Actualités de l'association (8838)
Annulation de la désignation du syndic : restitution de ses honoraires et droit de contestation du copropriétaire
Observation : clarification sur les honoraires de l'annulation d'une décision d'assemblée générale ayant désigné un syndic professionnel. Rappel sur le droit de chaque copropriétaire de contester la régularité des charges figurant sur son propre compte, indépendamment de l’approbation des comptes collectifs.
Principe : Les honoraires du syndic doivent être restitués au syndicat des copropriétaires en cas d'annulation de la décision d'assemblée générale l'ayant désigné.
La vie d’une copropriété repose sur un équilibre délicat entre décisions collectives et droits individuels.
Deux points de tension récurrents illustrent cette dynamique :
• d’une part, le droit pour un copropriétaire de contester les charges qui lui sont imputées, même après approbation des comptes par l’assemblée générale ;
• d’autre part, les effets juridiques d’une annulation de la désignation du syndic, notamment sur la validité des honoraires perçus pendant son mandat.
L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 27 février 2025 revient sur ces problématiques à l’occasion d’un litige opposant un copropriétaire au syndicat et au syndic professionnel.
I. Le droit du copropriétaire de contester les écritures individuelles en dépit de l’approbation des comptes collectifs
Dans la présente affaire, un copropriétaire a assigné le syndicat des copropriétaires et son syndic professionnel à créditer diverses sommes sur son compte individuel de charges, en raison d'erreurs d'imputation de copropriété sur son compte individuel, pour les années 2018 à 2021.
Il demandait également la restitution des honoraires perçus par le syndic, au motif que la désignation de celui-ci avait été annulée par un jugement du 16 septembre 2022.
Sa demande en « remboursement » de charges ayant été rejetée par le tribunal judiciaire, ce dernier s’est alors pourvu en cassation.
Dans un premier temps, le copropriétaire faisait valoir que l’approbation des comptes du syndicat par l’assemblée générale ne vaut pas approbation du compte individuel de chaque copropriétaire.
Il soutenait donc qu’il pouvait légitimement contester les erreurs de répartition constatées sur son compte personnel, sur le fondement de l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967.
La Cour de cassation a censuré le raisonnement du tribunal judiciaire qui avait jugé sa demande irrecevable.
Elle réaffirme ici sa jurisprudence constante, consacrée notamment par l’article 45-1 du décret susnommé, selon laquelle l'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale, ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires (Cass. 3e civ., 27 mars 2012, n° 11-13.064).
II. La restitution des honoraires du syndic en cas d’annulation de sa désignation
Dans un second temps, il demandait le remboursement des honoraires perçus par le syndic entre 2020 et 2022, en invoquant l’annulation de l’assemblée générale du 25 novembre 2020, laquelle avait renouvelé le mandat du syndic.
La Cour rappelle également qu’un syndic professionnel ne peut percevoir valablement de rémunération que si celle-ci est précisée dans un mandat valide ou dans une décision régulière d’assemblée.
En cas d’annulation de cette décision, de manière inhérente le syndic doit restituer les sommes perçues. En effet, la perception des honoraires d’un syndic étant conditionnée par la validité de son mandat. (loi du 2 janvier 1970 et décret du 20 juillet 1972).
Bien que cette solution puisse apparaître rigoureuse à l’égard du syndic, elle découle simplement de l’application du mécanisme juridique de la nullité. En droit, une décision annulée est considérée comme « n’ayant jamais existé », ce qui implique que le mandat du syndic est rétroactivement annulé au jour de sa désignation.
Ici, la Cour de cassation se limite à appliquer ce principe, sans se prononcer sur la prise en compte des prestations effectivement accomplies par le syndic pendant la période concernée.
Elle laisse donc ouverte la possibilité pour ce dernier de se tourner vers le droit commun pour obtenir, le cas échéant, une compensation.
Sources juridiques :
• (Cass. 3e civ., 27 mars 2012, n° 11-13.064) https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000025605167
• (loi du 10 juillet 1965, loi du 2 janvier 1970 et décret du 20 juillet 1972).
