Le délai de convocation de l’assemblée générale par voie électronique passerait-il à 36 jours ?

19/01/2016 Actions Action

Le délai de convocation de l’assemblée générale par voie électronique passerait-il à 36 jours ?

 

Le décret du 20 octobre 2015 a règlementé le cadre juridique des  notifications (et lettres recommandées AR) par voie électronique qui relèvent du domaine de la copropriété.

 

Ce décret renvoie d’une part à une disposition prévue par la loi ALUR, qui impose le consentement exprès du copropriétaire et, d’autre part au décret du 2 février 2011, cadrant les modalités d’envoi électronique.

 

Ce dernier décret est d’ordre général et ne concerne pas spécifiquement la copropriété. Il prévoit une possibilité pour le destinataire d’une notification électronique de refuser pendant un délai de 15 jours la réception du document.

 

Or selon les interprétations de ce « refus », on peut s’interroger sur les incidences qu’il aura sur le délai en matière de convocation d’assemblée générale.

 

Pour cela, il faut distinguer deux « écoles » : l’une prétend que le délai de convocation de l’assemblée générale par voie électronique passerait de 21 jours à 36 jours alors que l’autre affirme que cette disposition n’a pas d’incidence sur le délai de convocation de l’assemblée générale.

 

Reprenons chacune de ces deux approches.

  1. Pourquoi, selon certains, le délai de convocation par voie électronique devrait être prolongé à 36 jours ?

L’article 3 du décret du 2 février 2011 précise que le destinataire d’un courrier électronique doit recevoir un premier avis lui indiquant l’envoi d’une lettre recommandée électronique (LRE).

 

Le destinataire dispose alors d’un délai de 15 jours pour accepter la lettre électronique ou la refuser. Pour la « 1ère école », ce refus se comprend comme le refus de la distribution par voie électronique. Dans ce cas de figure, une LRE « refusée » devrait alors être à nouveau envoyée sous forme de lettre RAR classique « papier ».

 

En parallèle, l’article 9 du décret du 17 mars 1967 précise que la convocation d’assemblée générale doit être adressée au minimum 21 jours avant la tenue de l’assemblée générale.

Ainsi, pour avoir l’assurance de respecter les délais réglementaires, le syndic doit prévoir le pire des scénarios, à savoir que l’un des copropriétaires refuserait la notification électronique au bout du 15ème jour, obligeant alors le syndic à reconvoquer en format papier tout en respectant le délai de 21 jours.

 

Le délai de convocation serait alors de 36 jours (15 jours de délai « de refus » auxquels s’ajoutent les 21 jours réglementaires).

 

Cette approche est actuellement défendue par le groupe FONCIA notamment ainsi que par d’autres observateurs.

 

Néanmoins, nous allons indiquer pourquoi cette approche nous paraît non conforme à l’esprit de la loi ainsi qu’aux textes réglementaires.

  1. Les règles spéciales dérogent à la règle générale

Lors de la publication du décret du 2 février 2011, ce dernier ne pouvait pas s’appliquer aux copropriétés, puisque la loi et le décret spécifique à la copropriété ne prévoyaient pas encore l’envoi des recommandés ou la notification des assemblées générales par voie électronique.

 

La loi ALUR a ensuite introduit un article 42-1 dans la loi du 10 juillet 1965 prévoyant désormais la possibilité de notifier par voie électronique à partir du moment où le copropriétaire aurait adressé de façon exprès son consentement :

« Les notifications et mises en demeure, sous réserve de l'accord exprès des copropriétaires, sont valablement faites par voie électronique. »

 

Ainsi, le syndic ne peut envoyer une notification électronique, que si et seulement s’il  a obtenu, en amont de l’envoi, le consentement exprès du copropriétaire.

 

Le décret du 20 octobre 2015 réglementant la notification électronique en copropriété a même prévu une procédure spécifique pour donner au copropriétaire la possibilité de revenir sur son consentement.

 

Ces  dispositions spéciales écartent donc toute ambiguïté sur l’acceptation du copropriétaire de recevoir la convocation d’assemblée générale par voie électronique.

 

Il serait donc incohérent de prévoir un délai supplémentaire de 15 jours pour que le copropriétaire s’exprime sur son acceptation ou son refus à recevoir la convocation par voie électronique, étant donné qu’il a déjà donné son consentement préalable.

 

Ce délai est donc la période pendant laquelle le copropriétaire peut ou non «  télécharger sa notification » à l’instar des services postaux qui gardent le courrier recommandé papier pendant ce même délai, laissant libre le destinataire de venir ou non le récupérer.

 

D’ailleurs, l’article 64-3 du décret du 17 mars 1967 modifié par le décret du 20 octobre 2015 ne laisse aucune ambiguïté : « Les notifications et mises en demeure par voie électronique peuvent être effectuées par lettre recommandée électronique dans les conditions définies à l'article 1369-8 du Code civil. Dans ce cas, le délai qu'elles font courir a pour point de départ le lendemain de l'envoi au destinataire, par le tiers chargé de son acheminement, du courrier électronique prévu au premier alinéa de l'article 3 du décret n°2011-144 du 2 février 2011 relatif à l'envoi d'une lettre recommandée par courrier électronique pour la conclusion ou l'exécution d'un contrat. »

 

Il est donc bien question d’un délai réglementaire qui court à compter du lendemain de la notification de l’envoi électronique, précisant bien que les 15 jours prévus dans l’article 3 du 2 février 2011, correspondent à la période pendant laquelle le copropriétaire peut ou non télécharger sa convocation notifiée par voie électronique.

 

D’ailleurs, ni le décret du 3 février 2011, ni celui du 20 octobre 2015 n’imposent de renvoyer le courrier sous format papier ; même en cas de refus du copropriétaire d’accepter le recommandé électronique durant le délai de 15 jours.

Il est donc probable que cette controverse ne soit lancée par les syndics que pour disqualifier l’envoi électronique des convocations d’assemblées générales qui est moins « rentable » pour eux.

 

Ce sont pourtant ces professionnels qui réclament plus de simplifications et qui ont été en demande - tout comme l’ARC - de ces évolutions ! Avec les syndics, entre les discours affichés et leur mise en œuvre, c’est toujours « deux poids, deux mesures ».

 

Néanmoins, au lieu d’alimenter une polémique stérile, nous allons comme à notre habitude prendre les devants en interrogeant les ministères de la Justice et du Logement afin qu’ils statuent sur cette question. Nous y reviendrons très prochainement.