Un plan pluriannuel de travaux retoqué logiquement par le Conseil d’Etat

19/11/2019 Actu juridique Actualité juridique

L’une des mesures phares de l’ordonnance « Copropriété » était l’obligation pour les syndicats des copropriétaires de mettre en place un plan pluriannuel de travaux devant répondre à un problème de fond majeur qui est l’absence de réalisation de travaux d’entretien et de rénovation dans les copropriétés.

Des dispositions ont bien été introduites dans l’ordonnance et ont même fait l’objet de concertations au sein du CNTGI, qui ont suscité des commentaires par les journalistes, pour en dernière minute constater qu’elles ont été intégralement supprimées par le Conseil d’Etat pour, semble-t-il cause d’inconstitutionnalité.

Bien qu’il s’agisse d’une mesure phare, l’ARC a alerté les ministères sur le manque de maturité du dispositif qui avait de toutes les façons de grandes chances de capoter en assemblée générale si elle avait été retenue par le Conseil d’Etat.

Revenons brièvement sur le dispositif prévu initialement dans l’ordonnance pour ensuite expliquer pourquoi l’approche du gouvernement, mais aussi des observateurs est largement biaisée.

I. Un plan pluriannuel de travaux non opposable, mais déterminant

Le projet d’ordonnance prévoyait de faire voter en assemblée générale un plan pluriannuel de travaux sur une période de dix ans qui serait alors la base pour calculer le fonds travaux à constituer chaque année.

Le principe est que selon les travaux figurant dans le plan pluriannuel, seraient estimés le fonds travaux et sa cotisation annuelle qui devait être fixée au minimum à 2,5 % du montant global des travaux figurant dans le plan pluriannuel.

En parallèle, pour éviter que le syndicat des copropriétaires ne limite le fonds travaux en votant un plan pluriannuel vide de son contenu, l’ordonnance devait renvoyer à un décret définissant en fonction du nombre de lots qui composent la copropriété la cotisation minimale du fonds travaux.

Car en effet, le plan pluriannuel de travaux présentait deux limites majeures :

  • Il devait être voté en assemblée générale sans pour autant engager le syndicat des copropriétaires qui devait par la suite valider par un vote distinct chaque travaux.
  • Le plan pluriannuel de travaux n’était pas fixé par un homme de l’art, mais par l’assemblée générale qui pouvait en définitive limiter les travaux à ce qui lui semblait le plus pertinent à réaliser, réduisant l’efficacité du dispositif.

II. Un projet voué à l’échec

Pour beaucoup d’observateurs, la suppression du plan pluriannuel de travaux est un échec car le problème de fond, qui est l’absence de travaux et de leur financement, reste entier.

Néanmoins, il faut rester pragmatique en mettant dans le concret ce que devait être le plan pluriannuel de travaux jumelé à un fonds travaux.

Pour bien comprendre, il faut partir d’une hypothèse d’école à partir d’une copropriété neuve où un plan pluriannuel de travaux a été déterminé sur dix ans.

Dans ce cas, le coût des travaux est effectivement lissé sur dix ans, avec une cotisation annuelle sensiblement équivalente.

Or, dans la situation actuelle ou la grande majorité des copropriétés est construite avant les années 70 et que peu de travaux de rénovation ont été réalisés, le plan pluriannuel de travaux présenterait des travaux important à réaliser et à financer non pas sur dix ans, mais sur un ou deux ans, du fait que le tôt d’usure du bâti et des équipements collectifs est déjà atteint, voire dépassé.

Ainsi, si on prend une copropriété des années 70 avec un chauffage collectif qui n’a pas réalisé de ravalement depuis sa construction, il est fort probable que le plan pluriannuel de travaux impose sur les deux années à venir une rénovation de la chaudière ainsi et surtout qu’un ravalement avec isolation.

La conséquence directe est que la copropriété se retrouve contrainte de financer plus de 50 % du coût global du plan pluriannuel de travaux sur deux ans, et non sur les dix ans comme le prévoyait le dispositif.

Ce point met en difficulté le principe même du plan pluriannuel de travaux étalé sur dix ans.

Il est parfois nécessaire de revenir à la réalité pour trouver les bonnes solutions pratiques.

C’est ce que nous préconiserons dans un prochain article.