Nous avons déjà publié plusieurs articles et supports vidéo pour expliquer l’une des ordonnances phares portant comme n°2020-304 prise par le gouvernement le 25 mars 2020 concernant la prolongation des mandats de syndic. (Voir article : Les copropriétés à l’heure du Covid-19 : les préconisations de l’ARC).
Bien que ce texte ait répondu à de réelles difficultés juridiques, nombreuses questions sont restées en suspens justifiant une intervention auprès du ministère de la justice pour que des « amendements » à cette ordonnance soient apportés ainsi que des précisions.
Ainsi l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 (portant sur diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie du COVID-19) a apporté des modifications au texte originel tout en prévoyant de nouveaux dispositifs.
I. Un prolongement des mandats de syndic concernés par le dispositif
L’article 22 de l’ordonnance 2020-304 présageait que les contrats de syndic arrivés à échéance entre le 12 mars et le 24 juin 2020 bénéficiaient automatiquement d’un prolongement de leurs mandats pour une durée maximum de six mois à compter de la cessation de l’état d’urgence (24 mai 2020) en vue de convoquer une assemblée générale dans les plus brefs délais et dans la mesure où cela est possible.
Cette disposition permettait d’éviter que des copropriétés se retrouvent sans syndic en étant paralysées pour assurer la gestion de l’immeuble.
Néanmoins ce texte ne précisait rien sur les mandats de syndics qui arriveraient à échéance le lendemain du 24 juin 2020, alors qu’elles ne pourront probablement pas se tenir à cette date sachant que les convocations doivent être envoyées vingt et un jours avant sa tenue.
La situation est d’autant plus complexe que bon nombre de convocations d’assemblée générale n’ont pas été encore élaborées de même des les contrôles de comptes n'ont pas été effectués par les conseils syndicaux.
Pour répondre à ces difficultés une ordonnance rectificative n° 2020-460 du 22 avril 2020 a modifié l’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 pour spécifier que le prolongement des mandats de syndics n'est plus de six mais de huit mois après la date de cessation de l’état d’urgence.
Autrement dit, les contrats qui sont arrivés ou arriveront à échéance entre le 12 mars et le 24 mai 2020 bénéficient d’une prolongation de leur mandat jusqu’à la date maximum du 24 janvier 2021 leur permettant de convoquer d’ici là une assemblée générale dans les temps.
Par ailleurs, cette ordonnance précise que ce dispositif concerne également les mandats qui arriveraient à échéance dans les deux mois (et non plus un mois) à compter de la date de la cessation de l’état d’urgence.
Autrement dit, est concerné par cette mesure l’ensemble des contrats de syndic dont l'échéance entre le 12 mars et le 24 juillet.
Ces nouvelles mesures permettront de mieux organiser la préparation et la tenue des prochaines assemblées générales.
Ceci étant dit, il faut rappeler que les deux ordonnances ont été rédigées dans le même esprit, en indiquant bien qu’il s’agit un prolongement maximal de durée de mandat incitant les syndics à régulariser le plus rapidement possible la situation en convoquant une assemblée générale dès que cela sera possible.
Le conseil syndical devra faire en sorte que ces mesures dérogatoires ne deviennent pas une aubaine pour les syndics en fixant des tenues d’assemblée générale à la date la plus lointaine percevant ainsi des honoraires complémentaires.
La préconisation est donc que le conseil syndical avec le syndic définissent une date prévisionnelle de tenue d’assemblée générale dans le courant du mois de septembre ou mi-octobre en établissant d’ici là un rétro-planning des tâches à réaliser afin de garantir d’être dans les délais.
II. Une rémunération du syndic mieux encadrée
L’ordonnance originelle n° 2020-304 qui a introduit la notion de prolongement de mandat de syndic ne précisait pas les modalités de rémunération pour cette période créant une polémique qui nous paraissait, pour le coup, exagérée.
