En cette période particulière où l’économie marche au ralenti du fait des mesures sanitaires liées au covid-19, nous avons énormément de questions.
Entre-temps, le gouvernement se mobilise en essayant « d’inventer » du droit afin de répondre au coup par coup aux différentes difficultés qui se présentent ou qui se profilent.
Le droit de la copropriété a dû également bénéficier d’ajustements notamment avec la publication de l’ordonnance 2020-304 du 25 mars dernier.
Ceci étant, plusieurs interrogations sont traitées par la loi du 10 juillet 1965 ou le décret du 17 mars 1967 n’impliquant aucune évolution des textes, ni interprétation surtout si elles sont hasardeuses.
A ce titre, nous avons une question légitime qui est posée par plusieurs conseillers syndicaux et copropriétaires concernant la possibilité de retarder voire d’ajourner les appels de fonds au motif qu’en cette période, l’activité des entreprises et du syndic est au ralenti voire au point mort.
Autrement dit, compte tenu du fait que certaines sociétés d’entretien n’interviennent pas dans les copropriétés ou que certains syndics sont au ralenti voire ne travaillent pas ou encore que les travaux sont arrêtés, cela justifie-il de payer intégralement les provisions d’appels de fonds ?
Comme toujours, nous allons tout d’abord apporter une réponse légale puis ensuite préciser nos préconisations.
I. Des appels de fonds de charges courantes exigibles au début de chaque trimestre.
Depuis le décret du 14 mars 2005, le budget prévisionnel de l’année N est voté au cours de l’assemblée générale de l’année N-1.
Ainsi, le budget de l’exercice 2020 a été voté au cours de la dernière assemblée générale qui s’est déroulée en 2019.
Le syndic est donc censé disposer d’un budget prévisionnel voté lui permettant d’appeler les appels de fonds.
Par ailleurs, l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1065 précise que les appels de fonds sont exigibles au début de chaque trimestre de l’exercice ou à défaut conformément aux modalités prévues par l’assemblée générale.
Ainsi là aussi, la loi précise les modalités des appels de fonds et leurs échéances les rendant à cette date exigible.
Ce qu’il faut bien comprendre est que les provisions de charges courantes appelées en cours de l’exercice ne sont pas estimées en fonction des dépenses réalisées mais bien du budget prévisionnel voté.
Par conséquent, peu importe les dépenses réelles constatées au jour de l’appel de fond, les provisions sont basées sur le budget prévisionnel voté et exigible.
C’est d’ailleurs pour cela qu’en cours d’exercice les appels de fonds liés aux charges courantes sont identiques ne faisant pas de différence entre les trimestres où il y a des frais plus importants du fait de la production de chauffage et les autres.
Ce même procédé est à retenir en matière de travaux puisque l’article 35-1 du décret du 17 mars 1967 précise que les appels de fonds travaux sont exigibles conformément à la résolution votée en assemblée générale.
Ainsi, le fait que les travaux soient ralentis ou arrêtés ne justifie pas pour autant un refus de payer sa quote-part de travaux votés en assemblée générale.
Néanmoins, il faut relever que les échéances d’appels de fonds travaux ne sont pas fixés par la loi mais bien par un vote de l’assemblée générale. Comme nous allons l’expliquer au chapitre II, cette distinction peut faire la différence.
II. Nos préconisations
Soyons clairs, ce n’est pas parce que les appels de fonds sont exigibles que le conseil syndical n’a pas d’action à mener, bien au contraire.
En effet, en fin d’exercice comptable sera opérée une régularisation des charges qui prendra en considération les réelles dépenses de l’exercice.
Ainsi, si le budget prévisionnel s’est avéré plus élevé que les réelles dépenses de l’exercice à cause notamment d’un arrêt partiel ou total de l’activité de certaines sociétés en raison des mesures sanitaires du covid-19, il faudra les prendre en compte dans la régularisation des charges.
Il est donc capital, que le conseil syndical vérifie dès à présent quels sont les prestataires qui pendant cette période de confinement travaillent à plein temps, à temps partiel ou pas du tout.
Cela concerne le syndic mais également les employés (sauf les gardiens) de la copropriété ou encore les entreprises d’entretien.
L’objectif est de savoir en fin de confinement avec quel(s) tiers il faudra négocier une régularisation des factures ou des avoirs qui aura un impact direct sur les dépenses de l’exercice et donc sur la régularisation des charges de la copropriété.
Attention, si le conseil syndical ne réalise pas en ce moment les contrôles nécessaires auprès de l’ensemble des prestataires de la copropriété (syndic, employés, entreprises), il sera très difficile de les faire après.
Par ailleurs, le conseil syndical peut convenir avec le syndic que les appels de fonds des travaux soient ajournés si la commande auprès de la société n’est pas encore passée.
Dans le cas contraire, le syndic se retrouve contraint de payer l’entreprise intervenante ne serait-ce que d’un acompte devant recevoir en amont des copropriétaires le règlement des appels de fonds.
Attention, cette consigne d’ajourner les appels de fonds devra être négociée entre le conseil syndical et le syndic évitant que ce dernier n’impute plus tard des frais de recouvrement comme une mise en demeure ou une lettre de relance qui est facturée à prix d’or.
L’idéal est que le conseil syndical conserve un mail du gestionnaire confirmant l’ajournement des appels de fonds travaux jusqu’à au moins l’engagement des travaux auprès d’une société évitant ainsi toute ambigüité.
Comme toujours, chers conseillers syndicaux, c’est à vous de jouer !