Répartiteurs de frais de chaleur, ça chauffe pour l’ARC

24/02/2017 Actions Action

Nous sommes assez fiers de constater que nous sommes une des rares associations à ne céder ni aux lobbys des professionnels, ni aux instances gouvernementales, lorsque nous considérons que les dispositions prises sont contraires aux intérêts des syndicats de copropriétaires.

Actuellement, l’ARC est vent debout contre la « pseudo » obligation d’installation de répartiteurs de frais de chaleur dans les copropriétés équipées en chauffage collectif.

Pour cela, nous avons publié plusieurs articles et communiqués de presse expliquant d’une part, pourquoi l’installation de cet équipement ne répondait pas aux exigences légales et d’autre part, les failles techniques de ce dispositif.

Voir : www.arc-copro.com/urfh et www.arc-copro.com/sagg.

Malgré cela, les ministères et les services publics ainsi que, bien évidemment, les installateurs de cet équipement s’entêtent en affirmant que le répartiteur de frais de chaleur répond aux exigences légales, et doit impérativement être installé dans tous les immeubles possédant un chauffage collectif.

 

Dans l’intention probable de nous impressionner, nous avons eu « l’honneur » de recevoir tout d’abord un courrier recommandé de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP) puis dans la foulée, un courrier personnel de Madame Ségolène Royal, notre Ministre de l’Environnement.

Un courrier « émouvant » de la Ministre de l’Environnement

Il est intéressant de constater que le courrier de Madame Royal évite justement d’entrer dans la polémique pour savoir si l’installation de répartiteurs de frais de chaleur répond ou non aux exigences légales.

Elle préfère faire apparaitre en caractères gras dans son courrier le rappel de la règlementation en cours pour finir par une petite leçon de morale dont elle a le secret.

Nous ne voudrions pas vous priver du plaisir de cette prose et nous reproduisons ici un extrait de son intervention écrite :

« [...] A compter du 31 mars 2017, tous les immeubles collectifs présentant des consommations de chauffage supérieures à 150 kWh/m2.an devront avoir mis en place des appareils de mesure permettant de déterminer la quantité de chaleur fournie à chaque local.

[...]

L’individualisation des frais de chauffage est une mesure phare de la loi transition énergétique pour la croissance verte qui permet de prendre conscience de ses dépenses énergétiques et d’adapter sa consommation pour un juste confort. Cette mesure permet de réaliser jusqu’à 15% d’économie d’énergie. Ainsi, je compte sur vous pour contribuer à la mise en place efficace et massive de ces dispositions dans les immeubles concernés aussi rapidement que possible. »

Madame Royal nous prendrait-elle pour des amateurs ?

Pendant qu’elle fait de la politique, nous réfléchissons à de vraies solutions qui répondent aux enjeux de la rénovation, y compris énergétique, des copropriétés.

Il est inadmissible de voir brandir ainsi l’alibi énergétique pour imposer tout et surtout n’importe quoi aux syndicats de copropriétaires.

L’individualisation des frais de chauffage serait effectivement une bonne disposition si les solutions techniques permettaient réellement d’atteindre cet objectif d’économie d’énergie tout en assurant aux copropriétaires un retour sur l’investissement réalisé.

Mais actuellement, aucune solution ne permet de concilier ces deux impératifs.

Et pour cause, les répartiteurs de frais de chaleur qui ne répondent pas aux exigences légales sont définitivement disqualifiés, quant à l’installation de compteurs thermiques, elle représente un coût si exorbitant que le retour sur investissement n’est que très rarement atteignable.

Bien pire, l’individualisation des frais de chauffage s’oppose à une réelle politique de rénovation des copropriétés.

En effet ce dispositif est présenté comme une solution permettant de réduire les consommations énergétiques, ce qui finalement dissuade les copropriétaires de voter les travaux ambitieux qui rendraient leur copropriété moins énergivore.

A vouloir confondre les lobbys des professionnels, les intérêts des syndicats de copropriétaires  et les volontés politiques, on en vient à présenter un programme politique incohérent.

Une réponse boomerang de l’ARC à la Ministre de l’Environnement

Voici le courrier envoyé à Madame Ségolène Royal pour lui confirmer notre position :

«Madame la Ministre,

J’ai lu avec grande attention le courrier que vous m’avez adressé le 9 février 2017 concernant votre demande de contribution pour que l’ARC promeuve l’individualisation des frais de chauffage.

Je me permets donc de vous répondre afin de clarifier notre position sur ce dispositif.

Comme vous le savez, l’ARC est très favorable aux économies d’énergie, et œuvre activement dans ce sens depuis plus de 15 ans. Nous avons ainsi été précurseurs sur de nombreux sujets, et nous continuons à développer nos actions en ce sens.

L’ARC est également très favorable à la juste répartition des charges, et a par exemple milité pour l’individualisation des factures d’eau, ou la clarification de la façon dont sont calculés les tantièmes de copropriété.

Mais, d’après les retours d’expériences et études que nous avons, et qui sont à présent bien étayés, l’individualisation des frais de chauffage ne répond pas à ces critères d’économies d’énergie ou d’équité :

  • les économies  d’énergie générées sont faibles, de l’ordre de 5%, soit  par exemple 35€ seulement d’économisés sur une facture de 700€ ;
  • avec un coût réel systématiquement supérieur à ces 35€, l’individualisation ne peut pas être rentable ;
  • les contrats et prestations sont régulièrement abusifs (voir notre dossier ci-joint) ;
  • la facturation individuelle n’incite pas les copropriétaires à réaliser collectivement des travaux d’économies d’énergie performants ;
  • les dispositifs d’individualisation manquent cruellement de fiabilité, et peuvent facilement être faussés, volontairement ou non, par les habitants.

Ce dernier point, très problématique, est particulièrement développé dans l’étude réalisée par le bureau d’étude Enertech (voir étude ci-jointe). Cette étude conclut ainsi qu’un répartiteur « ne peut raisonnablement pas être considéré comme un moyen fiable » de respecter la réglementation.

En tant qu’association de défense des intérêts des copropriétaires, nous avons le devoir de les informer sur ces sujets.

À partir de ces éléments nouveaux, nous espérons qu’en tant que Ministre, attachée à la défense des citoyens, vous aurez à cœur de revoir la position adoptée jusqu’à présent par votre ministère.

Selon nous, et en dehors de tout débat sur les équipements conformes à la réglementation en cours, il n’existe à l’heure actuelle pas de raison objective d’obliger les copropriétaires à individualiser les frais de chauffage, sauf à privilégier les intérêts de groupes privés puissants.

C’est face à ce constat que nous vous demandons d’instituer un moratoire concernant l’individualisation de frais de chaleur. Nous restons bien entendu à la disposition de vos services ainsi que de celui de la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et de paysages pour expliquer plus en détail notre position ainsi que l’étude qui a été diligentée sous notre impulsion.

Je vous prie de recevoir, Madame la Ministre, l’assurance de ma très haute considération. »