Le principe était de confirmer dans le texte que le syndic facture des honoraires de gestion courante en fonction de la durée effective du prolongement de son mandat et non de pouvoir facturer les honoraires d’une année pleine ou de la durée maximale du prolongement accordé.
Pour évacuer tout débat ou ambiguïté, l’ordonnance n°2020-460 a introduit dans l’article 22 un nouveau point qui précise que:
« La rémunération forfaitaire du syndic est déterminée selon les termes du contrat qui expire ou a expiré, au prorata de la durée de son renouvellement dans les conditions définies à l'alinéa précédent. »
Autrement dit, le syndic qui a bénéficié d’un prolongement de son mandat sera en mesure de facturer une rémunération complémentaire conformément à ses honoraires de forfait de base au prorata de la durée de l’extension de son contrat.
Pour calculer les honoraires complémentaires, le syndic devra prendre comme point de référence la fin de l’échéance du mandat et non la date de la fin de la cessation de l’état d’urgence ou autre repère.
Par conséquent, si le contrat de mandat se termine le 31 août 2020 et que l’assemblée générale se tiendra le 15 octobre, le syndic sera habilité à facturer quarante-six jours d’honoraires en prenant comme base le tarif du forfait annuel prévu au contrat (définit pour 365 jours).
Prenons l’exemple d’un contrat de syndic pour une période d’un an allant du 1er septembre 2019 au 31 août 2020 pour un montant d’honoraires de 10 000 €.
Pour déterminer le coût supplémentaire, il faudra procéder à un produit en croix qui consiste à multiplier le nombre de jours complémentaires par le montant forfaitaire annuel divisé par 365 :
III. Un mandat prolongé du conseil syndical
L’ordonnance 2020-304 ne précisait rien quant aux mandats des conseillers syndicaux qui arrivaient à échéance en cette période.
La difficulté n’était pas forcément majeure puisque la plupart des mandats accordés aux conseillers syndicaux ne prévoit pas de fin de mandat leur permettant de pouvoir continuer leur mission jusqu’à la prochaine assemblée générale qui présentera au vote, une nouvelle élection.
Ceci étant au même titre que le contrat de syndic, certaines copropriétés définissent une durée du mandat du conseil syndical qui risque de se retrouver dépassée en cette période.
Le ministère de la justice a donc voulu confirmer également la prolongation du mandat du conseil syndical en introduisant un nouvel article 22-1 dans l’ordonnance 2020-304 qui indique:
« Par dérogation aux dispositions de l'article 21 et du c de l'article 25 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le mandat confié par décision de l'assemblée générale aux membres du conseil syndical, qui expire ou a expiré entre le 12 mars 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date de la cessation de l'état d'urgence sanitaire mentionné à l'article 1er, est renouvelé jusqu'à la tenue de la prochaine assemblée générale des copropriétaires. »
Autrement dit, les mandats de conseillers syndicaux qui sont arrivés à échéance entre le 12 mars et le 24 juillet 2020 bénéficient également d’un prolongement de leurs mandats jusqu’à la prochaine assemblée générale.
Cette mesure est très intéressante car elle confirme la volonté du ministère de la justice de garantir y compris en cette période un contre-pouvoir au sein des copropriétés en prolongeant de manière symétrique les mandats des syndics avec ceux des conseillers syndicaux.
Cette disposition est loin d’être anodine car en cette période particulière, la mission de contrôle et d’assistance du conseil syndical est essentielle voire stratégique notamment sur la vérification des activités réelles du syndic et des sociétés qui interviennent au sein de la copropriété.
En effet, des régularisations voire des avoirs de factures devront être faits si le syndic ou les sociétés intervenantes ont dû procéder à du chômage partiel ou bien à une fermeture totale des bureaux, ne pouvant pas assurer les prestations auxquelles ils sont engagés contractuellement. (Voir article Les mesures préventives que devra prendre le conseil syndical pour assurer les finances de la copropriété en cette période de confinement)
Lien pour accéder à l’ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020 portant sur diverses mesures prises pour faire face à l'épidémie de covid-19: (coir article:arc-copro.com/35pj