Fonds travaux : une réponse du service juridique de la FNAIM qui fait peur
Lors des négociations sur la loi ALUR, l’ensemble des acteurs de la copropriété - que ce soit les chambres professionnelles ou les associations - était favorable à la mise en place du fonds travaux.
En effet, ce dispositif a fait ses preuves dans différent pays et notamment au Canada en se révélant comme une mesure incitative à la réalisation de travaux ambitieux dans les copropriétés.
Or, depuis l’entrée en vigueur de la loi ALUR et la mise en place du fonds travaux, les syndics sont (curieusement) devenus moins favorables à sa constitution.
Il est donc intéressant d’essayer de comprendre pourquoi les syndics professionnels ont retourné leur veste et comment ils risquent d’inciter de manière subtile les copropriétaires à neutraliser ce dispositif pourtant imposé par la loi.
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Un dispositif performant pour les copropriétés mais qui n’apporte aucun intérêt pour les syndics professionnels
Avant d’être considéré comme un outil favorisant la rénovation des copropriétés, le fonds travaux était pour les syndics professionnels un moyen de récupérer une trésorerie importante qu’ils pouvaient faire travailler à leur profit.
En effet, même si la loi ALUR a imposé le compte bancaire séparé pour les copropriétés de plus de 15 lots, nous savons pertinemment que les cabinets s’arrangent avec leurs banques pour continuer - d’une manière ou d’une autre - à bénéficier de la trésorerie de leurs copropriétés mandantes.
Pour éviter cet écart, le législateur a verrouillé ce dispositif en imposant que les sommes afférant au fonds travaux soient déposées sur un compte bancaire séparé et rémunéré dont les produits financiers sont affectés impérativement au seul profit du syndicat de copropriétaires.
Cet impératif permet donc de s’assurer que le syndic ne puisse pas profiter d’une manière indirecte de la constitution du fonds travaux.
À cela s’ajoute le fait que le contrat type réglementaire des syndics n’a pas prévu de rémunération complémentaire pour la gestion du fonds travaux.
Il est donc considéré par les syndics professionnels comme une nouvelle obligation à gérer sans contrepartie.
Pour finir, ils invoquent à présent que la constitution de fonds travaux fait augmenter leur « pointe » de sommes mandantes, impliquant une augmentation de leur cotisation d’assurance de garantie financière.
Les syndics sont en effet obligés d’être assurés pour le maniement des sommes qu’ils gèrent pour le compte des syndicats, et en fonction des montants, les coûts diffèrent.
On qualifie ainsi de « pointe » le montant maximal de fonds qu’ils manient autorisé dans le cadre de l’assurance qu’ils ont souscrite.
L’ensemble de ces considérations strictement financières entraînent les syndics à oublier leur statut de mandataire, qui doit normalement agir en toute loyauté et dans le respect des dispositions légales.
Au contraire, ils incitent habilement les copropriétaires à refuser la mise en place du fonds travaux au détriment de l’intérêt du syndicat.
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Comment les syndics vont inciter les copropriétaires à neutraliser ce dispositif
Nous le savons bien, le fonds travaux est ressenti (pour un certain nombre de copropriétaires) comme étant une charge financière supplémentaire inutile.
Ils considèrent qu’ils pourront assumer la réalisation de travaux sans être contraints d’épargner chaque année sur un fonds, qui est de surcroît non remboursable.
Il n’est donc pas difficile pour un syndic d’obtenir le consentement majoritaire des copropriétaires pour refuser la constitution de ce fonds. C’est pour éviter ce risque que la loi a imposé sa mise en place en prévoyant un taux minimum d’abondement qui est de 5% du budget prévisionnel.
Ainsi, la question qui devra être portée à l’ordre du jour n’est pas de savoir si l’assemblée générale veut ou non constituer un fonds travaux, mais si les copropriétaires souhaitent abonder le fonds travaux au-delà des 5% légaux.
Ceci étant, il semble que le service juridique de la FNAIM a apporté une réponse qui permettrait au syndic de faire droit à une décision de l’assemblée générale de refuser le fonds travaux, tout en se protégeant.
Pour cela, ils prévoient deux préconisations :
« – d’une part, de prendre soin de faire apparaitre clairement dans la résolution de refus, leur devoir de conseil et d’information rappelant l’obligation pour le syndicat de constituer un fonds de travaux conformément aux dispositions de l’article 14-2 de la loi de 1965 ;
– d’autre part, d’ouvrir un compte bancaire séparé (même si en l’espèce il sera inactif) sur lequel sont versées en principe les cotisations du fonds de travaux et ce, afin d’éviter la sanction prévue à l’article 18-II-4e de la loi de 1965, à savoir l’annulation de plein droit du mandat de syndic. »
Ainsi pour le service juridique de la FNAIM, une décision d’assemblée prévaut sur une disposition légale même si cette dernière est d’ordre public.
Cette analyse est extrêmement dangereuse car cela impliquerait que les copropriétaires pourraient sans difficulté voter des résolutions contraires aux dispositions légales et règlementaires.
À titre d’exemple, ils pourraient voter la dispense du compte bancaire séparé, même si l’immeuble est composé de plus de quinze lots, accorder au syndic un mandat de plus de trois ans, ou encore modifier les majorités prévues par la loi.
Cette approche ouvre donc la porte à toute dérive en matière de gestion pérenne et équilibrée des copropriétés, mettant à mal les textes de lois et réglementaires par l’effet d’une simple décision d’assemblée générale.
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Ce que cache réellement la réponse du service juridique de la FNAIM
La réponse faite par le service juridique de la FNAIM en matière de fonds travaux est un signal sur ce qui risque d’être entrepris par les syndics professionnels pour dissuader les copropriétaires de le constituer.
Et pour cause, ces derniers ne peuvent être amenés à refuser la constitution du fonds travaux que si, et seulement si, la question rédigée par le syndic est formulée en ce sens ou bien si la résolution prévoit un abondement de 0 %.
En revanche, si la question est conforme aux exigences légales à savoir « fixation du montant du fonds travaux à hauteur de plus de 5% », la problématique à laquelle le service juridique essaye de répondre ne se poserait pas.
Cette approche du service juridique est donc en réalité un prélude de la démarche que vont entreprendre les syndics pour neutraliser le fonds travaux sans que leur responsabilité ne puisse être engagée.
Néanmoins, selon notre analyse, un copropriétaire pourrait valablement engager la responsabilité civile du syndic ainsi que celle du syndicat de copropriétaires.
En effet, il pourrait invoquer que le défaut de la constitution du fonds travaux résulte d’une mauvaise rédaction de la question ou de la résolution, ayant entraîné une absence de réalisation de travaux au sein de la copropriété causant une diminution de la valeur de son logement.
Face à ce risque, le conseil syndical devra être particulièrement vigilant sur les manœuvres du syndic qui auraient pour objet de contourner la mise en place et l’abondement du fonds travaux.
Nous invitons d’ailleurs les copropriétaires à nous signaler toute question ou résolution non-conforme, afin que nous alertions les pouvoirs publics sur la façon de procéder des syndics professionnels.