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Recevabilité de l'action du syndicat des copropriétaires : quand les préjudices affectent les parties privatives

Catégories Procédure
Juridiction
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 novembre 2024,
Référence
23-14.464 Publié au bulletin
Observations

précisions sur la capacité d'action du syndicat des copropriétaires en matière de réparation de préjudices affectant les parties privatives et communes.

Principe retenu

En application de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, un syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots. Il n'est pas nécessaire, en ce cas, que le préjudice, qu'il soit matériel ou immatériel, soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires

Analyse de la décision

La recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires en réparation de préjudices affectant les parties privatives, mais ayant pour origine des désordres dans les parties communes, a été fréquemment examinée devant la Cour de cassation.

Dans un arrêt du 7 novembre 2024, la Cour de cassation a clarifié cette question, en renforçant la protection des copropriétaires,  ainsi que  la préservation de l’intérêt collectif.

I – La recevabilité de l'action syndicale en cas de préjudices liés aux parties communes et privatives :

Le syndicat des copropriétaires d’un immeuble a confié à une entreprise des travaux de ravalement de façade et d’étanchéité de terrasses et balcons, sous la maîtrise d’œuvre d’un architecte assuré.

Suite à des désordres constatés ( des infiltrations notamment), le syndicat des copropriétaires a assigné les intervenants à savoir l’entrepreneur, son assureur, l’architecte et sa compagnie d’assurance en réparation des préjudices matériels et de jouissance subis par certains copropriétaires. Ici seuls quatre copropriétaires étaient concernés.

La cour d'appel d'Aix-en-Provence avait déclaré irrecevable cette action, estimant que les préjudices devaient présenter un caractère collectif et être supportés de manière identique par tous les copropriétaires. (CA Aix-en-Provence, 26 janv. 2023).

Le syndicat des copropriétaires a alors formé un pourvoi en cassation.

Dans la présente affaire, il convient de déterminer si le syndicat des copropriétaires est en droit d'agir en réparation de préjudices affectant les parties privatives, lorsque ces dommages trouvent leur origine dans des désordres touchant les parties communes, et ce, même si tous les copropriétaires ne sont pas affectés de manière identique

La cour d'appel avait estimé que l'action du syndicat n'était recevable que si les préjudices étaient collectifs et supportés de manière identique par tous les copropriétaires ou une grande partie d'entre eux.

Dans son analyse, la cour d’appel ne remet pas en cause la possibilité pour le syndicat d'agir en réparation de préjudices liés à des désordres affectant les parties communes, mais conditionne strictement la recevabilité aux seuls cas où ces préjudices sont uniformes et identiques.

La Cour de cassation a cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel, en ce qu'il déclarait irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires au titre des préjudices matériel et de jouissance subis par quatre copropriétaires.

Elle considère sur le fondement de l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qu’un syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots, sans qu'il soit nécessaire que le préjudice soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires.

II – Une clarification jurisprudentielle attendue

Cette clarification est la bienvenue lorsque l’on analyse les précédentes jurisprudences en la matière.

En effet, la Cour de cassation a évolué au fil du temps concernant la recevabilité de l'action en justice du syndicat des copropriétaires.

Initialement, elle exigeait que l'action syndicale pour être recevable devait porter sur des préjudices dont le trouble était subi de manière identique par l'ensemble des copropriétaires (Cass. 3e civ., 10 oct. 1984, n° 83-14.811.)

Puis, elle a semblé abandonner cette position en estimant que « le syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation des dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots ».(Cass. 3e civ., 23 juin 2004, n° 03-10.475)

Elle est par la suite revenue sur sa position en considérant à nouveau que la compétence du syndicat était subordonnée à la condition que l'ensemble des copropriétaires de l'immeuble supporte un préjudice identique dans leurs parties privatives (Cass. 3e civ., 26 avr. 2006, n° 05-10.500 – Cass. 3e civ., 7 sept. 2011, n° 09-70.993 : Bull. civ. III, n° 140).

Par ailleurs, cette approche pragmatique vise à assurer une réparation complète et effective des préjudices, en évitant que des copropriétaires ne soient privés de recours en raison de la spécificité de leur situation. Au-delà, la position de la Cour de cassation semble également se justifier par la préservation de l’intérêt collectif de la copropriété.

