Syndrome de Diogène : que faire en copropriété
En présence d’habitants souffrant du syndrome de Diogène, les copropriétés peuvent être confrontées à des risques majeurs. Cette maladie, terrible pour le malade, peut également gravement affecter l’immeuble et ses habitants de plusieurs façons, allant de nuisances olfactives à des surcharges pour la structure, passant par des risques réels d’incendie.
I. Un trouble envahissant
Nous n’analyserons pas ici l’aspect médical et pathologique de ce trouble. Par ailleurs, nous ne souhaitons pas stigmatiser les personnes qui souffrent de cet état car, le plus souvent, elles subissent une maladie et ne sont pas en mesure de s’en apercevoir ou de lutter contre. Le plus souvent les personnes atteintes de syndrome de Diogène ne font pas exprès ! Cela concerne le plus souvent des personnes âgées, mais aussi des populations plus jeunes. Parfois, ces troubles constituent pour les personnes un mode de vie. Nous ne jugeons pas et nous allons plutôt évoquer les conséquences pour la copropriété.
La diversité des situations fait qu’il y a peu de chiffres disponibles. Ainsi, pour 2023, le Service Technique de l’Habitat de la Ville de Paris a rapporté « 133 situations d’incurie prises en charge ». Cela n’est pas du tout exhaustif et il semblerait que la tendance soit à la hausse. La prise en charge est également un processus long et complexe. La Ville de Paris a lancé un débat en juillet 2024 sur le sujet et nous attendons les études et actions qui doivent en découler.
Ce trouble se caractérise par une accumulation d’objets hétéroclites, parfois même de déchets ramenés depuis la rue dans l’appartement. Ces objets finissent par encombrer l’espace habitable jusqu’à rendre les déplacements périlleux. Généralement, cela est accompagné par un profond isolement social et des conditions de vie négligées et insalubres.

Exemple « light »
II. Des conséquences
Ce syndrome va exposer la personne victime et son voisinage immédiat à plusieurs risques et nuisances.
Tout d’abord, les risques infectieux pour la personne découlant, dans certains cas, de défaut d’hygiène corporelle, qui peut être une des formes du syndrome. L’espace habitable étant encombré, cela augmente aussi le risque de chutes de la personne, surtout si elle est âgée. Certaines zones de l’appartement finissent par être inaccessibles, rendant l’entretien hasardeux. Ainsi, les problèmes de plomberie sont invisibles jusqu’à ce que le voisin du dessous s’en rende compte ! Les dégâts des eaux ne sont pas rares. Parallèlement, les nuisances liées aux odeurs surgissent. C’est souvent le premier signe pour les autres occupants de la copropriété.
Les déchets, surtout organiques, et le manque d’entretien attirent toute sorte de parasites : des cafards et blattes, des punaises de lit (rapportées, par exemple, depuis la rue sur les encombrants), les rongeurs (souris et même rats) peuvent aussi apparaître. Un panorama sanitaire apocalyptique !

Conséquences d’un incendie : contenu partiel d’une cuisine. Les pompiers ont dû évacuer ces affaires pour pouvoirs entrer dans un appartement en feu…
Dans ces conditions, les risques d’incendie sont très élevés.
Que ce soit par le non entretien des installations et appareils électriques ou de par la nature inflammable des caisses, boites, papiers, journaux, tissus, et déchets accumulés. Le risque d’incendie est très fort et, en présence d’installation de gaz, les risques d’explosion aussi.
L’accumulation de poids sur les planchers n’est pas sans risque. Surtout si le bâtiment est ancien. Un historique de dégâts des eaux dû au manque d’entretien fragilise davantage les parties structurelles et un effondrement est une possibilité à craindre ! Parfois, l’accumulation s’étend même sur des balcons sont occupés par des amoncellements d’objets. Le poids de ces amas est conséquent, (surtout quand il y a du papier). Nous avons le témoignage d’un balcon s’étant inflammé car un mégot de cigarette avait atterri sur un tas d’affaires. L’incendie s’étant malheureusement propagé à l’appartement adjacent.
III. Les assurances
Et si un sinistre survient ? Il faut vérifier si le locataire est assuré. Dans la négative, il faut voir si le copropriétaire bailleur (ou occupant) est assuré. Si ce n’est pas le cas, c’est l’assurance de la copropriété qui prend le relais.
Si le Conseil Syndical a identifié une personne présentant ce type de trouble, il est fortement conseillé de lui prier de prendre une assurance ou de vérifier si celle-ci est bien à jour et valable. On peut essayer aussi de se rapprocher des proches. Ce point est vraiment vital.

Accumulation jusqu‘au plafond
IV. Avertir la famille, les proches, mobiliser les pouvoirs publics
Que faire lorsque des membres du Conseil Syndical constatent ce type de situation à risque ? La marche à suivre est délicate. Les personnes victimes de ce genre de trouble sont souvent dans le déni et vivent isolées socialement. Il faut essayer d’établir une communication et, si possible, contacter la famille, les proches et les aidants. Dans certains cas, il s’agit de tuteurs qu’il faut identifier et joindre. Le syndic ou, si la personne concernée est un locataire, le copropriétaire bailleur doivent pouvoir remonter des courriers vers les proches.
Du fait de leur isolement, et si la personne n’est pas encore suivie ou prise en charge, il convient de contacter la mairie, sachant que transversalement plusieurs services sont concernés : hygiène (salubrité, santé publique), incendie (pompiers), sécurité du bâtiment (à Paris c’est le Service Technique de l’Habitat – STH). Pour cela, il convient de documenter le risque de péril par des photos, des témoignages, des constats d’huissier de la situation anormale.
Les personnes souffrant de ce syndrome demandent rarement de l’aide et c’est les plaintes de l’entourage et du voisinage qui souvent permettent d’identifier le problème. L’accès au domicile est protégé par la loi et, quand il s’agit d’un copropriétaire occupant, il faut souvent une situation de péril manifeste pour obtenir un arrêté préfectoral. Ce n’est pas simple, ni facile, mais les risques et les nuisances exigent de faire remonter ces situations aux autorités.
Les pouvoirs publics commencent à prendre la mesure du problème et, localement, des dispositifs d’alertes et de prise en charge voient le jour. Quand la solution passe par l’hospitalisation et/ou le départ de l’occupant vers une structure adaptée, des sociétés de désencombrement existent qui s’occupent de la tâche titanesque de l’évacuation du logement. Les frais peuvent être conséquents et, lorsqu’il s’agit de locataires ou de copropriétaires occupants des aides existent, par exemple par le Fonds de solidarité pour le logement. Pour les copropriétaires bailleurs aux revenus modestes il convient de se renseigner auprès de dispositif de type « louez solidaire », qui peuvent participer aux frais de désencombrement et même de remise en état.