Le président de la FNAIM devrait suivre des formations à l’ARC !
Le 22 décembre 2015, l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) et l’ARC ont dénoncé les distorsions issues de la loi de transition énergétique, visant à l’individualisation des frais de chauffage dans l’ensemble des immeubles équipés en chauffage collectif.
Jean-François Buet, président de la FNAIM, est intervenu « sur son cheval blanc », à travers une récente tribune, pour dénoncer les critiques faites par l’USH et l’ARC sur l’individualisation des frais de chauffage.
Malheureusement, ses contres arguments témoignent essentiellement de sa méconnaissance du sujet et de l’orientation de ses intérêts économiques.
Nous allons donc les reprendre afin d’expliquer au président de la FNAIM l’urgence de mettre ses connaissances à jour, d’autant plus qu’il représente les professionnels de l’immobilier, et en particulier les syndics qui sont les mandataires des syndicats de copropriétaires.
- Une obligation qui ne se limite pas uniquement aux immeubles ayant une étiquette énergétique évaluée entre D et G
Monsieur Buet affirme que l’ARC et l’USH ont eu une lecture trop rapide des dispositions légales, étant donné que, selon lui, seuls les immeubles énergivores seraient contraints d’installer des compteurs individuels de chauffage.
Voici en effet ses propos : « les compteurs ne sont obligatoires que pour les immeubles dont l’étiquette énergétique se situe dans les quatre derniers niveaux de l’échelle des performances, c’est-à-dire dans les lettres D.E.F ou G ».
Ces propos sont inexacts, car ils se basent sur une lecture (approximative) de l’ancienne version de la réglementation, actuellement en cours de révision. En effet, les dernières versions des projets de décret et d’arrêté ne prévoient plus de seuil, ce qui aura pour conséquence d’imposer l’installation des compteurs individuels de chauffage à l’ensemble des copropriétés en chauffage collectif. C’est ce que l’ARC et l’USH dénoncent afin que la version définitive du texte réglementaire maintienne des seuils avec un délai de mise en œuvre réaliste.
- Possibilité de bénéficier d’un crédit d’impôt en cas d’installation de répartiteurs de frais de chaleurs
L’ARC et l’USH ont dénoncé le prix exorbitant de l’installation de compteurs individuels de chauffage pour les ménages.
En effet, il est question d’une diminution du pouvoir d’achat équivalant à 1,76 milliard d’euros grevant le pouvoir d’achat de 2,3 millions de ménages en copropriété.
Selon les propos de Monsieur Buet, cette critique est injuste, étant donné que l’installation de compteurs individuels de chauffage est éligible à des financements, et plus particulièrement, à des crédits d’impôt.
Néanmoins, ce qu’il oublie de préciser, c’est que le montant d’aides sera minime par rapport au coût des travaux. En effet, elles représentent seulement 30 % de l’investissement et uniquement sur la partie « matérielle », non sur l’ensemble des autres coûts : main-d'œuvre liée à l’individualisation, désembouage ou encore équilibrage du réseau.
- Un retour sur investissement obtenu dès la première année
Monsieur Buet affirme que l’installation des compteurs individuels de chauffage entraîne des économies pour la plupart des habitants de l’ordre de 15 à 30 %.
Nous sommes très étonnés par ces chiffres que nous considérons largement surévaluer, d’autant plus qu’ils sont présentés par le syndicat de la mesure, qui est composé en majorité par des installateurs de répartiteurs de frais de chauffage ou de compteurs d’eau… et qui a donc intérêt à gonfler les chiffres !
Autant demander à « Philip Morris » de présenter une étude sur l’effet du tabac sur les poumons !
- Une mesure d’équité dans les immeubles
Monsieur Buet affirme que l’installation des compteurs individuels de chauffage permet une équité dans les immeubles, responsabilisant les copropriétaires ou leurs locataires.
Il rajoute que « cette disposition entre dans l’impératif de ne plus vivre dans le mépris du préjudice fait à la planète et à l’indifférence de la gabegie énergétique ».
Mais de qui se moque-t-on ?
Le principal procès fait aux répartiteurs de frais de chaleur est qu’ils ne permettent justement pas de garantir une justice énergétique entre chacun des logements d’un immeuble.
Et pour cause, au-delà des difficultés purement techniques, réduisant l’efficacité des répartiteurs de frais de chaleur (embouage du radiateur, mauvaise installation du répartiteur, coefficient rectificatif erroné...) il existe un problème de « vol de calories » entre logements.
