L'ARC, les ECHOS et les copropriétés en difficulté

14/11/2013 Actions Action

L'ARC, les ECHOS et les copropriétés en difficulté

 
 
 
Les ÉCHOS ont, à nouveau, consacré un article très long aux copropriétés fragiles. Dans cet
article on y retrouve les principaux acteurs en matière de redressement des copropriétés en
difficulté, dont l’ARC, bien sûr mais aussi nos partenaires, COPROCOOP (au Conseil d’Administration duquel siège aussi l’ARC…) et le PACT.
 
Immobilier : quand la « copro » prend l'eau
 
Les copropriétés très fragiles financièrement sont de plus en plus nombreuses. Un sujet explosif socialement. L'État, au départ réticent à investir de l'argent public dans le parc privé, a changé d'optique depuis le milieu des années 1990.
 
Les copropriétés très fragiles financièrement sont de plus en plus nombreuses.
 
 
Est-ce surtout l'effet de la crise économique et de la précarité sociale? Le sentiment de relative impunité pour ceux qui ne paient pas régulièrement leurs charges? Le manque de vigilance quotidienne des syndics gérant trop d'immeubles à la fois ? Toujours est-il que les copropriétés françaises vont mal sur le plan financier. Et pour une qui se redresse, au bout de longues années d'efforts collectifs, beaucoup d'autres ne s'en remettent jamais, minées par une spirale imparable d'endettement, de dégradation et de travaux sans cesse ajournés.
 
Villiers-le-Bel, dans le Val-d'Oise. L'immeuble les Bleuets, qui compte 200 logements, n'a pas fière allure. Située juste en face de l'école maternelle incendiée durant les émeutes de 2007 (trois jours d'affrontements locaux à la suite d'un accident de la route), la longue barre de dix étages, construite à la fin des années 1950, accuse le poids des ans. Avec ses 5 cages d'escalier décrépites, à la lumière faiblarde et à l'air vicié, l'immeuble, qui abrite des familles plutôt défavorisées, présente une série de points faibles, bien connus des professionnels: une proportion de seulement 67 propriétaires occupants pour 133 locataires (dont 39 auprès d'un bailleur social), un ratio qui ne milite pas en faveur de travaux réguliers. Et surtout un taux de charges impayées de 75%, pour un budget annuel de 250.000 euros, alors que la cote d'alerte admise sur le territoire à la clôture annuelle des comptes est de 25%.
 
La copropriété a lancé depuis longtemps une procédure contre quelques très gros débiteurs, mais la justice se hâte lentement. Quant au pilier du conseil syndical, une octogénaire qui rappelait tout le monde au règlement et n'avait pas hésité à jouer jadis le rôle de syndic bénévole, ses enfants l'ont suppliée de rendre son tablier, en raison de son âge.
 
Long maquis juridique
 
Résultat, les Bleuets ont entamé leur second «plan de sauvegarde», procédure de redressement qui doit en théorie durer de trois à cinq ans, après un premier qui a couru de fin 2004 à 2011. «En fait, les choses ont tendance à aller mieux, relativise Denise Single, de la mairie de Villiers-le-Bel: au début des années 2000, le taux d'impayés dépassait les 120%. Et aujourd'hui, il y a une mobilisation importante des copropriétaires: c'est le préalable à tout.» Pendant le plan précédent, des travaux d'urgence avaient bien été réalisés (voiture, sécurité incendie, ascenseurs) et les mères de famille ont houspillé Veolia pour faire baisser les factures d'eau. Mais l'essentiel du temps a été perdu dans un long maquis juridique, visant à détacher les Bleuets de deux immeubles limitrophes (dont l'un, les Clématites, squatté à 80%, a été récemment rasé). Un pesant délai de carence qui ne peut qu'inciter les propriétaires les plus mobiles -ou les plus lucides - à vendre leur logement pour trouver mieux ailleurs.
 
