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Le syndicat doit supporter le préjudice locatif d'un bailleur résultant d'un défaut d'entretien des parties communes

Catégories Responsabilité / absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires Bailleur/locataire
Juridiction
Cour d'appel Aix-en-Provence
Référence
22 avril 2021 18/06454
Observations

L’arrêté de péril suspend l’exigibilité des loyers par le bailleur auprès de son preneur

Principe retenu

Le syndicat est redevable du préjudice locatif d’un copropriétaire bailleur résultant principalement d’un défaut d’entretien manifeste des parties communes

Analyse de la décision

La maintenance des parties communes et des équipements collectifs par le syndicat ne coule pas forcément de source, en l’absence d’anticipation de ces travaux pour des motifs plus ou moins justifiés.

En cas de carence incontestable, relevée par les autorités publiques, moyennant un arrêté de péril, le syndicat peut devoir répondre du dommage financier subi par les copropriétaires occupants leur lot, mais également des investisseurs lésés, comme le rappelle la cour d’appel d’Aix-en-Provence dans son arrêt du 22 avril 2021.

 

I. Arrêté de péril sur des parties communes : il engage par principe la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires défaillant

 

Dans le 4ème arrondissement marseillais, un immeuble à destination bourgeoise (habitation et professions libérales) se compose d’un rez-de-chaussée et de huit étages avec pour la plupart d’entre eux des balcons.

L’alternance de syndics professionnels (trois en quatorze ans) ne favorise pas une gestion optimale des parties communes, soit notamment les travaux d’entretien des parties communes (réfection du gros œuvre des balcons), entrainant des services d’urbanisme deux arrêtés de péril :

- le premier (simple) en date du 15 avril 2011 ;

- le second (imminent) du 29 juillet 2013, aggravation des désordres en l’absence des travaux préconisés par le maire.

 

Cette situation s’avère doublement illicite, dans la mesure où la reprise du gros œuvre incombe au syndicat des copropriétaires au regard de son obligation de conservation des parties communes :

- énoncée par l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965 ;

- rappelée par l’édile dans le cadre de ses pouvoirs de police administrative (arrêtés) enjoignant les mesures conservatoires et la réalisation des travaux définitifs pour préserver la sécurité des résidents, passants et intervenants (art. L 511-2 et s. du Code de la construction et de l’habitation).

 

Il appartient dès lors à titre :

- principal, au syndicat de se prononcer sur ces réfections en assemblée générale selon un budget spécifique (art. 14-2 de la loi du 10 juillet 1965) et les éléments essentiels « devis » annexés à sa convocation (art. 11 alinéa 3 du décret du 17 mars 1967) selon le délai imparti par l’Administration ;

- accessoire, au syndic, en sa qualité de représentant légal du syndicat, de mandater les travaux urgents sur les parties communes nécessaires à sa sauvegarde (art. 18 de la loi du 10 juillet 1965 et 37 de son décret d’application du 17 mars 1967).

 

Les travaux de reprise des parties communes dangereuses résultent seulement de deux assemblées générales du 20 août 2013 et du 16 janvier 2014, aboutissant à la main levée des arrêtés de péril le 23 janvier 2015 (près de 4 ans après le premier arrêté de péril).

Le propriétaire d’un lot en location, via un administrateur de biens, décide en conséquence d’assigner le syndicat défaillant en indemnisation du préjudice de son locataire, au titre notamment d’une perte de jouissance de son balcon (condamné provisoirement).

Sa demande accueillie en première instance, jugement n° 11 - 170228 du tribunal d’instance de Marseille du 27 juillet 2018 fait l’objet d’un recours du syndic, au nom du syndicat.

Il entend diluer sa responsabilité par l’accomplissement de son obligation d’entretien des parties communes dans un délai « raisonnable », l’absence de mise en cause de coresponsables notamment par le propriétaire du lot poursuivant, également fautif par son manque d’initiative dans le règlement amiable du différend en notifiant par exemple au syndic en exercice l’inscription de la question des travaux collectifs à l’ordre du jour de l’assemblée générale, comme le lui permet l’article 10 du décret du 17 mars 1967.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence réitère la décision de première instance par son arrêt n° 18 - 06454 du 22 avril 2021, le fondement juridique du syndicat se révélant en grande partie fallacieux : «…Le syndicat est ainsi responsable des désordres trouvant leur origine dans un vice de construction des parties communes, dès lors que la faute du copropriétaire demandeur ou d'un tiers n'est pas établie.

Il n'est pas démontré par le syndicat de copropriétaires, que les désordres sur les balcons ayant abouti aux arrêtés de périls des 15 avril 2011 et 29 juillet 2013, trouveraient leur origine dans la faute d'un tiers.

Sa responsabilité de plein droit en lien avec ces désordres est établie.