Cass. 3e civ., 15 oct. 2013, n° 12-19.017 et 12-25.600
• Cass. 3e civ., 12 mai 2016, n° 15-14.426
• Cass. 3e civ., 11 juill. 2019, n° 18-19.961
Détermination de l’usage d’un local avant 2024 : primauté de la loi ancienne au nom de la sécurité juridique
Observation : apport d’un éclairage sur les conditions dans lesquelles des amendes civiles peuvent être appliquées dans le cadre des régulations des meublés de tourisme.
Principe : Dans le cadre d’une amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation en raison d'un changement d'usage illicite intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, la détermination de l'usage d'habitation du local doit s'effectuer à l'aune des critères de la loi ancienne.
Le changement d’usage d’un local d’habitation vers une activité de meublé de tourisme constitue un mécanisme encadré, soumis à autorisation préalable dans certaines communes.
Lorsqu’il intervient sans respect de cette procédure, il peut donner lieu à des sanctions, notamment à l’amende civile prévue par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.
L’entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, dite « loi Le Meur », a modifié les critères permettant de déterminer si un local est à usage d’habitation, condition préalable à la caractérisation d’un changement d’usage illicite.
Cette évolution législative soulève la question de son application dans le temps, à laquelle la Cour de cassation a été amenée à se prononcer par un avis du 10 avril 2025.
I. La requalification du changement d’usage par la loi du 19 novembre 2024
Cette nouvelle loi modifie les conditions dans lesquelles un changement d'usage de locaux peut être sanctionné et élargit le champ de l’autorisation préalable pour les meublés de tourisme.
Ainsi, en vue de renforcer les poursuites contre les changements d’usage illicites, celle-ci modifie les éléments à prendre en considération pour réputer un local à usage d'habitation. Pour ce faire, elle a notamment substitué à la seule date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes d'une durée respective de sept et trente ans.
En l’espèce, un changement d’usage illicite avait été constaté dans le cadre de la location d’un bien meublé à une clientèle de passage.
L’amende civile, prévue par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, avait été sollicitée sur la base de ce changement d’usage.
L’affaire met en lumière un dilemme juridique classique : celui de la rétroactivité des lois.
A ce titre, le principe de non-rétroactivité des lois plus sévères, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, impose que la loi applicable soit celle en vigueur au moment des faits.
Il s’agissait donc de savoir si une telle législation plus sévère peut être appliquée aux faits antérieurs à son entrée en vigueur.
II. L’exclusion de la loi nouvelle pour les faits antérieurs : une application du principe de non-rétroactivité
La Cour de cassation souligne que la modification apportée par la loi Le Meur de 2024, affecte directement les règles de fond régissant les conditions dans lesquelles un bien peut être qualifié de changement d’usage illicite.
Ce changement législatif a donc une portée substantielle, non seulement sur le fondement de l’action, mais également sur la sanction elle-même plus répressive, en augmentant l’amende civile encourue par les propriétaires de locaux ayant fait l’objet d’un changement d’usage illicite.
En ce sens, la Cour de cassation rappelle qu’une loi plus sévère ne pouvait s’appliquer rétroactivement aux faits antérieurs à son adoption, conformément à la règle de non-rétroactivité des lois plus sévères, et ce même en matière de sanctions civiles.
Par conséquent, l’amende civile devait être évaluée en fonction des règles applicables au moment des faits, et non en vertu des critères introduits par la loi nouvelle.
Cette clarification apporte un éclairage sur les conditions dans lesquelles des amendes civiles peuvent être appliquées dans le cadre des régulations des meublés de tourisme.
Par ailleurs, elle assure une meilleure sécurité juridique des propriétaires ayant agi conformément à la législation en vigueur avant cette réforme.
FONDEMENTS JURIDIQUES :
• Tribunal judiciaire Paris 15 Janvier 2025 23/59258
• loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024