Communiqué de presse : une ordonnance "Copropriété" satisfaisante, mais qui impose d'être vigilants

05/11/2019 Actu juridique Actualité juridique

         Paris, le 5 novembre 2019

 

Mesdames, Messieurs,

Le 30 octobre dernier a été publiée l’ordonnance n°2019-1101 portant réforme du droit de la copropriété et des immeubles bâtis.

Ce texte est l’aboutissement de nombreuses réunions de concertation au sein du Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilières (CNTGI), dans lequel notamment les présidents des chambres professionnelles des syndics et l’ARC siègent.

Cette ordonnance confirme avant tout la place prépondérante du conseil syndical au sein des copropriétés qui à présent, au-delà de sa mission de contrôle et d’assistance du syndic, a des fonctions de gestion déléguée.

En effet, il est prévu que l’assemblée générale puisse donner mandat au conseil syndical pour décider d’engager différentes opérations y compris de travaux ou encore la possibilité pour son président d’assigner le syndic en cas de carence ou d’inaction de ce dernier.

Ces mesures démontrent que les ministères de la Justice et du Logement ont compris la force d’impulsion que peut générer le conseil syndical dans l’administration de la copropriété, ainsi que la possibilité d’être un contre-pouvoir efficace face à un syndic tout puissant. Nous regrettons qu’ils n’aient pas osé aller jusqu’à lui donner la personnalité morale.

Dans le même ordre, il est prévu pour la première fois des amendes administratives allant jusqu’à 15 000 euros pour les cabinets de syndics, qui ne respecteraient pas le contrat type tel que défini par le décret du 26 mars 2015.

Cette mesure est la suite logique des annonces faites par le Premier Ministre à l’occasion du dixième anniversaire de la DGCCRF qui a relevé, à la suite d’une enquête, que plus de 40 % des contrats de syndics présentaient des irrégularités.

Cette ordonnance s’est aussi attelée à reprendre les principes phares consacrés par la jurisprudence ainsi qu’à traiter les manquements, voire les insuffisances de la loi du 10 juillet 1965 et sa récente réforme issue de la loi ELAN.

On retrouve notamment la suppression de la dispense de compte bancaire séparé pour les copropriétés de moins de seize lots, un meilleur encadrement de mise en concurrence et de comparaison des offres de syndics professionnels, une meilleure transmission des fonds et documents du syndicat en cas de changement de syndic ou encore de nouvelles modalités de participation à l’assemblée générale et de prises de décisions.

On peut aussi relever un régime dérogatoire pour les petites copropriétés qui a le mérite de prévoir des dispositions qui collent avec la réalité de terrain.

En revanche, on peut regretter trois points fondamentaux.

Tout d’abord, il s’agit de la suppression du plan pluriannuel de travaux qui reste de toute évidence la seule solution pérenne, qui permette de garantir l’entretien et la rénovation des copropriétés sur du moyen et du long terme.

Néanmoins, il est vrai que les dispositions prévues initialement dans le projet d’ordonnance nous semblaient manquer de maturité avec l’obligation de vote d’un plan pluriannuel de travaux sans qu’il soit opposable aux copropriétaires, tout en prévoyant la constitution du fonds travaux sur cette base.

De toute évidence, il s’agit d’une mesure qu’il faudra rapidement retravailler pour qu’elle puisse faire l’objet d’un amendement à l’ordonnance, qui sera présentée prochainement aux parlementaires.

Par ailleurs, nous regrettons que les ministères n’aient pas compris et par conséquent n’aient pas inséré une mesure phare réclamée par l’ARC, qui est l’obligation d’instaurer dans les copropriétés une politique de maîtrise des charges, afin de réduire le montant des appels de fonds trimestriels.

Cette mesure avait pourtant été adoptée par le Sénat lors des discussions sur la loi ELAN pour en définitive être supprimée lors de la Commission mixte paritaire qui avait alors convenu que ce point serait repris dans l’ordonnance.

Cette mesure est essentielle car la baisse des charges courantes est la première condition pour que les copropriétaires puissent financer en parallèle un plan pluriannuel de travaux.

Pourquoi donc une telle politique de l’autruche alors que la rénovation ou plus simplement l’entretien du patrimoine constituent les enjeux majeurs d’aujourd’hui et de demain ?

Enfin, nous sommes consternés par « l’autoroute » accordée par les ministères aux syndics professionnels qui peuvent à présent proposer au syndicat des copropriétaires des contrats de prestation en parallèle du contrat de mandat.

En effet, alors que l’administration des copropriétés par les syndics est insuffisante, avec des enjeux notamment de rénovation énergétique importants, on les invite à proposer d’autres offres commerciales qui ne relèvent pas de la gestion des copropriétés.

D’ailleurs, le communiqué de presse de la FNAIM frise le « poisson d’avril » puisqu’il indique à présent vouloir proposer des services de « babysitting » ou de « dogsitting ».

Nous reproduisons ici un extrait du communiqué de presse de la FNAIM en date du 31 octobre 2019 qui cite les propos de son président :

« Cela permettra au syndic de proposer aux copropriétaires toute une gamme de prestations répondant aux attentes et besoins des copropriétaires (conciergerie, gardiennage, babysitting, dogsitting, etc.) qui pourront-être autant d’éléments apportés au bien vivre au sein de la copropriété. » précise Jean-Marc Torrollion.

Un dérapage manifeste qui en dit long sur les abus à venir, surtout qu’il fourvoie les dispositions de l’ordonnance, qui n’autorisent que de proposer des contrats de prestations qui concernent le syndicat des copropriétaires et qui entrent dans son objet social et, en aucun cas des services à la personne qui n’intéresseraient que certains copropriétaires.

Nous reviendrons plus en détail sur chacune des dispositions prévues dans l’ordonnance à travers notre site internet et notre revue trimestrielle.

Par ailleurs, l’ARC organise la mardi 21 janvier 2020 un colloque sur l’ordonnance « Copropriété » afin de décortiquer chaque mesure et identifier les abus possibles et probables des professionnels et en premier lieu des syndics.