Copropriétés mixtes : quels dysfonctionnements et quelles réponses de l’ARC ?

21/09/2018 Actions Action

L’ARC s’intéresse depuis plusieurs années aux copropriétés mixtes, à savoir les copropriétés où un des copropriétaires est un bailleur HLM (ce dernier détient souvent plusieurs lots, voire la majorité des lots de la copropriété).

Elles présentent en effet de nombreux risques, notamment en matière de gouvernance.

A l’heure de l’expansion de ce phénomène (causé en partie par les objectifs chiffrés en logement social auxquels sont tenues toutes les collectivités territoriales depuis la loi de Solidarité et Renouvellement Urbain), nous avons souhaité développer notre connaissance de ces copropriétés (modalités de création et difficultés), afin de les accompagner au mieux (développement d’une expertise).

I. Les différentes modalités de création des copropriétés mixtes

Les copropriétés mixtes peuvent naître de différentes façons :

  • l’acquisition par le bailleur HLM via des contrats de VEFA (Vente en Etat Futur d’Achèvement) de logements construits par des promoteurs privés (avec un maximum d’acquisition de 50 % des logements au sein d’une même opération immobilière) ;
  • la vente par le bailleur HLM d’une partie de son patrimoine (mise en copropriété), impulsée par la nécessité de dégager des fonds propres dans le but de renouveler ou accroître le parc de logements et/ou d’engager les rénovations nécessaires au bon entretien des biens possédés ;
  • l’accession sociale à la propriété pour les ménages les plus modestes (passage du statut de locataire du parc HLM au statut d’accédant le plus souvent en conservant le même logement).

II. Les difficultés identifiées et leurs conséquences

Les difficultés identifiées au sein des copropriétés mixtes sont principalement de trois ordres.

  • Dans bon nombre de copropriétés mixtes, le bailleur HLM est majoritaire, c’est

à-dire qu’il détient la majorité des tantièmes de la copropriété. Fait notable, il n’est pas soumis aux dispositions de l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que « lorsqu’un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires ».

Autrement dit, un bailleur HLM majoritaire ou proche de l’être peut facilement imposer aux autres copropriétaires surtout minoritaires l’ensemble des décisions relatives à la gestion et à l’entretien de la copropriété.

Cela entraîne un sentiment de dépossession et donc de démobilisation des copropriétaires « individuels » (absence en assemblée générale, pas de représentation au sein du conseil syndical, etc.)

  • L’article L443-15 du Code de la Construction et de l’Habitation stipule qu’un organisme HLM peut - tant qu’il est propriétaire d’au moins un logement – assurer les fonctions de syndic de copropriété, induisant ainsi un conflit d’intérêt puisqu’un organisme HLM peut à la fois être copropriétaire majoritaire, syndic, voire membre du conseil syndical tout en étant syndic… allant donc à l’encontre de la loi de juillet 1965 sur la copropriété !

De plus, les organismes HLM n’ayant que récemment développé leur activité de syndic, nous avons constaté des abus et manquements importants (absence de logiciels de comptabilité adaptés à la bonne gestion d’une copropriété, non-respect des dispositions légales et réglementaires de la copropriété : non utilisation du contrat type de syndic, absence de concertation avec le conseil syndical pour la préparation de l’ordre du jour de l’assemblée générale et du budget prévisionnel, etc.)

  • Les cultures de gestion entre le « monde HLM » et la copropriété sont très différentes. Il a par exemple été observé bon nombre de difficultés lors de la mise en place d’un programme de travaux : certains bailleurs sociaux excluent en effet les autres copropriétaires dans la définition du programme travaux en transposant leurs méthodes de travail directement à la copropriété, omettant une concertation et une communication sur le projet à venir… alors même que c’est bien l’ensemble des copropriétaires qui devront régler leur quote-part.

De plus, on constate la préférence des bailleurs sociaux pour réaliser les travaux en une fois (plan global) plutôt qu’en plusieurs tranches étalées dans le temps, entraînant des difficultés de paiement des quotes-parts – trop élevées – par les copropriétaires individuels.

III. Expertise de l’ARC : instaurer un partenariat transparent entre le syndic, le bailleur social et les copropriétaires

Au vu des différentes difficultés rencontrées dans les copropriétés mixtes avec lesquelles l’ARC a pu travailler, il apparaît essentiel d’un part de favoriser l’implication des copropriétaires dans le processus des prises de décision, de limiter d’autre part les conflits d’intérêts identifiés en présence d’un bailleur HLM-syndic, et enfin de créer des ponts entre la culture de gestion patrimoniale HLM et celle de la copropriété.

Pour répondre à ces enjeux, l’ARC a pu notamment mener une expérimentation entre 2014 et 2016 sur plusieurs copropriétés du parc de logement de l’organisme HLM « Coopération & Famille ».

L’accompagnement de l’ARC, jouant entre autre le rôle de médiateur entre le bailleur HLM et les autres copropriétaires, a permis de faire élire un nouveau syndic dans une copropriété où le bailleur était pourtant majoritaire, permettant de pacifier les relations entre les copropriétaires « individuels » et le bailleur HLM.

De même, dans le cadre d’analyse de risque sur de nouveaux programmes immobiliers mixtes, soutenue par Plaine Commune (93), il a pu être préconisé la mise en place de réunions trimestrielles, réunissant syndic, conseil syndical et bailleur HLM afin de faciliter une gestion commune et non imposée par ce dernier.

Dans tous les cas, il apparaît essentiel de mettre en avant l’intérêt pour le bailleur social de prendre en compte les autres copropriétaires, même minoritaires, afin de garantir une bonne gestion (limitation des impayés « contestataires ») et garantir un vivre ensemble favorable au bon entretien de la copropriété et donc à la prévention des risques de dégradation.