Au cours des débats au Sénat sur la loi ELAN, plusieurs amendements de l’ARC ont été adoptés et validés par la Commission mixte paritaire.
Néanmoins, cette dernière a supprimé deux dispositions phares qui concernent des dispositions à l’égard des syndics professionnels.
A l’occasion de notre 10ème Salon Indépendant de la Copropriété, Mme Estrosi-Sassone, rapporteure de la loi ELAN, qui était invitée, nous a présenté les arguments évoqués par les députés pour réclamer la suppression de ces deux dispositions.
Comme nous le verrons, ils ne tiennent pas la route et en disent long sur les lobbys que peuvent exercer les professionnels de l’immobilier sur les Pouvoirs Publics.
I. La suppression d’une obligation à l’égard du syndic d’engager une politique de maîtrise des charges au profit de ses copropriétés mandantes
Compte tenu que les charges de copropriété ont augmenté de 40 % en moins de 10 ans, l’ARC a proposé un amendement logique qui impose aux syndics d’enclencher une politique de baisse de charges au profit de leurs copropriétés mandantes.
Un dispositif simple à comprendre et qui devrait même couler de source puisqu’un syndic de copropriété est un gestionnaire qui doit gérer et négocier les contrats des copropriétés dont il a la charge.
Voici donc l’article 59 bis C, adopté par le Sénat et qui au final a été supprimé au cours de la Commission mixte paritaire :
Ce qui est fascinant, c’est l’argument soufflé par les syndics dans les oreilles des députés.
Avant d’entrer dans le détail, voici donc l’argument invoqué pour refuser l’amendement :
La proposition n° 244 est adoptée. En conséquence, l'article 59 bis C est supprimé. »
Ainsi cet amendement est présenté comme coutant plus cher à la copropriété qu’il ne devrait générer d’économies.
En effet, selon eux, la surcharge de travail demandé au syndic va se traduire par une augmentation des honoraires, impliquant que les économies réalisées seront absorbées.
Respirons calmement !
Pourquoi le syndic devrait réclamer des honoraires supplémentaires pour une tâche de gestion courante ?
Il s’agit de renégocier les contrats et de mettre en concurrence l’ensemble des prestations et des services de la copropriété assurés par un tiers.
D’ailleurs ces tâches figurent clairement dans la liste présentant les prestations incluses au forfait de base qui se trouve en annexe du contrat type.
Mais, comme toujours, dès qu’on leur demande de lever le petit doigt, ils tendent la main pour réclamer des honoraires complémentaires.
Mais allons plus loin dans la réflexion.
Si effectivement les syndics réclament des honoraires supplémentaires pour cette tâche, lorsqu’on sait que ces économies peuvent atteindre 30 % du montant du budget prévisionnel, on est alors loin d’une augmentation substantielle des honoraires qui pourrait neutraliser l’intérêt de ce dispositif.
Selon nous, le problème est beaucoup plus profond.
Les syndics ne veulent pas de mise en concurrence obligatoire des prestataires, compte tenu du fait qu’ils ne pourront plus faire travailler les sociétés avec lesquelles ils ont des arrangements.
Autrement dit, fini la vente d’extincteurs, de fioul ou d’ampoules facturés à la copropriété trois fois plus chers que le marché, ou encore la souscription de contrats d’entretien qui ne sont pas adaptés à la copropriété.
Fini également les diagnostics en tous genres, inutiles et facturés à prix d’or…
D’ailleurs, la demande de suppression de cet amendement en dit long sur les coulisses de la gestion des copropriétés assurée par les syndics professionnels.
II. Une action judiciaire à l’initiative du président du conseil syndical contre les manquements du syndic
Il existe une tare dans la loi du 10 juillet 1965, dénoncée à plusieurs reprises par l’ARC, qui est l’impunité du syndic en place en cas de manquement à ses obligations légales, réglementaires ou déontologiques, vis-à-vis du syndicat des copropriétaires qu’il gère.
En effet, le syndic est le seul représentant légal de la copropriété, impliquant que cette dernière n’ait aucun moyen judiciaire pour assigner son syndic en place, si ce n’est qu’il s’auto assigne. Ce qui serait une hérésie.
L’ARC a donc proposé un amendement qui donne au président du conseil syndical la possibilité d’assigner le syndic en place en cas de manquement à ses obligations.
Une mesure de bon aloi qui permet tout simplement un rééquilibrage des pouvoirs.
C’est ce qui a été adopté par le Sénat à travers l’article 59 bis AA dont voici la reproduction :
La Commission mixte paritaire a supprimé cet article.
Voici l’argument évoqué :
Ainsi, selon eux, les frais cette disposition entraînerait un risque trop important pour le syndicat des copropriétaires qui pourrait alors supporter des condamnations en cas de procédures abusives engagées par le président du conseil syndical à l’égard du syndic.
Par conséquent, la solution défendue par les députés est de rester en statu quo où le syndic reste intouchable.
Pour autant, expliquons tout d’abord à ces chers députés que le président du conseil syndical est avant tout un copropriétaire qui ne va pas prendre un risque inconsidéré en engageant une procédure judiciaire à l’encontre du syndic, sachant qu’il participera lui aussi à la prise en charge des frais et de l’éventuelle condamnation.
Mais encore, le président du conseil syndical est une personne doublement élue (à la différence du syndic).
D’une part, par l’assemblée générale en tant que conseiller syndical et d’autre part, par les membres du conseil syndical en tant que président.
Il s’agit donc d’une personne qui a la confiance d’une majorité des membres du syndicat, ayant en quelque sorte un mandat renforcé de la copropriété.ma
Ainsi, le président du conseil syndical est une personne raisonnable qui engagera une action judiciaire que si et seulement si les actions amiables engagées envers le syndic n’ont pas permis de faire avancer la situation.
Plus encore, il s’agit avant tout d’une arme nucléaire de dissuasion qui impose aux syndics d’être réactifs et efficaces, sous peine d’action judiciaire.
Nous allons donc présenter nos arguments aux Parlementaires afin que cette disposition soit prévue dans les futures ordonnances de la copropriété