Loi CHATEL : comment les ascensoristes essayent de détourner la loi ?

03/11/2011 Abus Abus

2881
  Loi CHATEL :
 
comment les ascensoristes essayent de détourner la loi ?
 
  I. Une information non « ciblée » et incomplète Les ascensoristes ont cru trouver - comme nous l’avions déjà indiqué - une inadmissible et illégale parade à la loi CHATEL : ils ont introduit en petits caractères et sur chacune de leurs factures une mention libellée ainsi : « Selon les dispositions de l’article L.136-1 du code de la consommation, nous vous informons que le contrat à tacite reconduction qui nous lie, peut ne pas être reconduit à son échéance, conformément aux dispositions qui figurent aux conditions générales et particulières de ce contrat ».  
 
Et ils pensent par là avoir satisfait aux obligations de la loi CHATEL.  
 
Dès lors, lorsque des copropriétaires leur envoient une lettre de résiliation pour non respect des dispositions introduites par la loi CHATEL - en fait l’article L .136-1 du Code de la consommation - en invoquant l’absence d’information concernant la possibilité de résiliation, ils s’entendent répondre que le nécessaire a été fait  (entendez  : que l’information préalable obligatoire a bien été donnée) et que la résiliation est  de ce fait impossible sur ce seul argument...  
On va voir que les ascensoristes n’ont pas raison.  
 
II. Une information spécifique et circonstanciée   Relisons le premier paragraphe de l’article L. 136-1 du Code de la Construction. Il dispose ceci :   « Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une clause de reconduction tacite ».  
 
Il est bien évident que lorsque le législateur parle d’information donnée au consommateur ou au non professionnel , l’esprit de la loi est : une information « spécifique », une information ciblée et d’une information circonstanciée (rappelant le terme exact du contrat).  
Ainsi ce n’est pas de façon permanente (dans toutes les factures) et sans précision concernant la date de résiliation que le prestataire doit informer le client, mais dans les seuls délais fixés par la loi et en rappelant le terme précis du contrat, sans que le consommateur ait à se reporter à un autre document (voir plus bas).  
Si un professionnel veut profiter de l’envoi d’une facture pour adresser une autre information, il le peut, mais à condition qu’il s’agisse d’un information spéciale (lettre complémentaire). Par ailleurs, il faut que l’information fournie, comme le dit le juge (voir plus bas) soit suffisante et ne l’oblige pas à consulter un autre document.  
En aucune façon donc la « mention » citée plus haut et inclue dans les factures par des ascensoristes qui se croient très malins et sont surtout « ficelles », ne saurait constituer l’information visée par la loi.   Il s’agit même de ce qu’on pourrait appeler une « manœuvre » répréhensible destinée à contourner la loi.  
 
III. Jurisprudence   La jurisprudence confirme d’ailleurs cette obligation normale, à chaque fois que cela est possible.  
 
Voici un exemple de jurisprudence concernant précisément l’article L. 136-1 : le jugement du 26 novembre 2009 rendu par la Juridiction de Proximité de Toulouse.   Le juge de proximité de Toulouse a rendu un jugement condamnant la société CANAL + SA pour non respect d e l’article L. 136-1 du Code de la consommation. La décision est fondée sur le fait que, la manière dont CANAL + rappelait les modalités de résiliation d’abonnement , ne constituait pas une « information claire, précise et nette reprise par l’article L. 136-1 du Code précité… » et qu’en plus elle obligeait à se reporter à un document NON produit.  
 
Voici les extraits les plus importants du jugement du 26 novembre 2009 :   « Le 18 mai 2006, Monsieur…a souscrit un abonnement à Canal + dont la durée était de 12 mois, reconductible par tacite reconduction pour des périodes de 12 mois […] Par lettre du 23 juin 2008, Monsieur… demandait à la SAS CANAL + de prendre acte de la résiliation de son abonnement. Le 27 juin 2008, la défenderesse accusait réception du courrier précédent, mais informait son abonné que sa demande ne prendrait effet qu’à la date d’échéance contractuelle, soit le 31 mai 2009 […]   Motif pris de ce Canal + n’avait pas respecté les dispositions de l’article L. 136-1 du Code de la consommation, Monsieur … saisissait le juge de proximité […]   La SAS Canal + rétorque, pour sa part, qu’elle a respecté les dispositions du texte précité, par l’envoi mensuel, à chaque abonné, donc à Monsieur…, d’un magazine contenant les modalités de résiliation […]   Ceci étant, le juge tranche :   « Il échet de relever que le rappel des modalités de résiliation est imprimé en bas de page, en caractères difficilement lisibles, nécessitant une lecture attentive. Il oblige en outre le lecteur à se reporter à une autre page, pour connaître la date à laquelle il peut dénoncer son abonnement. A l’évidence, des indications contenues dans ce magazine, dans des pages distinctes, contraignant l’abonné à se livrer à diverses recherches ne constitue pas une information claire, précise et nette reprise par l’article L. 136-1 du Code précité […]  
 
PAR CES MOTIFS :   Condamne la SAS CANAL + …….. » Bien que cette décision jurisprudentielle ne concerne pas spécifiquement un ascensoriste, les motifs qui y sont évoqués en termes généraux, pour débouter Canal +, doivent être retenus pour s’appliquer quelque soit le contrat à tacite reconduction :
  • l’information doit être claire, précise et nette ;
  • l’information ne doit pas, en plus, obliger à se reporter à un autre passage, a fortiori à un autre document.
  IV. Lettre à la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes)  
 
Tout à fait scandalisés par ces pratiques, nous venons d’ailleurs de signaler cette manœuvre à la DGCCRF en lui demandant d‘intervenir et d’engager les poursuites qui s’imposent, ainsi qu’à la Fédération des Ascenseurs qui est en train d‘essayer de redorer son image de marque à coup d’opérations publicitaires (nous y reviendrons)..    
 
V. Conseils pratiques   Si vous dénoncez votre contrat d‘ascenseur sur la base de la loi CHATEL (article L. 136-1 du Code de la Consommation) et que votre ascensoriste vous renvoie aux mentions inscrites sur les factures, faites-lui savoir que ces mentions ne satisfont pas aux obligations d’une information « claire, précise et nette » et circonstanciée.   Maintenez évidemment votre résiliation en saisissant la Direction Départementale de la Protection des Populations de votre département et en nous informant, si vous êtes adhérents collectifs, pour que nous puissions rappeler la loi à votre ascensoriste et appuyer votre démarche.