Le syndicat doit supporter le préjudice locatif d'un bailleur résultant d'un défaut d'entretien des parties communes
L’arrêté de péril suspend l’exigibilité des loyers par le bailleur auprès de son preneur
Le syndicat est redevable du préjudice locatif d’un copropriétaire bailleur résultant principalement d’un défaut d’entretien manifeste des parties communes
La maintenance des parties communes et des équipements collectifs par le syndicat ne coule pas forcément de source, en l’absence d’anticipation de ces travaux pour des motifs plus ou moins justifiés.
En cas de carence incontestable, relevée par les autorités publiques, moyennant un arrêté de péril, le syndicat peut devoir répondre du dommage financier subi par les copropriétaires occupants leur lot, mais également des investisseurs lésés, comme le rappelle la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 22 avril 2021.
I. Arrêté de péril sur des parties communes : il engage par principe la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires défaillant
Dans le 4ème arrondissement marseillais, un immeuble à destination bourgeoise (habitation et professions libérales) se compose d’un rez-de-chaussée et de huit étages avec pour la plupart d’entre eux des balcons.
L’alternance de syndics professionnels (trois en quatorze ans) ne favorise pas une gestion optimale des parties communes, soit notamment les travaux d’entretien des parties communes (réfection du gros œuvre des balcons), entrainant des services d’urbanisme deux arrêtés de péril :
- le premier (simple) en date du 15 avril 2011 ;
- le second (imminent) du 29 juillet 2013, aggravation des désordres en l’absence des travaux préconisés par le maire.
Cette situation s’avère doublement illicite, dans la mesure où la reprise du gros œuvre incombe au syndicat des copropriétaires au regard de son obligation de conservation des parties communes :
- énoncée par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- rappelée par l’édile dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative (arrêtés) enjoignant les mesures conservatoires et la réalisation des travaux définitifs pour préserver la sécurité des résidents, passants et intervenants (art. L 511-2 et s. du Code de la construction et de l’habitation).
Il appartient dès lors à titre :
- principal, au syndicat de se prononcer sur ces réfections en assemblée générale selon un budget spécifique (art. 14-2 de la loi du 10 juillet 1965) et les éléments essentiels « devis » annexés à sa convocation (art. 11 alinéa 3 du décret du 17 mars 1967) selon le délai imparti par l’Administration ;
- accessoire, au syndic, en sa qualité de représentant légal du syndicat, de mandater les travaux urgents sur les parties communes nécessaires à sa sauvegarde (art. 18 de la loi du 10 juillet 1965 et 37 de son décret d’application du 17 mars 1967).
Les travaux de reprise des parties communes dangereuses résultent seulement de deux assemblées générales du 20 août 2013 et du 16 janvier 2014, aboutissant à la main levée des arrêtés de péril le 23 janvier 2015 (près de 4 ans après le premier arrêté de péril).
Le propriétaire d’un lot en location, via un administrateur de biens, décide en conséquence d’assigner le syndicat défaillant en indemnisation du préjudice de son locataire, au titre notamment d’une perte de jouissance de son balcon (condamné provisoirement).
Sa demande accueillie en première instance, jugement n° 11 - 170228 du tribunal d’instance de Marseille du 27 juillet 2018 fait l’objet d’un recours du syndic, au nom du syndicat.
Il entend diluer sa responsabilité par l’accomplissement de son obligation d’entretien des parties communes dans un délai « raisonnable », l’absence de mise en cause de coresponsables notamment par le propriétaire du lot poursuivant, également fautif par son manque d’initiative dans le règlement amiable du différend en notifiant par exemple au syndic en exercice l’inscription de la question des travaux collectifs à l’ordre du jour de l’assemblée générale, comme le lui permet l’article 10 du décret du 17 mars 1967.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence réitère la décision de première instance par son arrêt n° 18 - 06454 du 22 avril 2021, le fondement juridique du syndicat se révélant en grande partie fallacieux : «…Le syndicat est ainsi responsable des désordres trouvant leur origine dans un vice de construction des parties communes, dès lors que la faute du copropriétaire demandeur ou d'un tiers n'est pas établie.
Il n'est pas démontré par le syndicat de copropriétaires, que les désordres sur les balcons ayant abouti aux arrêtés de périls des 15 avril 2011 et 29 juillet 2013, trouveraient leur origine dans la faute d'un tiers.
Sa responsabilité de plein droit en lien avec ces désordres est établie.
Ce n'est que le 23 janvier 2015 qu'a été prononcée la mainlevée des arrêtés de péril.