Cette fois pourtant, il semble bien que les choses avancent. En juin prochain, la copropriété doit voter une montagne de travaux (6,4 millions d'euros), qui débuteront en 2015: isolation des façades, du toit, du sol, changement de toutes les fenêtres, ventilation, réfection des réseaux d'eau, des halls et des ascenseurs, visites de chaque logement dans le cadre de la lutte contre l'indécence... Les architectes sont déjà au travail. Seule façon de faire passer la pilule dans un quartier forcément tendu financièrement: des subventions importantes apportées par l'Anah (Agence nationale de l'habitat), la région et le département. Un opérateur, le Pact départemental, missionné par la mairie, qui ne se substitue pas au syndic maintenu en poste, joue un double rôle: le suivi des travaux de rénovation et l'accompagnement social pour les familles les plus fragiles (25 dossiers en cours). Autre accélérateur pour sortir les comptes du marasme: faire intervenir un spécialiste du portage immobilier provisoire, qui rachète leur logement à des ménages ne pouvant absolument plus faire face à leurs obligations. À Villiers-le-Bel, 20 lots au maximum devraient ainsi changer de mains. «Nous rachetons les appartements auprès des copropriétaires débiteurs ; le prix de rachat solde son crédit, puis ils sont rénovés et revendus, dans le cadre de l'accession sociale à la propriété. On ne rachète que quelques logements, et c'est du privé qui reste dans le privé»,
explique Pierre Roussel, responsable de la société à statut coopératif Coprocoop (dont l’ARC fait partie depuis l’origine)
 
Réticences à voter les travaux
 
Quel est au juste le niveau de fragilité financière des immeubles, hors parc HLM? Une chose est sûre, les clignotants virent au rouge. Sur les 670.000 copropriétés qui jalonnent l'Hexagone (soit un total de 7 millions de logements hors résidences secondaires), environ 15 % du total, soit un million de lots, sont tenus pour fragiles, selon l'Anah.
 
Même si les statistiques précises restent à faire, car elles reposent sur des
observatoires locaux disparates, c'est une certitude : «Il y a plus de
copropriétés en situation difficile qu'il y a dix ans, et plus de réticences à
voter des travaux», résume Michel Landa, directeur de Gexio, qui s'est fait une
spécialité dans le redressement d'immeubles en péril.
«Les causes sont nombreuses: les copropriétés qui n'ont jamais fait les travaux nécessaires pendant vingt ans, les nouvelles lois à caractère obligatoire (ravalement, mise aux normes des ascenseurs, etc.), les raisons économiques plus générales et tout ce que l'on appelle les "accidents de la vie" (chômage, séparation des couples, etc.).
À cela s'ajoute le vieillissement des nombreux immeubles érigés dans les années 1970 et 1980, plus la flambée des charges, que les primo-accédants à l'immobilier, souvent jeunes ménages, oublient de compter dans leurs budgets prévisionnels. Gonflées par des postes tels que l'eau et l'énergie, les diverses «charges de copro» (près de 49 euros par an et par mètre carré à Paris et 35 euros en province) ont flambé de 25 % entre 2007 et 2012. La hausse de la TVA sur les gros travaux, qui attend les copropriétaires au 1er janvier prochain (de 7% à 10%), ne va rien arranger.
 
Si bien qu'en 2011 uniquement les tribunaux français ont été saisis plus de 700 fois pour des demandes de placement sous administration judiciaire, lorsque la barre fatidique des 25 % d'impayés est franchie. Un volume qui s'avère même probablement inférieur à la situation réelle, car cette procédure lourde suppose un arrêté préfectoral, «et les maires ne souhaitent pas toujours en arriver là», constate Michel Landa.
 
Les quartiers prestigieux eux aussi concernés
 
Alors que les médias ont multiplié les reportages sur les cas extrêmes dans les quartiers difficiles, comme Vaulx-en-Velin, Clichy-sous-Bois ou Évry-Courcouronnes, le phénomène s'immisce clairement ailleurs. Paris intra-muros compte plus de 1.200 copropriétés en difficulté actuellement (sur 48.000), et même les prestigieux Hauts-de-Seine, contrairement à l'image de richesse que distille Neuilly, font face, eux aussi, au défi de la précarité immobilière. «Quand on cherche, on trouve. Lorsque Anah arrive avec ses outils propres à traiter ce genre de difficultés, les copropriétaires apparaissent», constate Philippe Delaroa, directeur du Pact coiffant Paris et les Hauts-de-Seine, organisme associatif qui «accompagne» 269 immeubles en tout.
 
Vaste croissant contournant la capitale de Villeneuve-la-Garenne jusqu'à Antony, le 92 «comporte des écarts énormes, à la fois en termes de revenus et de bâti», dit-il. Pour lui, ce département recouvre même «une addition de difficultés: une population peu informée, qui ne sait pas comment fonctionne une copropriété; des immeubles difficiles à redresser, en raison de la grande proportion de population étrangère, qui vit la moitié du temps hors de France, estime cet homme de terrain. De façon générale, j'ai un souci sur le bâti traditionnel faubourien, ces immeubles d'à peine 10 lots qui vivotent, et qui n'intéressent pas les syndics.»
 
