Les administrations plantent leur propre ministère

19/11/2019 Actu juridique Actualité juridique

Depuis plusieurs années, l’ARC avec d’autres acteurs impliqués se mobilise pour engager la rénovation des copropriétés, y compris énergétique.

L’objectif est tout d’abord de prévenir le vieillissement des copropriétés, mais aussi le coût énergétique des immeubles qui pour être réduit implique la réalisation de travaux d’isolation et de modernisation des équipements collectifs.

Les gouvernements successifs ont pris plusieurs mesures : des campagnes d’information, des aides financières ou fiscales afin justement d’inciter les copropriétaires à voter et à réaliser ces travaux.

Malgré cela, les copropriétaires semblent ne pas être suffisamment sensibilisés à cette question, devant étudier plus en profondeur les causes des blocages, sachant que le premier frein est bien évidemment le coût des travaux et surtout le reste à charge pour chacun des copropriétaires.

Tandis que les ministères et instances publiques prévoient de nouveaux dispositifs innovants pour impulser et impliquer les copropriétaires et conseillers syndicaux, leurs administrations plantent les efforts entrepris en sortant des textes réglementaires qui au-delà d’avoir ni queue ni tête, rament à contresens.

A ce titre, voyons pourquoi le nouvel arrêté concernant l’individualisation des frais de chauffage signé par les ministères du logement et de l’écologie est contreproductif au-delà d’être aberrant.

I. Une opération aussi rentable qu’un ravalement

L’article 71 de la loi ELAN a modifié l’article L.241-9 du Code de l’énergie, imposant aux copropriétés d’individualiser les frais de chauffage.

Ceci étant, cet article prévoit une dispense dans la mesure où les coûts engagés pour installer un équipement sont supérieurs aux économies énergétiques que ce dispositif provoquerait.

Suite à une étude de l’ADEME, l’administration des ministères de l’Ecologie et du Logement a conclu que l’individualisation des frais de chauffage pouvait générer une économie de 15 % de consommation de chauffage.

Un taux qui peut paraître anodin mais qui est en réalité extrêmement élevé et qui permet de rendre l’individualisation des frais de chauffage toujours rentable, entraînant que les possibilités de dispense pour des raisons financières deviennent hypothétiques.

Là où la situation devient ubuesque est que ce taux correspond à la même performance énergétique que la réalisation d’un ravalement de façade avec isolation thermique.

Oui, à vouloir répondre à des lobbys, l’administration publique produit des textes réglementaires aberrants.

Selon eux, en installant des répartiteurs de frais de chaleur sur les radiateurs, on arriverait à baisser de 15 % les consommations énergétiques, autant que si « on enveloppait » intégralement l’immeuble

II. Les conséquences directes de cette intox

En publiant des textes réglementaires qui marchent sur la tête, la communication véhiculée est donc à présent d’indiquer qu’il n’est plus nécessaire de faire des travaux de ravalement avec isolation qui coûteraient plus d’un million d’euros, alors qu’une installation sommaire de quelques milliers d’euros arriverait à atteindre les mêmes performances !

Bravo l’administration. Voilà comment à faire n’importe quoi, on arrive à saboter des dizaines d’années d’actions publiques au grand bénéfice des compagnies d’individualisation de fluide et d’énergie.

Certains diront mais non, l’individualisation des frais de chauffage ne freinera pas les votes de rénovation énergétique puisque cela cumulera les performances.

Eh bien non ! Cela ne s’additionne pas, d’autant plus que dans les faits, l’individualisation des frais de chauffage permet une économie qui avoisine au mieux les 3 % comme cela est démontré dans l’article paru sur Monimmeuble.com (voir l’article : Un article démagogique publié sur le site Monimmeuble.com sur l’individualisation des frais de chauffage).

Ainsi, pour résumer, non seulement cet arrêté va freiner le vote des travaux de ravalement, mais en plus il imposera l’installation de gadgets que sont les répartiteurs de frais de chaleur qui au-delà de n’entraîner aucune réduction significative de la consommation d’énergie, provoquera une nouvelle dépense pour la copropriété liée à leur installation, à leur entretien et à leur relevé.

C’est vraiment un carton rouge pour les services administratifs de ces ministères.