Si le conseil syndical dispose bien de prérogatives lui permettant d’avoir un accès permanent à tous les documents de la copropriété, dont « les pièces justificatives des charges », le copropriétaire lambda, lui, ne dispose d’un droit de consultation que durant un court instant et sur certains documents uniquement.
Ce droit a été précisé par le décret n°2015-1907 du 30 décembre 2015 qui a modifié l’article 9 et créé l’article 9-1 du décret du 17 mars 1967.
I. Le droit du copropriétaire à accéder aux pièces justificatives des charges
C’est un droit temporaire assorti de plusieurs contraintes, à savoir : un fait générateur, une période déterminée, des jours, horaires et lieu de consultation encadrés.
- Le fait générateur est la présence dans l’ordre du jour d’une convocation de la question « appelée à connaître des comptes », soit la résolution qui approuve les comptes.
- La période de ce contrôle a pour point de départ, la date de réception de la convocation d’assemblée générale et pour date de fin, la date de tenue de ladite assemblée générale.
- Les jours et heures de consultation correspondent sauf mention contraire, à la période « d’accueil physique » stipulée dans le contrat du syndic.
- Le lieu de consultation est une prérogative du syndic.
II. La convocation à l’assemblée générale qui informe le copropriétaire des dates et lieu de la consultation
L’article 9 du décret du 17 mars 1967 impose au syndic de mentionner dans la convocation d’assemblée générale, « appelée à connaître des comptes », les informations suivantes :
- Le lieu de consultation des pièces. Celui-ci est : soit le siège social du syndic, soit le lieu où il assure habituellement l'accueil des copropriétaires (ce qui existe dans les grandes copropriétés). Cette dernière précision est importante pour les syndics qui ont des établissements secondaires éloignés de leur siège social.
- Le ou les jours ainsi que les plages horaires. On peut supposer que ceux-ci vont correspondre à la période « d’accueil physique » mentionnée dans le contrat du syndic, paragraphe « 7. Prestations et modalités de rémunération du syndic professionnel ».
L’article 9-1 du décret du 17 mars 1967 précise à cet effet, d’une part, que la durée (permettant à tous les copropriétaires qui le souhaitent de venir contrôler les pièces) ne peut « être inférieure à un jour ouvré » et d’autre part, que cette durée (c'est-à-dire l’ensemble des jours de mise à disposition) doit être « appropriée à la dimension de la copropriété ».
En clair, pour une copropriété de 30 à 50 lots le syndic pourra limiter la période à une journée, alors que pour une grande copropriété, 200 lots et plus, cette période sera beaucoup plus longue.
Sachant que la période, entre la date de première notification de la convocation et la date de tenue de l’assemblée générale, doit être à minima de 21 jours calendaires, soit trois semaines, il est souhaitable que le syndic fixe le/les jours de consultation dans les 10 jours précédant le jour de l’assemblée générale, ceci afin de permettre à chaque copropriétaire de s’organiser.
Si la consultation se fait sur rendez-vous et que le syndic n’est pas pressé de fixer une date, il ne faut pas hésiter à en proposer une par mail, pour disposer d’une trace écrite et sécuriser la tenue de ce rendez-vous.
III. Les documents consultables par le copropriétaire
L’article 9-1 du décret rappelle que les pièces consultables par le copropriétaire sont mentionnées à l’article 18-1 de la loi du 10 juillet 1965, à savoir :
- « les pièces justificatives des charges de copropriété », c'est-à-dire, celles engagées au titre du budget prévisionnel (annexes 2 et 3), et celles engagées dans le cadre de travaux et opérations exceptionnels (annexes 4 et 5).
Cela correspond aux factures reçues :
a. soit régulièrement au titre de contrats à durée déterminée ou à tacite reconduction (syndic, assurance, eau, électricité, énergie, entretien ascenseur, entretien chaufferie…).
Dans ce cas le copropriétaire doit également avoir accès au contrat afférent afin de vérifier son exécution (ce qui est inclus ou non) et les tarifs en vigueur.
b. soit ponctuellement qui correspond par exemple à de menues réparations (plombier, électricien, dégorgement, couvreur, serrurier…).
