Depuis l’annonce d’une réforme du droit de la copropriété par voie d’ordonnances, qui est confiée à la Chancellerie, nombreux sont ceux qui interrogent le Gouvernement sur les évolutions qui seront apportées à la loi du 10 juillet 1965.
Et pour cause, les sujets sont multiples : contrat de syndic, pouvoir du conseil syndical, tenue de l’assemblée générale, obligation de travaux, emprunts collectifs…
Parmi eux, nous avons un sujet qui a effectivement été abordé lors des réunions de travail dans lesquelles participent entre autre les ministères de la Justice et du Logement ainsi que les présidents des chambres professionnelles et bien évidemment l’ARC.
Il s’agit des exigences en matière de tenue comptable pour les petites copropriétés ou celles gérées par des syndics bénévoles.
Avant de présenter notre position, voici la question posée par le député Philippe Chalumeau, concernant ce sujet ainsi que la réponse du ministère de la Cohésion des Territoires.
I. Un rappel à la loi
Voici la question 7 780 publiée au Journal Officiel (JO) le 24 avril 2018 page 3413 :
M. Philippe Chalumeau interroge M. le ministre de la cohésion des territoires sur les nouvelles règles comptables pour les copropriétés. Depuis 2006, les copropriétaires doivent se familiariser avec les notions de comptabilité. Car toutes les copropriétés, quelle que soit leur taille, doivent dorénavant adopter des règles de tenue et de présentation de leur comptabilité directement inspirées de celles des entreprises. La loi solidarité et renouvellement urbains (SRU) du 13 décembre 2000, modifiant la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, impose cette évolution qui, d'après des administrés de sa circonscription, complique la vie des copropriétaires et des syndics. Elle va de pair avec deux autres innovations, en vigueur depuis 2002 : l'obligation pour les copropriétaires de voter un budget prévisionnel pour l'exercice à venir et celle de payer leurs charges d'avance, sous forme de provisions. Certes, le but est d'améliorer la transparence et la lisibilité des comptes pour les copropriétaires afin de diminuer les contentieux portant sur les charges. La loi de 1965 n'imposait en effet aucune méthode comptable. Ce qui a conduit les syndics à se contenter de la méthode la plus basique, dite de trésorerie : les charges sont enregistrées uniquement lors de leur paiement. Cette comptabilité est simple mais ne permet pas de connaître précisément l'état financier de la copropriété et d'anticiper des dépenses importantes. Il est également difficile de comparer une année avec une autre, pour déceler d'éventuelles anomalies ou dérives. Enfin, il y a autant de comptabilités que de copropriétés avec des intitulés de compte parfois peu clairs. Il était donc nécessaire d'harmoniser ce dispositif. Tout en approuvant les objectifs de la réforme, les associations de copropriétaires, mais aussi une bonne partie des administrateurs de biens, affirment qu'elle produit des effets inverses de ceux escomptés, vu la complexité du dispositif et les difficultés pratiques qu'il entraîne. Premier écueil : la compréhension par les copropriétaires des nouveaux documents, qui suppose un minimum de connaissances en comptabilité. Alors qu'une comptabilité de trésorerie est plus compréhensible car proche de la façon dont chacun tient ses comptes personnels. Ce système complexe est très difficilement compréhensible par les copropriétaires et ne leur permet pas de savoir si leur copropriété va bien ou pas et si le syndic établit des comptes sincères. Aujourd'hui, les syndics doivent faire preuve de nouvelles compétences. Les comptables des cabinets d'administration de biens ont souvent été formés sur le tas et n'ont pas les qualifications nécessaires pour tenir une comptabilité d'entreprise. En dépit de l'avis des associations de copropriétaires et d'administrateurs de biens, et de celui de la commission d'experts créée au ministère du logement en 2004, qui penchaient toutes plutôt pour un régime simplifié pour les petites copropriétés, le Gouvernement en vigueur a tranché en faveur d'un texte complexe. La raison tiendrait à la difficulté de définir ce qu'est une petite copropriété. Face à cette difficulté, il a été décidé de rendre le décret applicable à toutes les copropriétés sans exception. En outre, la loi SRU ayant pour but d'harmoniser l'ensemble des règles en matière de copropriété, fixer des seuils aurait été contraire à cet objectif. Aujourd'hui, la complexité du dispositif peut, en effet, décourager les vocations des bénévoles et décider les copropriétaires à opter pour un syndic professionnel. Ainsi, il l'interroge sur la position du Gouvernement sur le sujet, et s’il compte revenir sur ce texte, afin d'alléger ces nouvelles contraintes pour les petites copropriétés.
