose également en interne de comptables, thermiciens, géomètres pour permettre d’aborder les questions de nos adhérents sous plusieurs angles.

Il est évident que l’ensemble des salariés et collaborateurs de l’ARC sont couverts par une assurance de responsabilité civile, afin de garantir l’ensemble de leurs interventions et renseignements juridiques qu’ils dispensent aux adhérents.

Mais encore, concernant la mise en conformité du règlement de copropriété, l’ARC fait appel à un cabinet d’avocats spécialisé pour justement permettre à l’adhérent d’avoir une prestation de service optimale.

Par conséquent, l’ARC est plutôt fière des services et assistances rendus à ses adhérents, surtout lorsque l’on constate la médiocrité de certains syndics ou professionnels dans la réalisation de leurs missions.

En effet, pour les syndicats, les copropriétaires et les syndics, les enjeux sont très engageants :

Il convient de rappeler que l’existence de ces parties est désormais subordonnée à leur mention expresse dans le règlement de copropriété (RCP) selon l’article 6-4 L 10.7.1965.

Par exemple, lorsque le RCP stipule dans l’état descriptif de division ou dans un procès-verbal d’assemblée générale des parties communes particulières qui ne sont pas mentionnées dans le règlement de copropriété ou dans un de ses modificatifs, la responsabilité du syndicat et du syndic pourrait être recherchée.

Ou encore, si le syndic continue d’appliquer une grille de charges désormais illicite.

Commentaire de l’ARC : Nous sommes intéressés de savoir comment le cabinet BJA vérifie  l’ensemble des procès-verbaux d’assemblée générale de copropriété, afin de garantir qu’aucune résolution n’a été adoptée pour créer des parties communes particulières.

Selon nous, le cabinet BJA fait comme tout le monde : il interroge le syndic sur cette éventualité et le cas échéant fait évoluer le règlement pour le mettre en conformité avec les décisions prises.

À ce titre, il convient de rappeler les dispositions de l’article 209 de la loi ELAN selon lesquelles le syndic et le syndicat doivent « le cas échéant » proposer à l’assemblée générale une mise en conformité.

Il semble que l'ARC ne se soit pas exprimée de manière positive à ce sujet, ne cherchant qu'à traiter le sujet de manière polémique et minorant son importance.

Commentaire de l’ARC : No comment. À vouloir mélanger droit et business, on finit par perdre ses repères. Résumons donc : le syndic doit procéder à une analyse du règlement de copropriété afin de déterminer s’il doit être mis en conformité.

 Le cas échéant, il doit proposer différents devis de sociétés tierces pour que l’assemblée générale valide éventuellement l’un d’eux.

D’ailleurs, le prestataire sollicité pour proposer un devis réalisera en amont et à sa propre initiative un audit, pour ensuite être en mesure d’établir un devis permettant de réaliser la mise en conformité du règlement de copropriété.

La prestation d’audit préalable facturée à la copropriété n’a donc aucun intérêt si ce n’est de générer de nouveaux profits au détriment de la copropriété.

Est-ce le message que vous souhaitez faire passer ?

Commentaire de l’ARC : Le message à faire passer est que ni le syndic, ni les avocats, ni les prestataires ne doivent profiter des nouvelles obligations légales et règlementaires pour abuser des syndicats de copropriétaires, surtout lorsqu’il s’agit d’un de nos adhérents.

Charles BOHBOT