Tension en assemblées générales
 
Paradoxe de plus en plus net, ajoute le responsable du Pact, «le logement privé attire plus de gens modestes que le secteur social, dont l'accès est tellement compliqué que certains préfèrent acheter un appartement pas cher». D'où une tension de plus en plus palpable lors des assemblées générales, entre les occupants ayant les moyens et leurs voisins démunis.
 
Souvent pointée du doigt, la forte proportion de locataires par rapport aux propriétaires bailleurs, très fréquente à Paris, n'est pas une cause des difficultés, mais sa conséquence, estime Bruno Dhont, directeur de l'Association des responsables de copropriété (Arc): «Si vous avez 70% de locataires quelque part, c'est que l'immeuble est déjà bien amoché...» Généralement, démontre ce dernier, «le vrai point de basculement d'une copropriété fragile, c'est quand on vote les travaux. On vote tout dans l'urgence, avec des devis trop élevés. Puis près de 70% des gens paient, les autres non. Du coup, les syndics utilisent les sommes récoltées à autre chose, pour éponger le déficit sur les charges courantes. Et ils vont se montrer plus laxistes ensuite sur le recouvrement des impayés ultérieurs... un vrai cercle vicieux!».
 
«En cas de dérapage, baisser les charges»
 
Attention toutefois aux raccourcis faciles, ajoute le responsable de l'Arc: «Même dans les communes populaires, il y a des copropriétés bien gérées. La première chose à faire, en cas de dérapage, c'est de baisser les charges (gardien, chauffage, etc.), pour ne pas atteindre les 25% d'impayés, un vrai point de non-retour. Sur les seuls frais d'ascenseurs, on peut payer 30% de plus si on est dans une mauvaise gestion et non dans une bonne», assure-t-il.
 
Et en attendant de gagner au Loto, tous les expédients sont bons à prendre pour éviter de sombrer: dans cette tour de 30 étages de Seine-Saint-Denis (160 logements), sous administration judiciaire, qui a sans cesse repoussé les mises aux normes sur la sécurité incendie, les choses se sont compliquées et les devis à voter atteignent désormais 1,4 million d'euros, raconte un expert. Aide-toi, le ciel t'aidera : les redevances de téléphonie mobile (100.000 euros par an), issues des antennes posées sur le toit par plusieurs opérateurs et la gendarmerie nationale, serviront... à garantir les travaux.
 
Des procédures parfois coercitives
 
Bien souvent, les calendriers dérapent et la présence de bailleurs indélicats oblige les pouvoirs publics à leur forcer la main. Dans ce petit immeuble parisien à la dérive (13 appartements) du nord de la Place de la République, requérant d'importants travaux, il a fallu tout d'abord attendre quatre ans avant de changer de syndic (2005-2009), et bon nombre d'appels n'étaient jamais payés. Après avoir tenté d'insuffler une mobilisation du conseil syndical, il a fallu passer à un mode plus coercitif, explique Philippe Delaroa, directeur du Pact Paris-Hauts de Seine : prendre un arrêté d'insalubrité, disposition qui permet à la Ville de Paris de se substituer aux quote-parts des propriétaires défaillants, pour pouvoir lancer quand même les 426.000 euros de travaux. «La Ville avance les sommes, et se rembourse ensuite par voie fiscale», ajoute le responsable de l'organisme associatif. Et si un tel arrêté est pris, les copropriétaires visés ne peuvent pas se défiler, n'ayant plus le droit de vendre. Du coup, l'Anah, la Ville et la Région ont pu apporter leurs subventions ad hoc (respectivement 67.000, 37.000 et 5.500 euros), et la réfection supervisée par Linda Hachem, architecte du Pact, est à présent achevée. Seul problème de ce complexe «accompagnement de projet» : «ces avances de fonds sont sacrement lourdes», déplore Philippe Delaroa ».
 
Pour aller plus loin :
 
 
       
  http://arc-copro.fr/sites/default/files/files/images/coprofragile.png
   

Traiter les copropriétés fragiles ou en difficulté. Comment agir, prévenir et guérir voir :

www.unarc.fr/e4vy

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

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