Le syndicat des copropriétaires ne saurait échapper à sa propre responsabilité à l'égard de M. A. copropriétaire, en invoquant la carence des syndics, étant précisé qu'il n'a exercé aucune action récursoire à l'égard de ces derniers qui se sont succédés…
M. A. démontre (sa pièce 9) que dès le 8 juin 2011, son mandataire, le cabinet L.F. a adressé un courrier au syndic, représentant le syndicat, pour faire état de l'existence d'un arrêté de péril dont lui avait parlé sa locataire.
Avant même ce courrier, la question des désordres sur les balcons avait été évoquée dès une assemblée générale du 7 mai 2010 qui avait voté à l'unanimité le principe de confier à une entreprise C. l'étude des dommages sur l'ensemble le bâtiment et notamment les fissures sur le balcon.
Ainsi, le syndicat des copropriétaires, dès cette période, connaissait les difficultés qui allaient conduire aux arrêtés de péril.
Lors de l'assemblée générale du 30 juin 2011, il était évoqué la nécessité de faire établir un rapport par un architecte, s'agissant de la réfection des balcons. Lors d'une nouvelle assemblée générale du 8 février 2013, un projet de résolution a été voté s'agissant des décisions à prendre concernant la purge des balcons à la suite de la mise en demeure de la ville de Marseille : les copropriétaires ont ainsi adopté le principe d'un mandat à donner au conseil syndical pour le choix d'une entreprise pour la purge de quelques balcons, la société ayant donné précédemment un devis ne souhaitant plus intervenir. Le 20 août 2013, s'est tenue une assemblée générale extraordinaire, dont l'objet était déterminé par l'arrêté de péril du 29 juillet 2013 : les copropriétaires ont adopté le principe de travaux effectués par une entreprise S. pour la purge de certains balcons. Il en a été de même lors d'une assemblée générale du 16 janvier 2014.
Dans ces conditions, le fait que M. A., dès cette période, n'ait pas demandé à faire voter une résolution pour faire effectuer des travaux, ne peut être considéré comme une faute limitant la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires à son égard.
En conséquence, le jugement déféré qui a estimé que M. A avait concouru à son propre préjudice sera infirmé… »
II. Arrêté de péril sur des parties communes : suspension des loyers et droit du bailleur à être garanti par le syndicat fautif
Pour le propriétaire poursuivant, le syndicat est redevable du préjudice financier lié à la perte des loyers remboursés par ses soins à son locataire et les autres non perçus, dans la mesure où cette situation est exclusivement imputable au manquement du syndicat à son obligation de conservation des parties communes de l’immeuble (art. 14 de la loi du 10 juillet 1965).
En effet, l’article L 521-2 du Code de la construction et de l’habitation dispose, que les loyers ne sont plus dus par le preneur à son bailleur à compter du premier jour du mois suivant la notification de la mesure de police administrative d’arrêté de péril.
Là encore, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’inscrit sa décision du 22 avril 2021 dans celle rendue par la juridiction civile inférieure : «…Le préjudice de M. A. en lien direct avec les désordres et donc en lien direct avec la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires, consiste dans le remboursement des loyers que lui avait versés sa locataire Mme C., causé par l'arrêté de péril du 15 avril 2011 (lui-même en lien avec les désordres dont est responsable de plein droit le syndicat des copropriétaires) et dans la perte des loyers qu'auraient dû lui verser sa locataire, issue de la suspension de ces derniers à la suite du deuxième arrêté de péril du 29 juillet 2013…
Il convient en conséquence de condamner le syndicat des copropriétaires à indemniser M. A. de la manière suivante, au titre de son seul préjudice locatif :
- 4993,43 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice locatif pour la période du premier janvier 2012 au 31 juillet 2013 sans intérêt, (le préjudice résultant de la seule perte du loyer)
- 8206,50 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice locatif pour la période du premier août 2013 au 31 janvier 2015, soit la somme totale de 13.199,93 euros…
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble X. à verser à M. A. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires X. aux entiers dépens d'appel… »
Le syndicat ne peut exclure sa responsabilité civile vis-à-vis d’un de ses membres, du fait de parties communes endommagées, qu’en apportant la preuve avérée de la mise en œuvre de promptes diligences et/ou d’une situation qui serait l’œuvre exclusive du copropriétaire poursuivant.
Le syndicat se doit alors de supporter le préjudice financier du copropriétaire lésé, comprenant pour le bailleur, la perte des loyers issue d’un arrêté de péril sur des parties communes.