Actualités de l'association (8754)

Ce n’est pas parce qu’on ne paie pas les charges d’une partie commune qu’on n’y a pas accès !

Catégories Définition des parties communes et privatives
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
n°22-24.119
Observations

Les parties communes peuvent être affectées à l'usage ou à l'utilité de tous les copropriétaires ou de plusieurs d'entre eux seulement. Cette possibilité de spécialisation résulte de l’article 3 de la loi du 10 juillet 1965, et elle a un corollaire obligé : la spécialisation des charges. Mais l’article 4 de la loi prévoit un second niveau de spécialisation : celle de la propriété. En effet, il prévoit que les parties communes sont l'objet d'une propriété indivise entre l'ensemble des copropriétaires ou certains d'entre eux seulement. Il doit être noté que cette spécialisation entraîne nécessairement celle de l’usage et l’utilité et donc des charges. Mais le contraire n’était pas vrai jusqu’à la loi ELAN du 23 novembre 2018, et n’est toujours pas vrai pour les copropriétés dont le règlement de copropriété n’a pas été mis en conformité.

La Cour de cassation s’est justement penchée sur un cas d’une copropriété où les charges de l’escalier principal n’incombaient qu’aux copropriétaires desservis par cet escalier, et où il était refusé à un copropriétaire, dont l’appartement était accessible par l’escalier de service, et qui ne participait pas aux charges de l’escalier principal, la délivrance du badge et du code d'accès à la partie de l'immeuble où se situe l'escalier principal…

Principe retenu

On ne peut refuser à un copropriétaire l’accès à une partie commune que s’il s’agit d’une partie commune spéciale sur laquelle il n'a aucun droit, autrement dit une partie commune propriété indivise d’autres copropriétaires.

Analyse de la décision

Un copropriétaire, a assigné le syndicat des copropriétaires de son immeuble en délivrance du badge et du code d'accès à la partie de l'immeuble où se situe l'escalier principal et en paiement de dommages et intérêts. Ce badge et ce code lui étaient refusés au motif d’une part qu’il ne participait pas aux charges de l'escalier principal, et d'autre part, qu'il n'avait aucun intérêt objectif à accéder à cet escalier, puisqu'il accède à son lot, situé au rez-de-chaussée, par une porte donnant sur l'escalier de service. Une restriction classique d’accès dans les immeubles bourgeois où on ne veut pas de mélange des genres…

La Cour d'appel de Paris le déboute, validant l’argumentation du syndicat des copropriétaires. Il se pourvoit en cassation, invoquant l’article 9 de la loi du 10 juillet 1965, aux termes duquel chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

La Cour de cassation censure l’arrêt, reprochant à la cour d’appel de s’en être tenue au fait que le copropriétaire ne participait pas aux charges d’entretien de l’escalier principal, ce qui induisait une spécialisation en usage et utilité, sans se préoccuper du statut de propriété de cette partie commune. Si l’escalier principal n’est pas une partie commune spéciale, propriété d’un sous-groupe de copropriétaires et sur lequel le copropriétaire n’a aucun droit de copropriété, mais au contraire une partie commune générale appartenant à tous les copropriétaires, alors son accès ne peut être restreint qu’aux copropriétaires qui ne participent qu’aux charges.

A noter que s’il est confirmé dans l’immeuble concerné par cette affaire que des charges spéciales sont prévues sans qu’elles concernent une vraie partie commune spéciale, propriété indivise des seuls copropriétaires participant aux charges, alors le règlement de copropriété doit être mis en conformité, soit par la suppression des charges spéciales – dans ce cas notre copropriétaire devrait participer aux charges de l’escalier principal qui resterait partie commune générale, soit redistribuer la propriété des parties communes dans l’immeuble et donner la propriété de l’escalier principal aux seuls copropriétaires qui en paient les charges. Dans ce cas, notre copropriétaire n’y aurait plus accès…

Conditions de validité de la contestation d’un refus d’autorisation de travaux affectant les parties communes et/ou l’aspect extérieur de l’immeuble

Catégories Travaux privatif affectant les parties communes
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
n°22-18.908
Observations

Tout copropriétaire souhaitant effectuer des travaux affectant une partie commune ou l’aspect extérieur de l’immeuble doit obtenir une autorisation expresse de l’assemblée générale sur un projet qui lui aura été préalablement soumis, la sanction du défaut d’autorisation étant la condamnation quasi-automatique à le mettre les choses en l’état antérieur sous astreinte. Toutefois, un copropriétaire qui se voit refuser l’autorisation n’est pas sans recours : il peut en effet contester cette décision et se faire autoriser à y procéder judiciairement. Mais le succès d’une telle action, sur le fondement de l’abus de majorité, ou de l’existence d’une justification impérative, est loin d’être acquis d’avance, et la Cour de cassation en a récemment précisé les conditions.

