Avec la crise sanitaire, le fonctionnement des copropriétés a été fortement chamboulé : assemblées générales annulées, reportées, mandats de syndic expirés puis finalement prolongés par ordonnance…
Le législateur a malgré tout, mis en place en urgence certains dispositifs dérogatoires pour éviter une situation de blocage des copropriétés, à long terme. Parmi eux, il y a l’assemblée générale exclusivement par correspondance.
S’appuyant sur le fait que le vote par correspondance est désormais ouvert aux copropriétaires absents aux assemblées générales, le décret N°2020-304 du 25 mars 2020 pris dans le cadre de la crise sanitaire, permet au syndic d’imposer une généralisation de ce vote en période de confinement.
Seulement, cette modalité est encadrée, ce qui ne semble pas convenir au syndic SERGIC, qui se permet de réécrire le droit….
I . SERGIC IMPOSE LE VOTE EN LIGNE
Voici ce que certains copropriétaires ont découvert en se connectant sur leur espace en ligne sécurisé :
Oui, vous avez bien lu ! Pour que le vote par correspondance soit pris en compte, il faut voter en ligne. Voter en ligne afin de voter par correspondance…. Nous pourrions arrêter ici notre article, sur cette aberration désarmante.
Mais nous allons prendre la peine d’expliquer à ce syndic pourquoi tout ceci est illégal.
En effet, SERGIC ajoute un obstacle au vote, en plus d’inventer purement et simplement une modalité de vote qui n’est pas prévue dans les textes.
II. LE VOTE PAR CORRESPONDANCE DANS LE DETAIL
Le vote par correspondance est un nouveau mode de participation à la prise de décision pour un copropriétaire qui ne pourrait pas être présent ni être représenté à une assemblée générale.
Cette nouvelle modalité est fixée par l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965, créé par la loi ELAN.
Et c’est à cet article que l’ordonnance du 25 mars 2020 nous renvoie pour l’organisation d’une assemblée générale exclusivement par correspondance.
Cet article dispose dans son deuxième alinéa que les copropriétaires peuvent « voter par correspondance avant la tenue de l'assemblée générale, au moyen d'un formulaire établi conformément à un modèle fixé par arrêté. »
En plus de pouvoir voter en séance (présentielle ou visioconférence), et de donner un mandat de représentation à un autre copropriétaire en cas d’absence, il est désormais possible d’utiliser un formulaire de vote par correspondance.
Notons que nulle part n’est mentionnée la possibilité d’un vote en ligne.
Cet article prévoit également que « les modalités de remise au syndic du formulaire de vote par correspondance sont définies par décret en Conseil d'Etat. »
C’est donc un décret, et non SERGIC, qui vient définir, donc imposer, les modalités de remise du formulaire de vote.
Le décret du 17 mars 1967 a donc été modifié en conséquence, par un décret du 02 juillet 2020, qui fixe les points suivants :
- Le formulaire de vote par correspondance doit être joint à la convocation. (article 9) ;
- Pour être pris en compte lors de l'assemblée générale, le formulaire de vote par correspondance doit être réceptionné par le syndic au plus tard trois jours francs avant la date de la réunion. (Article 9bis) ;
- Lorsque le formulaire de vote est transmis par courrier électronique à l'adresse indiquée par le syndic, il est présumé réceptionné à la date de l'envoi (Article 9bis alinéa 2)
Il faut donc que le copropriétaire absent adresse son formulaire, par voie postale, en main propre contre émargement, ou par email, au moins trois jours francs avant la date de l’assemblée générale.
Il s’agit ici des seules et uniques modalités de réception des votes par correspondance reconnues par le législateur. Tout autre moyen de vote à distance, en cas d’absence à l’assemblée générale, n’est pas valable.
Le copropriétaire (ou le syndic…) qui ne respecterait pas ces conditions serait considéré comme défaillant.
Par conséquent, conditionner la prise en compte d’un vote par correspondance au remplissage d’un sondage en ligne est illégal. Plus grave, il induit le copropriétaire en erreur en lui laissant croire qu’il n’a pas besoin de transmettre son formulaire de vote au syndic. En se contentant de remplir ce questionnaire en ligne, le copropriétaire sera juridiquement défaillant.
Ceci représente un enjeu majeur pour le fonctionnement du syndicat des copropriétaires, car il s’agit clairement d’une entrave à la prise de décision.