A contrario, sont exclus de cette mise à disposition, les documents relatifs aux comptes bancaires et de fonds placés (comptes séparés de dépôt et rémunéré), soit les conventions d’ouverture de compte et les relevés bancaires périodiques.
- Si le chauffage et/ou l’eau chaude sont collectifs :
a. « une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs ».
Il s’agit entre autres du calcul du prix du m3 d’eau chaude sanitaire.
b. ainsi que « les factures, les contrats de fourniture et d’exploitation en cours et leurs avenants ainsi que la quantité consommée et le prix unitaire ou forfaitaire de chacune des catégories de charges ».
Le texte a voulu insister sur le poste chauffage et eau chaude dès lors qu’il s’agit d’une production collective.
Ces pièces doivent être présentées « classées par catégories ». C'est-à-dire séparées en charges générales, par bâtiment, ascenseur, chauffage, etc., comme cela figure dans le Relevé Détaillé des Dépenses et l’annexe 3.
Attention, la mise en place obligatoire d’un extranet depuis le 1er janvier 2015, avec accès différencié dès lors qu’on est simple copropriétaire ou membre du conseil syndical ne répond pas aux dispositions de l’article 9-1 du décret, les factures et autres contrats n’étant accessibles qu’aux membres du conseil syndical.
IV. Le copropriétaire peut obtenir copie de tous les documents mis à sa disposition
C’est également une nouveauté qui figure sous l’avant-dernier alinéa de l’article 9-1 « Les copropriétaires peuvent obtenir une copie de ces pièces à leur frais ».
Sur la prise de copie : certaines pièces ont un contenu personnel et ne peuvent pas faire l’objet d’une diffusion publique (exemple : feuilles de paie du/des salariés), à ce titre, le syndic pourrait être amené à refuser d’en délivrer une copie.
Sur la facturation des frais de copies : elle est prévue par l’article 33 du décret du 17 mars 1967 qui reprend les dispositions de l’article 9-1. À ce jour, le contrat type dans son chapitre « 9 - Frais et honoraires imputables aux seuls copropriétaires », dans la rubrique « frais de délivrance des documents sur support papier » ne prévoit pas une ligne pour ce type de copie. Il faut donc contrôler le tarif qui sera pratiqué par le syndic.
V. Le copropriétaire et le recours à l’assistance d’un membre du conseil syndical
Le dernier alinéa de l’article 9-1 énonce que « les copropriétaires peuvent se faire assister par un membre du conseil syndical ».
En l’absence de précisions concernant les modalités de cette assistance, on ne peut que conseiller de se rapprocher d’un membre du conseil syndical l’informant de son souhait de se faire assister dès réception de la convocation.
Cette présence dépendra des contraintes et des compétences des membres du conseil syndical.
En tout état de cause, il n’apparaît pas que les membres du conseil syndical peuvent être mis en cause s’ils n’assistent pas les autres copropriétaires.
VI. Le copropriétaire dispose-t-il d’un recours en cas de refus du syndic de donner l’accès aux pièces justificatives des charges ?
L’article 18-1 de la loi du 10 juillet 1965 énonce une « mise à disposition par le syndic » mais n’a prévu aucune sanction en cas de refus avéré du syndic ou de tergiversations amenant au même résultat.
Donc non, le copropriétaire ne dispose pas d’un recours efficace en cas de défaillance du syndic pour l’obliger à communiquer ces documents.
Il doit en informer immédiatement le conseil syndical et bien entendu, le jour de l’assemblée générale, tous les copropriétaires présents.
Cela pourrait laisser penser que certaines dépenses ne sont pas justifiées.
Si les enjeux sont trop importants pour se voir refuser l’accès, il peut aller jusqu’à faire intervenir un huissier qui constatera, soit le maintien du refus de la part du syndic, soit l’accès auxdites pièces.
Cela pourrait être cause de nullité de la résolution votant l’approbation des comptes, mais il faut attendre une jurisprudence pour l’affirmer.
Ce contrôle peut paraître compliqué.
À cela vous pouvez rajouter le fait que la loi n’oblige pas le syndic (gestionnaire ou comptable) à répondre aux questions que se poseraient les copropriétaires qui viendraient contrôler les causes des dépenses.
La solution est de s’investir encore plus et de se faire élire au conseil syndical, dès lors que l’on entend agir pour l’ensemble de la communauté.