Le Conseil d’État et les syndics bénévoles retoquent les professionnels

18/10/2016 Actions Action

Le Conseil d’État et les syndics bénévoles retoquent les professionnels

 

 

Nous avons diffusé vendredi dernier la décision du Conseil d’État (www.arc-copro.com/yskj) suite à la saisine de plusieurs chambres professionnelles qui souhaitaient purement et simplement l’annulation du contrat type règlementaire de syndic en invoquant un excès de pouvoir de l’administration.


Nous avons alors démontré que bien qu’elles se soient pavanées d’avoir obtenu une décision qui leur serait favorable, la réalité est que le Conseil d’État n’a suivi les chambres professionnelles sur presque aucune de leurs demandes ; leur faisant même « un cours de droit » au passage.


Mais encore, nous avons été consternés de constater que les chambres professionnelles que sont la FNAIM, l’UNIS et le SNPI, ont utilisé ce recours pour essayer d’interdire aux syndics non professionnels la possibilité de percevoir une rémunération.


Cette tentative confirme l’inquiétude grandissante des professionnels de l’immobilier devant l’augmentation importante du nombre de copropriétés gérées par des syndics non professionnels.


D’ailleurs, cette démarche n’est pas isolée, car comme l’avait affirmé M. François Davy, PDG du groupe Foncia, lors d’une émission télévisée, leur prédiction était que la loi ALUR porterait « un coup fatal à la plupart des syndics bénévoles, car cela devient trop compliqué ».


Ainsi, ne pouvant pas remettre en question l’efficacité de « la gestion directe » des copropriétés, ils essaient par tous moyens de dissuader les copropriétaires d’opter pour cette solution allant même jusqu’à souhaiter un renforcement du cadre légal et réglementaire.


Ceci étant, nous constatons non seulement que les efforts des professionnels pour arriver à ce résultat n’aboutissent pas, mais qu’au contraire ils encouragent les copropriétaires à choisir la solution de la gestion directe.

 

En effet, les syndics professionnels ont du mal à suivre les évolutions légales et réglementaires, certains devenant même de plus en plus mauvais.


À titre d’illustration, prenons trois tentatives des professionnels de l’immobilier qui se sont soldées par un effet boomerang.

I. Un syndic non professionnel peut être rémunéré au grand désespoir des chambres professionnelles

Avant d’énumérer certaines stratégies mises en place par les syndics professionnels qui se sont soldés par l’effet de « l’arroseur-arrosé », reprécisons les demandes formulées dans le recours intenté par les chambres professionnelles auprès du Conseil d'État à l’égard des syndics bénévoles.


Ces chambres ont réclamé la suppression, pour les syndics non professionnels, de pouvoir prétendre à une rémunération au motif que leur investissement ne pouvait être assimilé à un temps de travail consacré à la copropriété.


Le Conseil d'État a donc été très ferme en écartant purement et simplement cette demande, considérant qu’il n’y avait aucun caractère illégal à ce qu’un syndic non professionnel puisse être rémunéré.


Ainsi, les chambres professionnelles ont essayé d’utiliser un nouveau moyen pour dissuader les copropriétaires de devenir syndic de leur immeuble, en leur interdisant de pouvoir prétendre à une rémunération.


Ce que les professionnels ont mal saisi est que la plupart des copropriétaires qui optent pour la gestion directe ne le font pas pour des raisons financières, mais avant tout pour redresser la copropriété à la suite d’une gestion chaotique d’un professionnel.

Ainsi, la plupart des syndics non professionnels sont en réalité bénévoles. Quant à ceux qui perçoivent une rémunération, il s’agit en réalité d’un dédommagement des frais engagés pour la gestion de la copropriété tels que les fournitures bureautiques et éventuellement leurs déplacements.


Il semble, de toute évidence, que les chambres professionnelles ont considéré que leur centre d’intérêt, qui est avant tout financier, était le même pour les syndics non professionnels.

Cette décision est donc un premier avertissement sérieux pour les professionnels de l’immobilier.

II. Une réglementation comptable mieux maîtrisée par les syndics non professionnels

Dans ce même esprit, en mars 2005, les professionnels ont réclamé un décret et un arrêté réglementant la tenue comptable des copropriétés. Leur objectif inavoué était d’augmenter les exigences réglementaires afin de dissuader les syndics bénévoles de gérer les copropriétés.

 

Or, là aussi, que constatons-nous ?


Presque 10 ans après l’entrée en vigueur de ces textes réglementaires (en janvier 2017), encore de nombreux syndics professionnels ne maîtrisent pas l’intégralité des règles comptables et produisent des documents ou des annexes comptables qui présentent de graves incohérences, voire des erreurs.


En contrepartie, les syndics bénévoles se sont formés par le biais d’associations comme l’ARC ou de guides pratiques pour être à la hauteur des exigences réglementaires.

 

Ne serait-ce qu’à travers notre association, plus de 3 000 syndics bénévoles se sont formés et se sont équipés de logiciels de gestion et de comptabilité pour être en conformité avec la loi.

 

C’est donc un carton jaune pour les professionnels de l’immobilier.

III. Les syndics bénévoles ont répondu avec brio à l’exigence d’un
extranet

Pour finir, citons l’obligation d’extranet prévu par la loi ALUR. Là aussi, les professionnels pensaient qu’en exigeant des syndics la mise en place d’un espace sécurisé, les syndics bénévoles allaient jeter l’éponge.

Pour être plus précis, ils ont souhaité créer une distorsion entre les syndics professionnels et les bénévoles en réclamant une exemption pour ces derniers. L’objectif, là encore inavoué, était de créer deux « classes » de syndics.


L’ARC a soutenu que les syndics bénévoles n’avaient pas besoin de régime de faveur et qu’ils allaient répondre à cette exigence en mettant en place des espaces sécurisés efficaces.


Plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi ALUR, les syndics bénévoles ont brillamment relevé le défi en proposant aux copropriétaires des extranets efficaces mettant en ligne l’intégralité des documents stratégiques de la copropriété (administratifs, comptables et juridiques…).


En parallèle, la quasi-totalité des espaces sécurisés livrés par les syndics professionnels sont soit des coquilles vides, soit des extranets fourre-tout qui n’apportent aucune plus-value au conseil syndical.


En effet, l’ensemble des documents stratégiques tels que le grand livre, les relevés bancaires, les devis et les factures... n’y figurent pas.

 

C’est donc cette fois-ci un carton rouge pour les syndics professionnels, ce qui explique qu’ils soient de plus en plus écartés de la gestion des copropriétés.


Cette analyse démontre, au plaisir de contredire des chambres professionnelles et le PDG de Foncia, que les syndics bénévoles ne sont qu’au début de leur apogée.


À défaut d’une réforme profonde de la profession de l’administration de biens et de vraies instances de contrôle pouvant prendre des sanctions directes, il est évident que l’option « syndic bénévole » ou « gestion non professionnelle » a encore de très beaux jours devant elle.