Comment le conseil syndical doit-il saisir le syndic pour obtenir la communication des documents relatifs à la copropriété ?
Comment le conseil syndical doit-il saisir le syndic pour obtenir la communication des documents relatifs à la copropriété ?
Question :
« Je préside un conseil syndical et suis en charge des relations avec le syndic.
Malgré de multiples demandes faites par email pour obtenir des informations ou des documents, notre syndic ne répond jamais.
On me dit que je dois adresser une lettre recommandée avec AR qui est plus sûre et que les mails n’ont aucune valeur juridique. Est- ce vrai ? ».
Le courriel (ou e-mail) est un écrit, il laisse une trace, surtout si l’émetteur et le destinataire sont clairement identifiables.
Mais un courriel a-t-il réellement une valeur, peut-il être utilisé en cas de litige concernant le fait que le syndic n’a pas répondu ou qu’il n’a pas mis en œuvre les demandes formulées ?
Tous ces échanges auront-ils alors un poids juridique, comme s'il s'agissait des lettres papier écrites et signées ?
Réponse :
- Le courrier électronique (courriel) : l’état du droit
Dans un arrêt rendu le 28 décembre 2001, dit « arrêt Valette » le Conseil d'Etat a reconnu un courriel comme preuve pour la première fois lors d'un litige : les juges ont considéré qu'il était possible d'identifier l'auteur du courriel grâce aux autres documents papiers qu'il avait adressé à ses interlocuteurs.
Mais la valeur juridique d'un courriel dépend d’abord de l'identité des interlocuteurs.
Un courrier échangé entre deux commerçants, un consommateur et un professionnel, ou un salarié et son employeur n'a pas le même effet.
Selon la législation, la preuve est libre dans les litiges qui opposent les professionnels (article 109 du code de commerce).
Le principe est différent lorsqu'il s'agit des relations entre particuliers et commerçants ce qui est le cas du syndicat de copropriétaires dans sa relation contractuelle avec le syndic, ou encore dans les relations des particuliers avec une administration.
Dans ces deux domaines, un courriel n'a pas encore la valeur d'une lettre écrite, mais il peut être présenté comme commencement de preuve.
Il faut pour cela respecter les trois principes de "fiabilité" que doit présenter un courriel :
- identification claire de l'émetteur ;
- précision de la date ;
- assurance de l'intégrité du message.
Pour les messages importants ou susceptibles de faire l'objet d'un litige, il est conseillé d'utiliser une signature électronique (voir ci-après « authentification » au point 3) qui garantira l'identité de l'émetteur et le contenu du message. Le courriel électronique ainsi envoyé prend alors une valeur juridique plus forte et sera difficilement contestable.
- Comment rendre votre courriel fiable pour avoir un commencement de preuve ?
Nom de l’expéditeur : il doit être parfaitement compréhensible à la lecture de l’adresse électronique, évitez les fantaisies, les surnoms qui ne font pas apparaître le nom de l’expéditeur
Préférez pierre.dupont@youyou.com à Conseilsyndical33@youyou.com
Dans la signature : rappelez votre nom et prénom et qualité :
« Pierre Dupont, Président du Conseil syndical de la Résidence des Alouettes »
Date d’expédition : elle s’insère automatiquement dans le courriel, mais il est malgré tout judicieux de dater votre courriel comme vous le feriez avec un courrier papier : Paris le, XX.
Coordonnées de l’expéditeur : il faut être précis afin qu’aucun doute n’existe sur votre identification. Comme avec un courrier classique prenez la peine de reproduire en entête :
Pierre Dupont
Résidence les alouettes
3 rue des fleurs
75006 Paris
L’erreur communément observée concernant les courriels est le manque de formalisme qui est accordé à leur rédaction (abréviations, ponctuations inexistantes, absence de formules de politesse), etc.
- Quels sont les mentions ou moyens subsidiaires pouvant renforcer la valeur juridique d’un courriel en cas de litige ?
- L’authentification : par une signature électronique, cryptage verrouillé par clé privée et déverrouillée par une clé publique (c’est là que le bât blesse, car cela n’est pas à la portée du simple particulier, alors que c’est une pratique courante dans le monde professionnel …).
- L’envoi via un site sécurisé : chargé de délivrer un certificat d’émission à l’expéditeur ainsi qu’un certificat de délivrance au destinataire. C’est par exemple le moyen mis en œuvre par les syndics pour les notifications par voie électronique (convocation d’assemblée générale et lettre RAR). Ces courriers électroniques ont la valeur d’un recommandé avec accusé de réception.
- Qu’est-ce les tribunaux appellent intégrité du message ?
Pour renforcer encore la valeur juridique d’un courriel et atténuer le doute sur les communications électroniques, l’écrit doit :
- Être rédigé le plus clairement possible :
Soyez clair et le plus précis possible en avançant des données factuelles (dates, prix HT, TTC, échéances…).
Si vous émettez des demandes, elles doivent être parfaitement compréhensibles par le destinataire : listez les documents attendus, indiquez sous quel délai vous souhaitez qu’ils soient mis à votre disposition.
En d’autres termes, soyez aussi rigoureux dans la rédaction du courrier électronique que pour un courrier « classique ».
- Donnez l’assurance de son intégrité :
Utilisez un format fonctionnel, facilement lisible par tous, inspiré du modèle écrit, donc une police de caractère normale avec une couleur standard.
Évitez la fonction « répondre » qui conduit à une accumulation des messages précédents qu’il est ensuite mal aisé de replacer dans l’ordre. Préférez dans le champ objet : « Demande n°1 du Conseil Syndical faite en date du XX – Vérification des comptes »
Si besoin, citez directement dans votre texte les extraits des courriers/courriels précédents auxquels vous faites référence.
- Prenez des mesures de sécurité pour protéger le document :
Créez un dossier spécifique et sauvegardez sur clé USB / Disque dur une copie des échanges par courriel.
- Votre message doit être « clair et rassurant » tant par son origine (adresse électronique) que par la bonne forme des propos tenus : n’invectivez pas votre interlocuteur, posez vos demandes en termes courtois et précis.
Il faut être vigilant pour donner un commencement de valeur juridique à votre courriel qui n’est pas encore le moyen le plus fiable de laisser une preuve irréfutable.
Alors, soyez clairs, corrects, prudents et prévoyants lorsque vous rédigez un courriel et redoublez d’attention dans vos relations écrites pouvant devenir litigieuses.
Rappelez-vous que la valeur probatoire de votre courriel sera le cas échéant soumise à l’appréciation du magistrat qui aura à statuer.
Et pour le moment, gardez à l’esprit que la lettre recommandée a toujours un impact plus fort et sera sans conteste une preuve irréfutable en cas de litige.