Le décret sur le plafonnement de l’état daté : un montant, plus de cinq ans pour être publié

24/09/2019 Actu

La loi ALUR du 24 mars 2014 a prévu la publication d’un décret pour définir le montant plafonné de l’état daté.

Dernièrement, le Premier Ministre sûrement à la suite d’un rapport de la répression des fraudes a rappelé l’urgence de la publication de ce texte réglementaire.

La question qui reste en suspens est de savoir pourquoi un décret qui tient en un mot ou plutôt en un chiffre prend plus de cinq ans pour être publié.

I. Le contexte

En cas de vente d’un lot, le syndic dispose d’un monopole lui permettant d’être le seul à pouvoir établir un état daté qui est le récapitulatif des sommes que le copropriétaire vendeur doit à la copropriété et vice-versa.

L’établissement de ce document est facturé par les syndics professionnels entre 350 et 1 000 euros alors que sa réalisation se fait de manière quasi automatique à partir d’un logiciel.

Le Premier Ministre a voulu mettre fin à cet abus en ne remettant pas en cause le monopole du syndic, mais en limitant le coût de cette prestation.

Pour cela, le ministère de l’économie représenté par la DGCCRF a organisé une réunion de travail afin de discuter séparément avec les professionnels et les consommateurs dont l’ARC faisait partie au sujet du montant acceptable de plafonnement de l’état daté.

Soyons clair, le débat est dès l’origine biaisé et cela pour une raison simple.

L’ARC a pu démontrer sans trop de difficulté que l’établissement de l’état daté se faisait en quelques minutes.
 

Il ne s’agit pas d’allégations de l’ARC, mais des aveux même des concepteurs de logiciels spécialisés dans le secteur de la copropriété (voir l’article Le prix de l’état daté plafonné à 250 euros ?).

Pour détourner cette réalité, les professionnels affirment que l’établissement de ce document impose une logistique et un développement informatique spécifiques alors que ce dispositif remonte au 13 juillet 2006, soit plus de treize ans, permettant d’amortir largement les investissements réalisés par le cabinet.

Le vrai enjeu pour les professionnels est économique puisque le coût de l’état daté est du bénéfice net, pouvant percevoir un complément substantiel d’honoraires sans investir de temps et du personnel.

Alors qu’un montant raisonnable était présenté par la DGCCRF permettant aux copropriétaires de ne pas être lésé, tout en laissant au syndic la possibilité de continuer à percevoir des bénéfices un article du Particulier a indiqué que le montant plafonné serait au final autour de 500 euros avec la publication d’un décret fin juillet, justifiant une réaction vive de l’ARC.

II. Le mail envoyé au cabinet du Premier Ministre

Il faut être clair, si cette information était avérée, cela serait un coup de poignard de l’exécutif à l’encontre des copropriétaires.

Et ce pour une raison simple, ce tarif de 500 euros est déjà le montant haut de ceux pratiqués par les syndics.

La conséquence est que les cabinets qui présentent des tarifs plus honnête et donc plus bas vont dorénavant afficher le montant légalisé par les pouvoirs publics aggravant davantage la situation.

C’est donc face à cette information que nous avons saisi en catastrophe le cabinet du Premier Ministre. Voici la reproduction du mail envoyé :

 

« Bonjour,

En tant que directeur général de la principale association représentative des intérêts des syndicats des copropriétaires, je me permets de vous saisir au sujet des dernières informations portées à ma connaissance (et qui ne sont pas vérifiées) concernant le plafonnement du tarif de l’état daté.

Pour mémoire, en date du 25 avril dernier a été faite la démonstration auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, à partir d’éléments probants (voir pièce jointe) que l’établissement de l’état daté se générait automatiquement à partir du logiciel du syndic, justifiant un tarif qui ne pouvait excéder 250 euros.

Ce prix est déjà largement surestimé, mais prend en considération les développements informatiques et autres frais administratifs qui permettent de produire ce document.

Or, selon nos informations, il semblerait qu’au final le montant plafonné de l’état daté serait entre 450 et 500 euros, ce qui est largement excessif, voire abusif, sachant d’autant plus que le syndic dispose d’un monopole puisqu’il est le seul à pouvoir le produire.

En légalisant ce tarif, les syndics vont considérer qu’il s’agit d’une validation des pouvoirs publics des coûts pratiqués et vont de manière automatique le prévoir dans leur contrat même lorsqu’auparavant ils n’en réclamaient « que » 350 ou 400 euros.

Par ailleurs, si cette information était avérée, le discours du Premier Ministre qui garantissait un meilleur pouvoir d’achat pour les copropriétaires et une plus grande transparence dans les tarifs pratiqués par les syndics serait altéré.

En effet, l’ensemble des acteurs de la copropriété, que sont les professionnels, les associations, les experts et même les copropriétaires savent pertinemment que le prix de l’état daté est largement surestimé par les syndics qui profitent que les vendeurs soient contraints de payer cette prestation pour que la vente de leur lot puisse se faire.

La publication d’un décret qui préciserait un montant plafonné de l’état daté entre 400 et 500 euros serait selon nous catastrophique car elle démontrerait que les professionnels de l’immobilier ont une influence sur les pouvoirs publics beaucoup plus grande que la raison et la défense du consommateur.

Je pense qu’il est souhaitable d’ajourner la publication de ce décret si effectivement ce tarif est confirmé en organisant entre temps une réunion qui permettrait de confronter les professionnels, les concepteurs de logiciels et les associations spécialisées, comme l’ARC ou la CLCV, sur le réel coût que représente l’établissement de l’état daté qui ne peut en aucun cas être un moyen de compenser les honoraires de base.

Je profiterai de la réunion de demain au sein du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières pour interroger officiellement les ministères afin de vérifier la réalité de la situation dans la mesure où ils voudront bien me répondre.

Je reste à votre disposition pour vous apporter toute information complémentaire ou les éléments factuels qui ont été envoyés à la DGCCRF démontrant la véracité de la situation.

 

Emile HAGEGE

Directeur général de l’ARC »

 

A la suite de ce mail, les informations communiquées par le ministère de la justice sont que le décret ne sortira pas avant qu’il soit présenté au CTGI, c’est-à-dire pas avant octobre prochain.

Quant au montant, nous restons extrêmement vigilants, sachant que les ministères sont conscients de la réalité de la situation et des engagements du Premier Ministre.

A suivre de très près.