Les arrêtés de péril ou d’insalubrité : un outil efficace pour les copropriétés fragiles ou en difficulté ?

14/09/2018 Actions Action

Lorsque le syndicat des copropriétaires manque à son devoir de « conservation de l’immeuble et d’administration des parties communes »  (article 14 de la Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis), la collectivité publique peut intervenir au titre de la sécurité et/ou de la salubrité publique.

Le législateur a prévu à cet effet des instruments coercitifs. Parmi ceux-ci, il existe deux types d’arrêtés :

  • l’arrêté de péril lorsque l’immeuble présente un danger au vue de sa solidité, qui peut être ordinaire ou imminent en fonction de la gravité des risques,
  • et l’arrêté d’insalubrité qui associe la dégradation à des effets sur la santé, qui peut être remédiable ou irrémédiable.

L’ARC, grâce à son expérience dans le traitement des copropriétés fragiles et en difficulté depuis les années 1980, a acquis un regard objectif sur l’intérêt et les limites de ces instruments.

Pour rappel, l’arrêté de péril peut être pris par le Maire alors que l’arrêté d’insalubrité constitue généralement une compétence de l’Etat, pris le plus souvent par le Préfet.

Dans les deux cas, les arrêtés mettent en demeure les copropriétaires d’effectuer les travaux nécessaires à la résorption du problème identifié.

Cela peut aller jusqu’à la démolition d’une partie ou de l’ensemble de l’immeuble dans certains cas, s’il n’existe aucun moyen technique pour mettre fin aux désordres constatés ou si le coût estimé des travaux est supérieur à celui de la démolition/reconstruction du dit bâtiment.

I. Un moyen d’action des pouvoirs publics efficace, en théorie …

La prise d’arrêté de péril ou d’insalubrité comporte plusieurs avantages.

Tout d’abord, l’arrêté permet de suspendre automatiquement le paiement des loyers, qui ne sont plus dus, aux propriétaires bailleurs.

Dans le cadre du traitement des copropriétés fragiles et en difficulté, l’arrêté peut alors devenir un instrument de pression sur les bailleurs indélicats pour l’amélioration des conditions de vie des occupants.

En outre, si une interdiction temporaire d’habiter est prononcée, c’est au propriétaire d’assurer le relogement des locataires, renforçant d’autant plus la pression pour effectuer les travaux nécessaires à un retour à un état d’habitabilité conforme aux règles standards.

Par ailleurs, dans le cas où la collectivité publique a des capacités financières et techniques et une volonté politique, l’arrêté permet d’obtenir l’appui de cette dernière dans la réalisation des travaux nécessaires.

En effet, c’est suite à un arrêté que la collectivité peut se substituer partiellement aux copropriétaires défaillants ou imposer des travaux d’office. (Voir article : La substitution partielle, un levier supplémentaire pour le redressement des copropriétés en difficultés).

II … qui doit nécessairement être assorti d’un accompagnement de la part de la collectivité

Outre les risques sanitaires et de péril non résorbés, ces situations comportent un triple risque :

  • La suspension du paiement des loyers peut avoir des conséquences négatives sur la solvabilité des copropriétaires de bonne foi et donc sur la situation financière de la copropriété. Sans la ressource que constituent les loyers, les bailleurs peuvent ne plus pouvoir ou pour certains comme les marchands de sommeil, ne plus vouloir payer les charges. Les impayés peuvent augmenter et la situation financière de la copropriété se fragiliser.

 

  • De plus, en cas de copropriétaires bailleurs indélicats, on sait très bien que les loyers sont généralement toujours perçus de façon informelle même s’ils ne sont plus dus. Les locataires captifs se retrouvent ainsi à continuer à payer un loyer tout en vivant dans un immeuble sous arrêté et présentant donc des risques physiques avérés.

 

  • Posséder un bien situé dans une copropriété frappée d’un arrêté de péril  limite de fait la capacité à vendre son lot, les acheteurs se faisant plus rares. Des copropriétaires souhaitant réaliser des travaux, mais victime du manque de volonté et/ou des impayés d’autres copropriétaires, se retrouveront captifs de la situation si aucun accompagnement de la copropriété n’est engagé…

Donc sans reprise en main des désordres constatés par le conseil syndical et/ou le syndic de la copropriété touché par un arrêté, et sans accompagnement et suivi des pouvoirs publics, l’arrêté peut être maintenu pendant de nombreuses années, sans que les risques identifiés ne soient traités !   

 

Conclusion :

Les arrêtés sont des outils à double tranchant qui peuvent constituer un élément efficace pour traiter les problèmes de bâti d’une copropriété ou entrainer la copropriété dans la spirale de la dégradation.

C’est pourquoi ces outils de la puissance publique doivent s’accompagner d’un vrai suivi et d’un certain volontarisme des pouvoirs publics et des collectivités territoriales, au risque de voir la fragilité de leur parc privé augmenter…