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La responsabilité d’un copropriétaire ne peut être retenue que s’il existe un lien de cause à effet entre une faute de sa part et le préjudice subi par les autres copropriétaires
Par leur comportement fautif, des copropriétaires peuvent provoquer des sinistres, ou en cas de survenance d’un sinistre indépendamment de leur volonté, avoir contribué à son aggravation. La mise en cause de leur responsabilité n’est possible que dans des conditions très précises, comme vient de le rappeler encore récemment la Cour de cassation.
La responsabilité d’une personne ne peut être engagée que si trois conditions sont réunies : l’existence d’une faute, l’existence d’un préjudice, et un lien de causalité entre la faute et le préjudice.
Un individu a pénétré une nuit par effraction dans un immeuble et a mis le feu à un gros tas de cartons entreposés dans les parties communes entre autres par une copropriétaire, ce feu ayant causé la destruction totale de l'immeuble et le décès de trois personnes.
L’incendiaire a été reconnu coupable de ces faits et condamné à une peine et au versement de dommages et intérêts aux parties civiles constituées.
Mais des copropriétaires ne se sont pas contentés de cette condamnation et ont assigné en responsabilité l’une d’entre eux, habitante de l'immeuble, en réparation de leurs préjudices, lui reprochant d'avoir involontairement participé à l'incendie en entreposant ces cartons dans les parties communes.
Le syndicat des copropriétaires s’est joint à l’affaire en assignant l’assureur de responsabilité de la copropriétaire ainsi que son propre assureur.
La copropriétaire et sont assureur sont reconnus responsables par la Cour d’appel de Rennes. Saisie par l’assureur, la Cour de cassation censure l’arrêt.
Pour déclarer la copropriétaire responsable, la cour d’appel avait relevé qu'elle avait entreposé, quelques jours auparavant, ces cartons représentant un volume important dans le hall d'entrée de l'immeuble, et les y avait laissés, sans surveillance ni mesure particulière de sécurité, jusqu'à l'incendie, en dépit des demandes d'enlèvement qui lui avaient été adressées, et en méconnaissance de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, aux termes duquel chaque copropriétaire « use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble », et en violation du règlement intérieur de la copropriété affiché dans le hall.
Elle a aussi observé que selon l'expert, l'énergie thermique dégagée par l'incendie de 10 kg de cartons d'emballage est comparable à celle résultant de l'incendie de 10 kg de bois de sapin, que la vitesse de combustion du carton est largement supérieure à celle du bois de sapin et qu'entre la mise à feu des cartons d'emballage et l'inflammation instantanée des éléments combustibles du hall d'entrée, il ne s'est écoulé que 35 minutes.
Il avait constaté que, si la copropriétaire a indiqué que d'autres personnes avaient ajouté des cartons sur les siens, il n'y a pas d'éléments probants le justifiant, et ajouté que, quand bien même l’incendiaire a commencé par allumer un carton qui n'aurait pas appartenu à la copropriétaire poursuivie, il l'a ensuite jeté sur les autres cartons, dont ceux de de cette dernière, et que sans ceux-ci, l'incendie n'aurait pu se produire ou se propager comme il l'a fait.
La cour d’appel estimait aussi que la copropriétaire poursuivie ne pouvait invoquer la force majeure résultant de l'intervention criminelle de l’incendiaire, et qu'aucun élément ne permettait de corroborer l'affirmation selon laquelle l'incendie se serait produit même si les cartons n'avaient pas été stockés dans le hall.
Elle en a déduit que la copropriétaire avait commis une faute qui a contribué à la naissance et au développement de l'incendie, justifiant de retenir sa responsabilité dans celui-ci et de la condamner solidairement avec son assureur à l'indemnisation des dommages.
La Cour de cassation balaie ce raisonnement et casse l’arrêt : la cour d’appel a simplement oublié que si la faute et le préjudice étaient constitués, il manquait l'existence d'un lien de causalité établi entre la faute de la copropriétaire et l'incendie, violant ainsi les principes édictés par l’article 1384 du code civil, devenu aujourd’hui 1242, et notamment de son 2ème alinéa : « Toutefois, celui qui détient, à un titre quelconque, tout ou partie de l'immeuble ou des biens mobiliers dans lesquels un incendie a pris naissance ne sera responsable, vis-à-vis des tiers, des dommages causés par cet incendie que s'il est prouvé qu'il doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable. »
Ainsi, ce lien de causalité aurait existé si les cartons avaient pris feu tout seuls, dans l’intervention d’un incendiaire…