Il appartient à l’adjudicataire de payer les frais de l’état daté dans le cas d’une vente forcée
Arrêt important qui précise pour la première fois qui est redevable des frais de l’état daté dans le cadre d’une vente par adjudication (vente forcée).
Dans le cadre d’une vente par adjudication, c’est l’adjudicataire qui est redevable des frais de l’état daté.
Lorsqu’un copropriétaire ne parvient plus à payer ses charges, le moyen le plus extrême pour recouvrer les sommes dues au syndicat des copropriétaires est la saisie-immobilière du bien immobilier. Au cours de cette procédure le juge peut prononcer soit la vente amiable, soit une vente forcée dite « vente par adjudication ».
A chaque mutation, les mêmes problématiques se posent : qui doit payer les provisions pour charges ? Qui doit payer l’état daté ? Ce questionnement est posé avec une réserve résultant de la vente par adjudication.
Aussi, la question qui se pose avec grand intérêt puisque c’est la première fois que la Cour de cassation tranche la question de l’état daté est de savoir, à qui incombe les frais de l’état daté et les provisions pour charges dans le cadre d’une vente forcée ?
Les réponses sont mentionnées dans l’arrêt n° 20-15.633 en date du 20 mai 2021.
- L’adjudicataire doit payer les frais relatifs à l’état daté
Après qu’un jugement ait adjugé les lots de copropriété appartenant à une copropriétaire débitrice, le syndicat des copropriétaires a formé opposition sur le prix de vente et a assigné la copropriétaire au paiement notamment des frais de l’état daté.
L’état daté est un document qui doit être établi par le syndic dans le cadre d’une mutation pour faire connaitre au vendeur et à l’acquéreur un état financier de ce qui est dû par le vendeur et ce qui devra être payé par l’acquéreur.
Cet état daté est composé en trois parties : dans la première, il est mentionné de manière approximative et sous réserve de l’apurement des comptes, les sommes pouvant rester dues pour chaque lot au syndicat par le copropriétaire cédant.
Dans la deuxième partie, le syndic indique de manière approximative e sous réserve de l’apurement des comptes, les sommes dont le syndicat pourrait être débiteur.
Dans la troisième partie, le syndic indique les sommes qui devraient incomber au nouveau copropriétaire.
Dans une annexe à la troisième partie, le syndic indique la somme correspondant, pour les deux exercices précédents, la quote-part afférente à chaque lot considéré dans le budget prévisionnel et dans le total des dépenses hors budget prévisionnel. Il mentionne s’il y a lieu, l’objet et l’état des procédures en cours dans lesquelles le syndicat est partie.
Le tarif de l’état daté est plafonné depuis le 1er juin 2020 à la somme de 380€ TTC ;
Conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, seul le copropriétaire concerné doit payer les frais de l’état daté. Autrement dit, il appartient au vendeur de prendre en charge ces frais.
C’est d’ailleurs en ce sens que juge les juridictions inférieures et condamnent la copropriétaire débitrice au paiement des frais relatifs à l’état daté.
Cependant, ce n’est pas ce que tranche la Cour de cassation. En effet, elle juge « il se déduit des textes susvisés que les transferts de propriété opérés par actes judiciaires et non conventionnels, ne sont pas concernés par les dispositions ; qu’en condamnant la copropriétaire débitrice à supporter les frais de l’état daté, au motif que ces frais doivent être établis par le syndic en cas de mutation d’un lot à titre onéreux, quelle que soit la nature de cette mutation, la Cour d’appel a violé les textes susvisés ».
En conséquence, la haute juridiction opère une distinction entre les mutations réalisées conventionnellement et celles opérées judiciairement. Pour cette dernière, l’article 10-1 ne s’applique que dans le cadre de vente consentie par les deux parties et non dans le cadre d’une vente forcée.
Dès lors, dans une vente par adjudication les frais relatifs à l’état daté incombent à l’adjudicataire (l’acquéreur).
Si la Cour de cassation opère donc une distinction entre vente conventionnelle et vente forcée pour les frais de l’état daté, tel n’est pas le cas pour le paiement des provisions pour charges.
- Le copropriétaire doit payer les provisions pour charges exigible avant la mutation.
Le syndicat des copropriétaires a également formé opposition et assigné la copropriétaire débitrice en raison des provisions pour charges impayées, exigible juste avant la date de mutation.
La copropriétaire conteste être redevable des provisions pour charges en raison de la nature de la mutation. Selon elle, l’article 6-2 du décret du 17 mars 1962, ne s’applique que dans le cadre d’une mutation conventionnelle.
Or, l’article 6-2 du décret du 17 mars 1967 n’opère pas une telle distinction : « A l’occasion de la mutation à titre onéreux d’un lot :
1° Le paiement de la provision exigible au budget prévisionnel en application de l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965, incombe au vendeur. »
En application de l’article 14-1 susmentionné, sous réserve de la fixation des modalités différentes par l’assemblée générale, les copropriétaires versent au syndicat des provisions, égales au quote-part du budget prévisionnel voté, exigible le 1er jour de chaque trimestre.
A l’appui de ces deux textes, la Cour de cassation condamne la copropriétaire débitrice au paiement de la provision pour charge devenue exigible avant la date de mutation. Elle juge ainsi « A l’occasion d’une vente par adjudication d’un lot de propriété, le paiement de cette provision incombe au copropriétaire saisi. »
En conséquence, il n’existe pas de dérogation concernant le paiement des provisions pour charges.
Néanmoins, sachez qu’il est possible de prévoir dans le cahier des charges d’une vente par adjudication que l’adjudicataire devra payer, en plus du prix de vente, l’arriéré des charges dû par le débiteur saisi. C’est ce qui résulte d’un arrêt de la Cour de cassation rendu le 07 juillet 2011 (n°10-13.913).
Cependant, il faut que cette prise en charge soit expressément prévu dans le cahier des charges, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. Dès lors, il appartient à la copropriétaire débitrice de payer toutes les provisions pour charges exigibles avant la mutation.