Voici à présent la réponse du Ministre de la Cohésion des Territoires publiée au JO le 11 septembre 2018 en page 8106 :
Une réglementation comptable spécifique à la copropriété a été mise en place afin de favoriser la transparence dans la gestion des immeubles en copropriété et d'améliorer l'information des copropriétaires, alors que la comptabilité domestique appliquée par certains syndics jusqu'à la loi du 13 décembre 2000 (dite loi SRU) permettait uniquement de connaître la situation de trésorerie en fin d'exercice, sans anticipation possible des dépenses susceptibles d'affecter les exercices à venir. Ces règles comptables ne sont pas établies sur le modèle du Plan Comptable Général des entreprises (cf articles 14-3 de la loi du 10 juillet 1965 et 8 de l'arrêté du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires). Afin de tenir compte de la complexité de la comptabilité d'engagement pour les petites copropriétés, l'article 14-3 alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit déjà une possibilité de déroger à l'obligation de tenir une comptabilité en partie double à l'égard des syndicats de copropriétaires comportant moins de dix lots à usage de logements, de bureaux ou de commerces, dont le budget prévisionnel moyen sur trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 €. Leurs engagements peuvent ainsi être constatés en fin d'exercice. Par ailleurs, plusieurs dispositions permettent aux copropriétaires de connaître la situation financière de leur copropriété et de vérifier la sincérité des comptes établis par le syndic. Ainsi, les copropriétaires reçoivent notification en même temps que l'ordre du jour de l'assemblée générale de l'état financier du syndicat, ainsi que de son compte de gestion général, avec un comparatif des comptes de l'exercice précédent approuvé, lorsque l'assemblée est appelée à approuver les comptes. De même, l'article 8 du décret du 14 mars 2005 prévoit que les comptes arrêtés à la clôture de l'exercice font l'objet de « documents de synthèse » présentés aux copropriétaires, comprenant obligatoirement l'état financier, le compte de gestion général du syndicat, l'état des travaux hors budget prévisionnel et des opérations exceptionnelles votés et non clôturés en fin d'exercice (sous forme de tableaux). Enfin, pour permettre à chaque copropriétaire de vérifier précisément ce qui lui est réclamé, les comptes font l'objet d'une double présentation par nature de charges et en fonction des clés de répartition prévues par le règlement de copropriété, selon les quotes-parts afférentes à chaque lot dans chacune des catégories de charges (annexes 2 à 4 et article 8 du décret du 14 mars 2005). Toutefois, conscient des difficultés de compréhension des copropriétaires, le Gouvernement mène actuellement une réflexion générale avec l'ensemble des acteurs du secteur pour permettre une clarification et une simplification des règles et documents comptables et prévoir, le cas échéant, des adaptations plus importantes s'agissant des petites copropriétés, en tenant compte des problèmes rencontrés par certains syndics non professionnels, coopératifs ou bénévoles.
Voici à présent la position de l’ARC.
II. Une méfiance aux exemptions comptables
La mise en place du décret de l’arrêté comptable du 14 mars 2005 trouve son origine dans trois raisons fondamentales.
- La première est la mise en place d’une transparence des comptes.
En l’absence de règles strictes, il aurait été difficile, voire impossible pour le conseil syndical de comprendre la comptabilité de la copropriété tenue par le syndic.
En effet, il aurait procédé selon sa logique de saisie d’écritures qui n’est pas forcément compréhensible par le conseil syndical, sachant d’autant plus que pour beaucoup de cabinets, plus c’est opaque et mieux ils se portent.
Ainsi, il aurait été compliqué de suivre l’enregistrement des factures de la copropriété, des appels de fonds, ou encore des régularisations de fin d’exercice, noyant le poisson et rendant alors difficile, voire impossible pour le conseil syndical d’assurer sa mission de contrôle.
- Le deuxième point concerne le transfert de gestion de la comptabilité à un autre cabinet.
En cas de changement de syndic, il est indispensable que le repreneur puisse reprendre les comptes rapidement afin de poursuivre la comptabilité de la copropriété et d’être en mesure en fin d’exercice de présenter un bilan.
Cela est d’autant plus nécessaire lorsque le syndic doit engager une action judiciaire à l’encontre d’un copropriétaire débiteur, sachant qu’il devra justifier la dette devant le juge.
Il est donc impératif que la comptabilité soit normalisée, permettant au syndic repreneur de pouvoir reprendre les comptes sans difficulté majeure.
- Le troisième point concerne les mutations de lots.
Que ce soient les syndics professionnels ou bénévoles, en cas de mutation d’un lot ces derniers doivent remettre au notaire un état daté qui précise l’ensemble des sommes que le copropriétaire doit au syndicat des copropriétaires et vice-versa.
Pour cela, il est nécessaire de disposer au préalable d’une comptabilité claire et suffisamment bien tenue pour remonter les informations.
En l’absence d’une tenue comptable conforme à une réglementation, il serait difficile de remplir ce document et encore plus compliqué s’il s’agit d’un syndic repreneur qui doit indiquer des données comptables qui remontent à plusieurs exercices dont il n’avait pas un suivi clair.
Voilà pourquoi une exemption pure et dure d’une réglementation comptable peut être une fausse bonne idée qui mettra au final en difficulté aussi bien la copropriété que le syndic, qu’il soit professionnel ou bénévole.
Les pistes de réflexion doivent plutôt se focaliser sur un régime simplifié, ce qui est d’ailleurs déjà prévu dans l’article 14-3 qui permet aux copropriétés disposant de moins de dix lots à usage de logement, de bureaux ou de commerce et dont le budget prévisionnel moyen sur une période de trois exercices consécutifs est inférieur à 15 000 euros de ne pas tenir la comptabilité en partie double.