En effet, une habitation se situant entre deux appartements, bénéficiera indirectement du chauffage des logements mitoyens. Ainsi, l’occupant sollicitera moins son radiateur privatif, au détriment de ses voisins.
Le copropriétaire va donc payer moins de chauffage, grâce au chauffage payé par les voisins.
Si on doit faire la comparaison, la répartition de l’eau est cohérente puisque l’on paye ce que l’on consomme, alors que pour le chauffage, beaucoup paieront une chaleur dont ils ne profitent pas entièrement et qui participera à chauffer les appartements voisins.
Sur un plan purement éthique, la consommation de chauffage n’est pas relative à la volonté de l’occupant, mais à ses conditions de vie. En effet, une personne retraitée ou sans emploi sera, de fait, plus amenée à rester chez elle, nécessitant un chauffage quasi continu sur la journée.
Si l’individualisation se généralise, ce sont bien les retraités et ménages fragiles qui verront leurs charges exploser en 2017.
C’est d’ailleurs pour cela qu’à l’exception du Syndicat de la Mesure composé majoritairement d’installateurs de frais de chaleurs (et, à présent, des syndics,…) il existe une quasi-unanimité des spécialistes sur l’inefficacité de ce dispositif.
D’ailleurs, la plupart des pays ont refusé de généraliser aveuglement ces dispositifs, à l’exception près de l’Allemagne, où, comme par hasard, se trouve le siège social principal d’« Ista », première société d’installation de répartiteurs de frais de chaleurs. Lobby… quand tu nous tiens !
- L’individualisation renforce le rôle du syndic dans les immeubles collectifs
Décidément, il n’y a pas un sujet où les professionnels de l’immobilier n’essayent pas de sortir leur épingle du jeu.
En effet, selon Jean-François Buet, l’USH et l’ARC critiqueraient l’individualisation des frais de chaleur uniquement parce que cela entraînerait un rôle prédominant du syndic !
Voici ce qu’il dit à ce sujet : « Certes, qui dit individualisation dit renforcement du rôle du syndic dans les immeubles collectifs, à la fois conseil des syndicats de copropriétaires pour le choix du prestataire et la qualité des travaux d’installation, mais aussi garant de la transparence comptable… Peut-être l’un des deux signataires de la diatribe contre les compteurs voit-il cela d’un mauvais œil. »
Ne serait-ce pas un début de paranoïa ? Et la FNAIM pense-t-elle sérieusement que l’USH serait à ce point manipulable pour signer un texte allant à l’encontre de ses propres intérêts de gestionnaire de patrimoine immobilier ?
Rappelons à Monsieur Buet qu’avant que les syndics ne s’attribuent de nouveaux rôles « très prometteurs », les copropriétaires apprécieraient que leurs gestionnaires commencent à régler les problèmes d’installation et d’entretien de compteurs d’eau défectueux qui présentent des répartitions incohérentes.
- Vous parliez de quoi déjà ? Ah oui… « D’indifférence face à la gabegie énergétique » ?
Ce qui est le plus dramatique, c’est que ces mêmes sociétés qui ont installé ces compteurs d’eau (mal entretenus et mal relevés) seront celles qui installeront les répartiteurs de frais de chaleur.
On peut alors s’inquiéter sérieusement de la gravité des litiges qui risquent de se produire si les professionnels de l’immobilier continuent à défendre des projets aussi tortueux qui n’ont qu’un seul but : alimenter des lobbys purement commerciaux.
Bien évidemment, le lecteur, qu’il soit professionnel ou non, se retrouve « le c… entre deux chaises », ne sachant pas qui des professionnels (syndics et professionnels de la mesure de syndics) ou des associations (et autres structures) ont raison.
C’est pour cela que nous allons proposer, aussi bien au syndicat de la mesure qu’à la FNAIM, de réaliser une étude contradictoire sur des immeubles ayant équipés leurs logements de répartiteurs de frais de chaleur.
Nous constaterons alors si ce dispositif a permis une justice sociale et énergétique, s’il a entraîné une réduction des consommations de chauffage supérieures à 15% permettant de compenser largement l’investissement et les coûts d’entretien, de location et de relève, et, de façon plus générale, si son efficacité obtient l’adhésion des occupants.
Sans surprise, nous pensons que ni le syndicat de la mesure ni la FNAIM ne seraient prêts à tenter l’expérimentation, eux-mêmes sachant pertinemment que ce dispositif présente de graves lacunes et dysfonctionnements dans sa mise en œuvre.