En effet, cette dernière prend en compte les conséquences que pourrait entraîner l'absence de réparation de tels préjudices sur les parties communes, quand bien même ces derniers ne concerneraient qu’un ou plusieurs lots. Cette action en réparation de la part du syndicat des copropriétaires matérialise l’intérêt de ces derniers en vue de la conservation ainsi que de la sauvegarde matérielle de l'immeuble.

En effet, elle renforce la capacité d'action du syndicat des copropriétaires, lui permettant de défendre devant les tribunaux les intérêts des copropriétaires affectés individuellement par des désordres d'origine commune.

En somme, elle assure une meilleure protection des droits des copropriétaires, en élargissant les possibilités d'action en justice pour obtenir réparation des préjudices subis.

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L’acceptation de la prise en charge dans les délais prive l’assureur de la possibilité de contester la garantie, même en cas d’erreur sur la nature des désordres

Catégories Assurances
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour de Cassation Troisième chambre civile
Référence
n° 23-16.055
Observations

précision sur les conséquences de l’acception de la garantie dans le délai imparti pour l’assureur : l’impossible contestation postérieure de cette garantie et l’obligation de financement des travaux nécessaires pour corriger les désordres.

Principe retenu

L'acceptation dans les 60 jours par l'assureur implique l'obligation de financement des travaux nécessaires.

Analyse de la décision

En matière d’assurance construction, l’inattention n’est pas sans conséquences, notamment pour l’assureur dommages-ouvrage.

Dans une décision rendue le 3 avril 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’un assureur qui accepte la mise en jeu de sa garantie dans le délai légal ne peut plus, a posteriori, mettre de nouveau en cause cette acceptation, y compris s’il apparaît que les désordres n’étaient pas de nature décennale

La rigueur du formalisme encadrant la réponse de l’assureur est ici mise en lumière : accepter la garantie dans les délais impartis équivaut à renoncer à toute contestation ultérieure.

L’acceptation de la garantie dans le délai légal prive l’assureur de toute contestation ultérieure :

La présente affaire opposait des maîtres d'ouvrage et plusieurs parties impliquées dans la construction de leur villa, notamment le maître d'œuvre, l'entrepreneur, et leurs assureurs respectifs.

Après réception de leur villa, les maîtres d’ouvrage avaient signalé plusieurs désordres et sollicité la mise en jeu de leur garantie auprès de l'assureur dommages-ouvrage, la Mutuelle des architectes français (MAF).

L’assureur avait alors, dans le délai réglementaire de 60 jours prévu par l’article L. 242-1, alinéas 3 et 4 du Code des assurances, accepté d’intervenir pour trois d’entre eux  (n° 2, n° 4 et n° 5).

Les maîtres d'ouvrage, alors ont assigné la MAF (Mutuelle des Architectes Français) et l'entrepreneur en justice afin de demander une indemnisation complémentaire en raison de divers désordres affectant leur construction.

L'assureur dommages-ouvrage après cette acceptation, a tenté de revenir sur sa décision en contestant que certains désordres relevaient de la garantie décennale et en invoquant notamment la responsabilité contractuelle du constructeur.

La cour d'appel a rejeté la demande d'indemnisation des maîtres d'ouvrages au titre des désordres n° 2 et n° 4, considérant qu'ils ne relevaient pas de la garantie décennale. En ce qui concerne le désordre n° 5, elle a déclaré irrecevable la demande des maîtres d'ouvrages au motif que ce désordre était couvert par la responsabilité contractuelle du constructeur.

Ils ont par la suite formé un recours contre l'arrêt rendu le 17 novembre 2022 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

La Cour de cassation constate qu’en statuant ainsi, la cour d'appel a ignoré que l'assureur, ayant accepté la garantie dans les délais impartis, ne pouvait plus contester la prise en charge des désordres, même en cas d'erreur sur leur nature.

Pour rappel, une fois la garantie acceptée dans le délai prévu à l’article L. 242-1 du Code des assurances, l’assureur dommages-ouvrage ne peut plus se rétracter. L’enjeu ne se limite pas à la sanction d’un retard ou d’une erreur de procédure : il s’agit d’une conséquence directe de la structure du contrat d’assurance. L’acceptation vaut reconnaissance de garantie ; elle crée un droit au profit de l’assuré.

Dès lors qu’une offre d’indemnisation est formulée, la situation juridique du maître d’ouvrage est cristallisée. L’assureur a pris position et, sauf réserve expresse, ne peut plus contester la nature des désordres, même s’ils se révèlent, a posteriori, exclus du champ décennal.

