ABUS 3993 Seuils de mise en concurrence, ou comment certains syndics les détournent à leurs avantages ?

12/06/2015 Abus Abus

ABUS 3993  Seuils de mise en concurrence, ou comment certains syndics les détournent à leurs avantages ?

 

Voici deux syndics, LUK-IMMO à Maison Alfort (94), et le Cabinet NICOLAS à Ivry sur Seine (94) qui interprètent à leur guise le montant et les conditions de mise en œuvre du seuil des marchés et des contrats « à partir duquel la consultation du conseil syndical est rendue obligatoire » (article 21 de la loi du 10 juillet 1965).

 

Pour rappel, relisez sur le même sujet, l’abus 3980 de Citya : www.arc-copro.com/vvh6.  

 

 

I. La version selon le syndic LUK-IMMO

 

Ce syndic de Maison Alfort (94) a déjà été épinglé dans l’Abus 3978 : www.arc-copro.com/u6su.  

 

Alors que le début de la résolution, dont il est question ici semble tout à fait correct, puisqu’il propose un montant plancher de 2.000 € au-delà duquel il devra mettre en concurrence, c’est la suite qui devient gênante. En effet, il s’est permis d’ajouter « l’assemblée générale dispense le syndic d’appliquer cette disposition en cas d’existence d’un contrat en exploitation ».

Cette mention non écrite sous l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965 est donc tout à fait illégale, mais ce syndic l’a fait en toute connaissance de cause pour continuer à faire travailler les deux entreprises, Lympia Net et S. Nicolas, dont leurs représentants détiennent des participations dans le Cabinet LUK-IMMO et inversement.

 

 

II. La version du Cabinet NICOLAS

 

Petite introduction, alors que ce syndic a pour slogan « 50 ans d’expertise font la différence », celui-ci continue dans le libellé de sa question, à faire référence à la « loi SRU du 13 décembre 2000 ». Il serait temps cependant qu’au bout de 15 ans il comprenne que la Loi SRU est simplement venue compléter l’article 21 de la Loi du 10 juillet 1965 et que par convention, il faut toujours se référer au texte d’origine, à savoir ici la Loi du 10 juillet 1965.

 

Par ailleurs, la question est de savoir si ce syndic a bien compris l’objectif de fixer un « seuil » des marchés et contrats à partir duquel une mise en concurrence est rendue obligatoire.

 

En effet, les termes marchés ou contrats s’adressent à toutes les relations contractuelles, que celles-ci relèvent d’un engagement ponctuel et unique (ordre de réparation partielle sur un ouvrage), ou pour une période déterminée (1 an, contrat de maintenance ascenseur), ou encore pour un ouvrage déterminé (ravalement de façades, …)

 

A contrario, le syndic ne peut engager ces dépenses qu’après autorisation de l’assemblée générale, prise au titre :

 

  • soit du budget prévisionnel, qui en sus des dépenses régulières (eau, salaires, charges sociales, assurances, honoraires syndic, …), va aussi comprendre des lignes par catégories de charges permettant d’effectuer les menues réparations nécessaires au quotidien, (remplacement d’un bout de canalisation, réparation ponctuelle sur la toiture, remplacement d’un vitrage, … ) ;
  • soit de décisions votées par l’assemblée générale : ravalement de façades, toiture, électricité des parties communes, … ;

 

Chacun l’aura compris, dans le premier cas (budget) les sommes à engager sont de quelques centaines, voire milliers d’euros et l’on ne met pas systématiquement en concurrence les entreprises pour effectuer ces réparations, alors que dans le second cas (décision d’assemblée générale), les sommes en jeu sont tout de suite plus conséquentes, plusieurs dizaines, voire centaines de milliers d’euros. On peut vouloir alors disposer d’un panel de plusieurs offres permettant de cerner le « meilleur prix ».

 

Il faut malgré tout rappeler que l’obligation de mise en concurrence est acquise dès lors que 2 offres sont présentées, qu’elles répondent parfaitement au cahier des charges établi et que les prestations sont parfaitement comparables, et sous réserve expresse qu’aucune disposition contraire du règlement de copropriété ou décision d’assemblée générale ait fixée des modalités différentes.

 

Dans notre abus, le Cabinet NICOLAS a fait voter par une assemblée générale en fin 2014 un seuil de 80.000 €. Mais on doute que ce soit pour engager des dépenses au titre du budget prévisionnel car la copropriété ne fait que 20 lots, c’est donc dans le second cas « travaux relevant de l’assemblée générale » que le syndic a fait voter ce seuil qui est malgré tout beaucoup trop élevé pour cette petite copropriété.

 

Depuis, le conseil syndical est adhérent à l’ARC et il découvre bien d’autres erreurs commises par ce syndic cinquantenaire.

 

 

II. Conseils de l’ARC

 

Rappel, ces 2 seuils ; consultation du conseil syndical ET mise en concurrence, doivent être justement négociés par le conseil syndical auprès du syndic, il faut savoir également qu’il n’est pas nécessaire de les inscrire chaque année, ces décisions ont un caractère permanent qui est valable jusqu’à une prochaine décision modificative issue d’une demande du conseil syndical, voire encore d’un copropriétaire.

 

Le premier seuil de « consultation obligatoire du conseil syndical » trouve uniquement son application dans l’exécution du « budget prévisionnel », il doit donc être relativement bas (moins de 500 €), afin de permettre un contrôle accru des dépenses. Le nombre de lots formant  la copropriété n’a alors aucune incidence sur le montant de ce seuil, 2 mètres de canalisation en fonte étant toujours facturés au même prix, que la copropriété fasse 10 lots ou 100 lots.

 

Le second seuil pour la « mise en concurrence » s’applique, à contrario, tant à l’exécution du budget prévisionnel qu’aux projets de travaux et autres prestations présentés devant une assemblée générale. On voit bien alors dans ce dernier cas que le nombre de lots formant la copropriété peut avoir une incidence sur le montant du seuil à fixer.

 

L’ARC recommande de retenir un seuil compris entre 500 € et 1 000 € maximum. Ce n’est qu’en réalisant une vraie mise en concurrence que l’on peut se rapprocher ou obtenir un juste prix des prestations et ainsi maîtriser et même réduire ses charges de copropriété.