Grâce à l’intervention de l’ARC et des sénateurs, la loi ELAN a prévu dans l’article 205 la publication d’un décret qui a pour objet de fixer les documents minimum qui devront être consultables sur l’espace sécurisé de la copropriété.
Ce décret s’imposait sachant que les extranets fournis par les syndics professionnels sont dans les faits non seulement des coquilles vides mais sont aussi utilisés dans l’intérêt du syndic sans réelle plus-value pour les copropriétaires et le conseil syndical.
Présentons donc un état des lieux de la situation pour ensuite préciser ce que l’on attend du futur décret.
I. Un extranet détourné de son objet initial
L’extranet imposé par la loi ALUR devait garantir une meilleure transparence dans la gestion des copropriétés.
Pour les copropriétaires, cela devait leur permettre d’accéder à divers documents qui permettent soit de contrôler les charges soit d’établir le dossier à remettre avant la promesse de vente appelé de manière détournée par les syndics le « pré-état daté ».
Pour le conseil syndical, il s’agit d’accéder aux documents qui permettent de contrôler la gestion administrative, technique et comptable de la copropriété.
Ainsi, il doit pouvoir consulter les documents comptables (grand livre, relevés bancaires, bordereaux de chèques et avis de virement…), les pièces juridiques (courriers, contrats, avenants…) et les documents techniques (diagnostics, carnet d’entretien, ticket de combustion…).
Or, dans les faits, les extranets sont quasi vide, proposant, par le biais du syndic, soit des documents sans grand intérêt ou qui relèvent des archives, soit des documents déjà à la disposition de chacun des copropriétaires comme le règlement de copropriété ou le procès-verbal des dernières assemblées générales.
L’extranet est en réalité utilisé par les syndics professionnels pour développer leur politique commerciale soit en imposant le paiement en ligne qui doit impérativement se faire par le biais de l’extranet de la copropriété, soit en mettant uniquement en ligne les appels de fonds permettant d’économiser les frais de photocopie.
Le plus inquiétant est que cette approche est la première étape de leur stratégie.
Voyons vers quoi les syndics tendent.
II. La stratégie des syndics qui se profile
Il faut être très clair, les syndics vont profiter du décret sur l’extranet pour imposer qu’un maximum de documents, qui initialement devaient être impérativement envoyés en papier, soit déposé dans l’extranet.
L’objectif est simple : il ne s’agit pas de défendre la planète mais de faire des économies à leur profit.
Et pour cause, après avoir réclamé une augmentation de leurs honoraires lorsque le contrat type règlementaire a imposé d’inclure dans leur forfait les frais de photocopies, voilà qu’à présent ils veulent réduire la production sans pour autant baisser leurs honoraires.
Nous sommes donc persuadés que les chambres professionnelles vont demander indépendamment du consentement du copropriétaire que :
- les appels de fonds puissent ne plus être envoyés par lettre simple mais uniquement mises en ligne dans l’espace sécurisé,
- les pièces qui doivent être jointes à la convocation d'assemblée générale puissent être uniquement déposées dans l’extranet de la copropriété.
La vigilance est donc de mise.
III. Les demandes de l’ARC
L’extranet de la copropriété doit répondre à trois profils différents en proposant trois interfaces distinctes :
- Pour tous les copropriétaires. Ils doivent pouvoir disposer de documents techniques ou juridiques de la copropriété tels que les diagnostics, les carnets d’entretien, la dernière fiche synthétique à jour, les pièces justificatives des charges… L’intérêt est de pouvoir fournir les documents nécessaires aussi bien avant la promesse de vente ou dans le cadre de l’état daté.
- Pour les copropriétaires individualisés. Chaque copropriétaire doit disposer d’un code secret individuel pour accéder à son interface et permettre d’avoir des informations personnelles comme sa situation comptable, une copie des avis d’appels de fonds, la quote-part de fonds travaux rattachée à son ou ses lots… L’objectif est de leur donner la possibilité de pouvoir contrôler leurs charges à distance.
- Pour le conseil syndical. Il doit permettre d’accéder à l’ensemble des documents stratégiques mis à jour régulièrement comme le grand livre, l’évolution des impayés, la liste des copropriétaires avec leurs coordonnées postales à jour, l’attestation de la garantie financière du syndic, sa carte professionnelle ou encore son assurance civile. Il s’agit de donner au conseil syndical la possibilité d’assurer sa mission de contrôle et d’assistance sans forcément devoir solliciter le syndic ou se rendre au sein du cabinet.
Pour résumer, il s’agit de donner à chacun des profils se trouvant dans la copropriété les informations dont ils ont besoin pour se sentir mieux au sein de son immeuble.
A suivre, sachant que nous sommes actuellement interrogés par la Chancellerie sur ce projet de décret…