Cette solution repose sur deux fondements. D’une part, le principe de bonne foi contractuelle commande la cohérence des comportements : un assureur ne peut affirmer une chose et en contester les effets une fois engagé. D’autre part, le régime de la DO impose une logique de prévisibilité : l’assuré doit pouvoir s’appuyer sur la position prise dans les délais.

Ici, la Cour s’inscrit ici dans la continuité de sa jurisprudence ( Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, n° 20-22.618), selon laquelle l’assureur, après expiration du délai légal, ne peut plus remettre en cause ni le principe de la garantie ni l’étendue des travaux à financer, dès lors qu’il en a accepté la prise en charge.

La charge intégrale du financement des travaux comme conséquence de l’acceptation irrévocable :

D’autre part, les maîtres d’ouvrage sollicitaient l’indemnisation de frais de relogement, de déménagement et de garde-meuble engagés en raison des travaux de reprise d’un carrelage défectueux.

En l’espèce, la Cour de cassation a censuré l’analyse des juges d’appel sur le fondement de l’article 1792 du Code civil.  Cet article prévoit une responsabilité de plein droit des constructeurs pour les désordres de nature décennale, qu’ils soient matériels ou immatériels, dès lors qu’ils compromettent la solidité de l’ouvrage ou l’affectent dans sa destination. Cette responsabilité, qui ne nécessite pas la preuve d’une faute, s’étend à l’ensemble des préjudices résultant directement des désordres affectant l’ouvrage.

Il convient de noter que par principe en matière de dommages immatériels, les garanties obligatoires dommages-ouvrage ne couvrent pas les préjudices portant sur les dommages immatériels, les pénalités de retard ou les désordres intermédiaires (Cass. 1re civ., 27 avr. 1994, n° 92-13.276).

Toutefois, la jurisprudence admet que ces dommages peuvent être mis à la charge de l'assureur DO au titre de sa responsabilité contractuelle s'ils découlent d'une faute de celui-ci. (Cass. 3e civ., 24 mai 2006, n° 05-11.708)

La Cour de cassation valide d’abord l’analyse de la cour d’appel en ce qu’elle a retenu la responsabilité de l’entrepreneur sur le fondement de l’article 1792 du Code civil, après avoir souverainement apprécié que les désordres affectant le carrelage rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, condition nécessaire pour mobiliser la garantie décennale.

En revanche, elle censure partiellement l’arrêt en constatant que la cour d’appel, après avoir retenu la qualification de désordre décennal, a rejeté la demande dirigée contre le maître d’œuvre sans rechercher si celui-ci avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Or, dans le cadre d’un désordre décennal affectant un ouvrage, la responsabilité du maître d’œuvre peut être engagée in solidum (solidairement) avec celle de l’entrepreneur, à condition qu’une faute dans la conception ou la surveillance des travaux soit caractérisée (Cass. 3e civ., 24 mai 2006, n° 05-11.708). La Cour rappelle ainsi qu’une telle faute ne peut être présumée.

Par ailleurs, conformément à sa jurisprudence antérieure (Cass. 3e civ., 2 mars 2022, n° 21-10.155), la Cour admet que les dommages immatériels consécutifs aux désordres décennaux (frais de relogement, déménagement, etc.) peuvent être indemnisés, y compris en dehors de la garantie DO, dès lors qu’ils résultent directement de ces désordres matériels.

En effet, les préjudices immatériels (tels que la perte de jouissance, l’indisponibilité de l’ouvrage ou encore les troubles de jouissance consécutifs aux désordres) sont les conséquences directes de désordres reconnus et pris en charge par l’assureur.

Or, dès lors que ces dommages trouvent leur origine dans des désordres couverts, ils doivent être intégrés dans l’indemnisation globale, y compris s’ils ne présentent pas un caractère matériel ou décennal isolément. La cour d’appel, en refusant de les indemniser pour ce motif, a de nouveau violé le droit applicable.

Conclusion :

Cette jurisprudence permet ainsi de rappeler que l’assureur dommages-ouvrage, en acceptant précipitamment la garantie, s’interdit de revenir sur son engagement, même en cas d’erreur manifeste sur le fond du dossier.

Cet arrêt s'inscrit dans une logique de protection de l'assuré, en consolidant l'obligation de l'assureur DO de financer les travaux nécessaires une fois la garantie acceptée, et en rappelant que les dommages immatériels consécutifs à des désordres matériels de nature décennale peuvent être indemnisés.