Un décret sur la liste minimale des documents à mettre sur l’extranet neutralisé par le ministère de la justice

18/06/2019 Actions Action

Dans le cadre des négociations sur la loi ELAN, l’ARC a œuvré notamment auprès des sénateurs pour que soit prévue la publication d’un décret définissant la liste minimale des documents devant figurer dans l’extranet de la copropriété.

Le 24 mai dernier, le décret n° 2019-502 a été publié, présentant trois espaces différents, un pour l’ensemble des copropriétaires, un pour chaque copropriétaire individualisé et un autre pour le conseil syndical.

De toute évidence, le ministère de la justice a essayé de trouver un compromis en défendant le pouvoir d’achat des copropriétaires tout en évitant de se mettre à dos les professionnels notamment en réduisant au maximum la liste des documents minimaux devant figurer dans l’espace du conseil syndical.

Néanmoins, comme nous allons le constater, ce décret est une mascarade qui dessert aussi bien les intérêts du conseil syndical que des copropriétaires.

Avant d’exposer la situation, rappelons brièvement pourquoi l’ARC a demandé la publication de ce décret, sachant que nous avons dédié le dossier du mois de juin au contenu exact des documents et des informations minimum devant figurer dans l’extranet de la copropriété (DOSSIER DU MOIS JUIN 2019 : Loi ELAN : le décret sur la liste minimale des documents à fournir dans l’extranet de la copropriété publié).

I. Un extranet détourné de son objet

L’origine de la mise en place d’un espace sécurisé dématérialisé dans les copropriétés vient des négociations réalisées avec les professionnels de l’immobilier lors de la loi ALUR au sujet de la fin de la possibilité de voter la dispense de compte bancaire séparé.

Pour maintenir au final cette possibilité pour les copropriétés de moins de 16 lots, les syndics ont consenti à mettre à la disposition des copropriétés un extranet permettant aux membres du conseil syndical d’avoir accès aux différents documents de la copropriété tels que les comptes pour les contrôler.

Or, après avoir obtenu la dispense en échange de la mise en place d’un extranet obligatoire, cet outil s’est avéré être une véritable coquille vide, touchant le néant, lorsqu’il s’agit de l’espace du conseil syndical.

Plus grave encore, alors que cet extranet permettait de mettre à la disposition du copropriétaire vendeur les documents nécessaires à remettre à l’acquéreur, avant la promesse d’achat, les syndics ont fait de la rétention d’information pour facturer « à prix d’or » la délivrance de ces supports.

C’est ainsi qu’on relève des tarifs de plus de 150 euros pour la copie du carnet d’entretien qui tient au mieux sur une dizaine de pages ou du procès-verbal de l’assemblée générale.

Mais ça n’est pas tout. D’autres syndics ont imposé que les appels de fonds soient visibles uniquement sur l’extranet de la copropriété permettant d’économiser les frais de photocopies qui doivent être inclus au forfait de base ou encore de payer en ligne sans indiquer le titulaire du compte créditeur qui s’est avéré après coup être celui du syndic.

Voilà pourquoi il était nécessaire de mieux cadrer ce dispositif légal à travers la publication d’un décret.

II. Un décret mort-né

Il semble que les ministères aient bien compris le potentiel que représentait ce décret pour les intérêts des copropriétaires, pouvant très vite se retourner contre ceux des syndics.

Face à ce dilemme, le ministère de la justice a pris le parti d’imposer que soient mis en ligne au minimum tous les documents et informations comptables permettant au copropriétaire vendeur d’être en mesure de remettre à l’acheteur les données avant la promesse d’achat.

Par ce moyen, le copropriétaire ne sera plus contraint de payer des sommes exorbitantes, pour obtenir la copie du carnet d’entretien, des diagnostics ou du procès-verbal, ou encore de payer au syndic une prestation illégale baptisée « le pré-état daté ».

La contrepartie est que l’espace du conseil syndical a été sacrifié.

Au final, on n’y trouve ni grand livre, ni devis, ni facture. Seuls les relevés bancaires ou les relevés de dépenses doivent être mis en ligne et ce sans préciser la fréquence d’actualisation qui vraisemblablement devrait se faire une fois par an dans les trois mois après la tenue de l’assemblée générale.

Autrement dit, les informations qui y figureront seront continuellement obsolètes.

Et pour cause, les documents de l’exercice devront être mis en ligne trois mois après l’assemblée générale qui approuve les comptes qui se tient généralement trois à six mois après la fin de l’exercice.

Ainsi, si l’exercice comptable se termine au 31 décembre 2019 et que l’assemblée générale se tient le 1er juin 2020, le syndic aura jusqu’au 1er septembre 2020 pour mettre en ligne les documents concernant 2019.

Mais il y a encore plus troublant. Le ministère de la justice a prévu que l’entrée en vigueur de ce décret ne se fera qu’au 1er juillet 2020.

Oui, il n’y a pas d’erreur, non pas janvier mais bien juillet 2020, soit dans plus d’un an.

Et voilà comment un dispositif qui pouvait permettre la transparence et redonner la confiance entre professionnels et copropriétaires se traduit par un flop au grand bonheur des professionnels.

Nous allons néanmoins saisir le Premier Ministre pour lui faire part de cet échec des pouvoirs publics…