Tout le monde a entendu parler de la « prime de 1 000 € » censée récompenser les salariés qui ont poursuivi leur travail dans des conditions difficiles liées à l’épidémie de covid-19.
I. De quoi parle-t-on ?
En fait, il s’agit de la « prime Macron version 2020 », officiellement appelée « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », qui n’avait rien à voir avec l’épidémie de covid-19 : les entreprises (au sens large du terme) qui avaient mis en place un accord d’intéressement avec leurs salariés pouvaient octroyer une prime exonérée de charges sociales et d’impôts de 1 000 € maximum jusqu’au 30 juin 2020[1].
En rappelant que cette prime a été instituée par une loi votée au Parlement, l’épidémie de covid-19 a amené le Gouvernement à modifier la loi initiale par une ordonnance, comme il en a le pouvoir actuellement.
C’est ainsi que l’ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 a profondément modifié les critères d’attribution de la prime et cela concerne les syndicats de copropriétaires qui ne pouvaient pas mettre en place un accord d’intéressement aux résultats puisqu’un syndicat de copropriétaires ne fait pas de bénéfices, la différence entre les charges et les provisions devant être répartie entre les copropriétaires.
Il est ainsi possible (ce n’est nullement une obligation) de décider d’attribuer aux salariés d’un syndicat de copropriétaires une prime jusqu’à 1 000 € (c’est un maximum[2], rien n’oblige à donner le maximum) exonérée de charges sociales et d’impôts : c’est une prime nette.
II. Quels sont les critères d’attribution ?
Pour les syndicats de copropriétaires qui n’ont qu’un seul salarié, deux critères sont à considérer : la décision d’attribution (oui ou non) et le montant (1 000 € maximum, le surplus éventuel supportant les charges sociales et les impôts).
Pour les syndicats de copropriétaires qui ont plusieurs salariés, il peut en plus être tenu compte de la classification (cadre, employé, ouvrier), du niveau de rémunération, du temps de travail contractuel et de la durée de présence[3] sur l’année 2019. Cela n’autorise pas les discriminations, cela permet juste de moduler le montant de la prime entre les salariés selon ces critères.
Pour tous les syndicats de copropriétaires, un critère supplémentaire de modulation existe : les conditions de travail liées à l’épidémie de covid-19 : le salarié exposé peut recevoir davantage que le salarié en télétravail par exemple. Il s’agit d’un critère de modulation et non d’une condition d’attribution : dans l’esprit du Gouvernement, il s’agit de pouvoir donner davantage à ceux qui ont travaillé dans des conditions rendues difficiles par l’épidémie de covid-19.
En résumé, il faut décider :
- L’attribution ou non d’une prime (nulle obligation n’existe)
- Le montant (qui peut être modulé s’il y a plusieurs salariés, mais sans discrimination)
III. Qui décide dans un syndicat de copropriétaires ?
Dans un syndicat de copropriétaires, le syndic est contraint, par l’article 31 du décret 67-223 du 17 mars 1967, d’appliquer les textes en vigueur en matière de gestion du personnel et il n’a pas le pouvoir de décider d’une prime.
Le conseil syndical n’a aucun pouvoir de décision (sauf si l’assemblée générale lui a délégué à l’avance un budget spécifiquement pour cela[4]), il ne peut qu’assister et contrôler le syndic.
En conséquence, seule l’assemblée générale a le pouvoir de décider d’une prime.
Alors il faut attendre l’assemblée générale ?
Dans la réalité, il va être très incertain actuellement de pouvoir réunir valablement une assemblée générale en juin ou juillet afin de décider du versement d’une prime exonérée de charges sociales et d’impôts pour le 31 août 2020 au plus tard.
Cet aléa empêchera en conséquence d’attribuer cette prime exonérée de charges sociales et d’impôts alors que certains gardiens et employés d’immeubles ont fait leur travail à la grande satisfaction des copropriétaires, dans des conditions difficiles.
En conclusion, que fait-on ?
Il est possible d’envisager, au sein de chaque syndicat de copropriétaires qui le souhaite, une décision anticipée du syndic, sur avis nécessairement positif du conseil syndical, sur le montant et les conditions d’attribution de la prime « covid-19 », décision qui serait entérinée ensuite par l’assemblée générale.
Mais pratiquement, qui fait quoi ?
Le syndic, saisi (ou non) d’une demande du ou des salariés, demande l’avis du conseil syndical par courriel de préférence.
Le conseil syndical se concerte (pas de réunion physique, faut-il le rappeler) et donne « l’avis du conseil syndical » selon l’avis majoritaire de ses membres (obtenu dans les conditions habituelles en vigueur localement). Il peut bien entendu se saisir seul de la question sans attendre une demande du syndic. Le conseil syndical va donc devoir se prononcer sur les points suivants :
- Décision d’attribution : oui ou non (le choix est libre). Les critères de décision peuvent être notamment :
- Présence ou absence de tensions particulières à propos du poste du personnel ;
- Situation financière de la copropriété (capacité des copropriétaires à supporter une charge supplémentaire) ;
- Niveau de salaire du ou des salariés ;
- Mérite du ou des salariés (travail complet effectué malgré les difficultés, absence de tâches ou services qui ont généré des frustrations des copropriétaires, etc.).
- Décision sur le montant (pas plus de 1 000 € par salarié[5]).
- Modulation en cas de pluralité de salariés. Les modalités sont encadrées par la loi et il n’est pas possible d’attribuer la prime à certains salariés seulement ou d’imaginer des différences discriminatoires. Ce qui est possible :
- Attribuer la prime aux salariés ayant perçu moins de x € en 2019
- Ne pas attribuer de prime aux cadres (cas fort rare en copropriété)
- Établir un prorata temporis au temps de travail contractuel (ou des unités de valeur des gardiens)
- Établir un prorata temporis à la durée de présence en 2019[6]
- Augmenter la prime pour les salariés dont les conditions de travail ont été rendues difficiles objectivement pendant l’épidémie de covid-19
Le conseil syndical transmet son avis au syndic, par courriel de préférence.
Le syndic intègre la prime au salaire en fonction de l’avis du conseil syndical (ou revient vers lui si des critères illégaux avaient été retenus) ou ne fait rien si l’avis est négatif.
L’assemblée générale entérine la prime (si elle a été attribuée) lors de sa prochaine réunion, soit dans une question spécifique soit dans le cadre de l’approbation des charges courantes de l’exercice, l’ordre du jour ayant été établi par le syndic en concertation avec le conseil syndical.
[1] L’exonération ne concerne pas les salariés rémunérés au-delà de trois fois le SMIC.
[2] La prime maximale est passée à 2 000 € en présence d’un accord d’intéressement.
[3] Un certain nombre de congés sont considérés comme du temps de présence pour l’attribution de la prime.
[4] Il ne s’agit pas d’une délégation générale, illégale, mais d’une délégation pour un objet déterminé (attribuer des primes ou non) dans le cadre d’un budget déterminé (intégré au budget prévisionnel courant).
[5] Sinon, il faut payer des charges sociales et impôts.
[6] Un certain nombre de congés sont considérés comme du temps de présence pour l’attribution de la prime.