Principe retenu

Il appartient à celui qui invoque un abus de majorité de rapporter la preuve que la décision est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires.

A défaut, dès lors que les travaux envisagés affectent les droits des autres copropriétaires, les seuls motifs à accorder à un copropriétaire une autorisation judiciaire seraient une exigence de sécurité pour l'exploitation de son lot conformément à sa destination, ou une mise en conformité indispensable à cette destination, au regard, notamment, des solutions alternatives existantes.

Analyse de la décision

Une société avait acquis la totalité du bâtiment B d’un immeuble en copropriété, et obtenu un permis de construire pour transformer ces locaux en un bâtiment à usage commercial et hôtelier. Elle a ensuite obtenu de l'assemblée générale l’autorisation de la mise en conformité du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division à cette autorisation d'urbanisme.

Revenant quelques années après devant l’assemblée générale, elle se voit rejeter les demandes d'autorisation de travaux pour la réalisation de son projet. Elle assigne alors le syndicat des copropriétaires en autorisation desdits travaux et en annulation des résolutions de rejet adoptées par l'assemblée.

Elle conteste l'objectivité de l'architecte du syndicat des copropriétaires qui avait émis un avis défavorable, et fait valoir que le projet devait absolument comporter deux dégagements répartis l'un vers la rue, l'autre vers la cour intérieure de l'immeuble, pour permettre l'ouverture de l'exploitation au public et assurer la sécurité de l'exploitation hôtelière, et que les travaux envisagés constituaient un impératif d'intérêt public.

Sa demande est rejetée en première instance et par la Cour d'appel de Versailles, cette dernière considérant que l'emprise d’une rampe d'accès dans la cour était importante, rendant probablement nécessaire de consolider la dalle, que la rampe empêchait la sortie sur cour de l'appartement du rez-de-chaussée, condamnait le siphon d'évacuation des eaux de pluie sur la cour, et nécessitait le déplacement de la fontaine, et qu'une partie de l'édicule servant à la ventilation du garage devrait être supprimée, et, d'autre part, que les travaux portant sur les façades participaient du même projet modifié, dès lors qu'ils étaient en cohérence avec la création de l'issue de secours sur la cour. La cour d'appel a relevé que les travaux envisagés impliquaient une ouverture et un droit de passage sur la cour qui emportaient modification du règlement de copropriété quant à la jouissance d'une partie commune spéciale au bâtiment A.

La société se pourvoit en cassation, faisant valoir que doivent être autorisés judiciairement tous travaux d'amélioration conformes à la destination de l'immeuble et ne portant pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Sur ce point, la Cour de cassation réfute son argumentation, estimant que les travaux envisagés relevaient de l'article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 et que la cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

Mais la société invoque également l’« abus de majorité » que constituerait le refus injustifié par l'assemblée générale d'autoriser l'exécution de travaux nécessaires pour assurer la sécurité d'un établissement recevant du public.

Là aussi, la Cour de cassation est claire : il appartient à celui qui invoque un abus de majorité de rapporter la preuve que la décision est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. La cour d'appel, relevant que la société ne démontrait pas l'intention de nuire des autres copropriétaires, a constaté qu'elle ne disposait d'aucun droit indivis sur la dalle couvrant le sol de la cour, partie commune spéciale au bâtiment A affectée par les travaux, et retenu que le règlement de copropriété organisait l'isolement du bâtiment B à usage d'hôtel par rapport au bâtiment A et à la cour.

Appréciant souverainement la portée des rapports techniques produits, elle a retenu que la société n'était pas fondée à soutenir que la création de d'une issue de secours sur la cour était une exigence de sécurité pour l'exploitation de son lot à usage d'hôtel, ni qu'elle constituait une mise en conformité indispensable à cette destination, au regard, notamment, des solutions alternatives existantes.

Ainsi, selon la Cour de cassation, ayant fait ressortir que les travaux envisagés affectaient les droits des copropriétaires, et sans être tenue de suivre la société dans le détail de son argumentation, la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision.