Depuis deux jours on assiste à une déferlante dans la presse sur une décision de justice du « 11 » septembre 2018 sur les compteurs électriques LINKY, qui ferait droit, selon certains, au refus par les consommateurs de leur pose, et est susceptible de fixer la jurisprudence en leur faveur.
A y regarder de plus près, l’ordonnance du 10 septembre 2018 du Tribunal administratif de Toulouse ne dit pas tout à fait cela.
I. Installation des compteurs électriques LINKY : une jurisprudence non établie
La pose des compteurs électriques LINKY dits intelligents, dans la mesure où ils transmettent à l’opérateur en temps réel la consommation du local concerné, a donné lieu à des interrogations sur :
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- d’une part, la capacité du distributeur d’énergie à imposer ce changement d’équipement à son cocontractant ;
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- d’autre part, les incidences sanitaires de ces dispositifs, en raison des ondes électromagnétiques.
Dès lors, des actions contentieuses ont été diligentées, principalement par des consommateurs à l’encontre du fournisseur d’énergie.
Les décisions qui ont été rendues n’ont pas permis, jusqu’à ce jour, de trancher la question au fond, c’est-à-dire de déterminer le droit applicable.
En effet, jusqu’à présent, ces décisions ont été prises quasi exclusivement par des juges des référés, à savoir le magistrat « de l’urgence » judiciaire ou administratif de première instance, dont la compétence consiste essentiellement à ordonner des mesures provisoires en cas de doute sérieux.
Si un recours a déjà été exercé contre une décision du premier degré, l’arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble n°17 - 04622 du 27 mars 2018 a néanmoins pris soin de souligner son incapacité à dire le droit dans ce cas, le recours étant exercé contre une ordonnance de référé : « […] la nocivité du compteur est soumise à d’importantes controverses qui ressortissent à l’appréciation des juridictions du fond […] »
II. Installation des compteurs électriques LINKY : une nouvelle ordonnance à l’impact juridique restreint
En l’espèce, le maire de Blagnac (31) prend un arrêté le 16 mai 2018, par lequel il décide de réglementer l’implantation des compteurs électriques LINKY sur sa commune.
Le préfet de Haute-Garonne, s’interrogeant sur la compétence d’un édile à intervenir sur ce point particulier, exerce un recours en suspension de l’acte administratif du maire de Blagnac, avant une éventuelle action administrative en nullité de l’arrêté.
Dans son ordonnance n° 1803737 du 10 septembre 2018, le Tribunal administratif de Toulouse fait droit aux principales demandes du préfet de Haute Garonne :
« […] Jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de l’arrêté du maire de Blagnac du 16 mai 2018 relatif à l’implantation des compteurs LINKY, l’exécution des dispositions des articles 1 et 2 de cet arrêté est suspendue à l’exception des dispositions de l’article 1 citées au point 3 […] »
Les dispositions qui continuent de s’appliquer rappellent les grands principes du droit existant en ce qui concerne la nécessité d’un accord individuel des usagers exercé sans pression pour :
- laisser l’accès à leur logement par l’opérateur ;
- autoriser la transmission des données collectées par le compteur à des tiers partenaires commerciaux de cet opérateur.
Ces mentions ne sont donc pas illicites. Il faut cependant bien noter que l’ordonnance ne précise pas s’il est légal de refuser le changement du LINKY et, si c’est possible de s’y opposer, est-ce avec ou sans condition.
Nous sommes donc en présence d’une nouvelle décision de procédure, dans le différend sur les compteurs électriques LINKY, qui ne permet toujours pas de déterminer la jurisprudence en la matière.
Cette dernière ne pourra résulter que de décisions au fond de la Cour de Cassation et du Conseil d’Etat.