Ce n'est que le 23 janvier 2015 qu'a été prononcée la mainlevée des arrêtés de péril.

Le syndicat des copropriétaires ne saurait échapper à sa propre responsabilité à l'égard de M. A. copropriétaire, en invoquant la carence des syndics, étant précisé qu'il n'a exercé aucune action récursoire à l'égard de ces derniers qui se sont succédés…

M. A. démontre (sa pièce 9) que dès le 8 juin 2011, son mandataire, le cabinet L.F. a adressé un courrier au syndic, représentant le syndicat, pour faire état de l'existence d'un arrêté de péril dont lui avait parlé sa locataire.

Avant même ce courrier, la question des désordres sur les balcons avait été évoquée dès une assemblée générale du 7 mai 2010 qui avait voté à l'unanimité le principe de confier à une entreprise C. l'étude des dommages sur l'ensemble le bâtiment et notamment les fissures sur le balcon.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires, dès cette période, connaissait les difficultés qui allaient conduire aux arrêtés de péril.

Lors de l'assemblée générale du 30 juin 2011, il était évoqué la nécessité de faire établir un rapport par un architecte, s'agissant de la réfection des balcons. Lors d'une nouvelle assemblée générale du 8 février 2013, un projet de résolution a été voté s'agissant des décisions à prendre concernant la purge des balcons à la suite de la mise en demeure de la ville de Marseille : les copropriétaires ont ainsi adopté le principe d'un mandat à donner au conseil syndical pour le choix d'une entreprise pour la purge de quelques balcons, la société ayant donné précédemment un devis ne souhaitant plus intervenir. Le 20 août 2013, s'est tenue une assemblée générale extraordinaire, dont l'objet était déterminé par l'arrêté de péril du 29 juillet 2013 : les copropriétaires ont adopté le principe de travaux effectués par une entreprise S. pour la purge de certains balcons. Il en a été de même lors d'une assemblée générale du 16 janvier 2014.

Dans ces conditions, le fait que M. A., dès cette période, n'ait pas demandé à faire voter une résolution pour faire effectuer des travaux, ne peut être considéré comme une faute limitant la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires à son égard.

En conséquence, le jugement déféré qui a estimé que M. A avait concouru à son propre préjudice sera infirmé… »

 

II. Arrêté de péril sur des parties communes : suspension des loyers et droit du bailleur à être garanti par le syndicat fautif

 

Pour le propriétaire poursuivant, le syndicat est redevable du préjudice financier lié à la perte des loyers remboursés par ses soins à son locataire et les autres non perçus, dans la mesure où cette situation est exclusivement imputable au manquement du syndicat à son obligation de conservation des parties communes de l’immeuble (art. 14 de la loi du 10 juillet 1965).

En effet, l’article L 521-2 du Code de la construction et de l’habitation dispose, que les loyers ne sont plus dus par le preneur à son bailleur à compter du premier jour du mois suivant la notification de la mesure de police administrative d’arrêté de péril. 

Là encore, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’inscrit sa décision du 22 avril 2021 dans  celle rendue par la juridiction civile inférieure : «…Le préjudice de M. A. en lien direct avec les désordres et donc en lien direct avec la responsabilité de plein droit du syndicat des copropriétaires, consiste dans le remboursement des loyers que lui avait versés sa locataire Mme C., causé par l'arrêté de péril du 15 avril 2011 (lui-même en lien avec les désordres dont est responsable de plein droit le syndicat des copropriétaires) et dans la perte des loyers qu'auraient dû lui verser sa locataire, issue de la suspension de ces derniers à la suite du deuxième arrêté de péril du 29 juillet 2013…

Il convient en conséquence de condamner le syndicat des copropriétaires à indemniser M. A. de la manière suivante, au titre de son seul préjudice locatif :

- 4993,43 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice locatif pour la période du premier janvier 2012 au 31 juillet 2013 sans intérêt, (le préjudice résultant de la seule perte du loyer)

- 8206,50 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice locatif pour la période du premier août 2013 au 31 janvier 2015, soit la somme totale de 13.199,93 euros… 

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble X. à verser à M. A. la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires X. aux entiers dépens d'appel… »

 

Le syndicat ne peut exclure sa responsabilité civile vis-à-vis d’un de ses membres, du fait de parties communes endommagées, qu’en apportant la preuve avérée de la mise en œuvre de promptes diligences et/ou d’une situation qui serait l’œuvre exclusive du copropriétaire poursuivant. 

Le syndicat se doit alors de supporter le préjudice financier du copropriétaire lésé, comprenant pour le bailleur, la perte des loyers issue d’un arrêté de péril sur des parties communes.

Le syndic ne peut pas être tenu de payer à titre personnel un prestataire quand il agit au nom du syndicat des copropriétaires

Catégories Missions du syndic
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
22 octobre 2020 (19-10.385)
Observations

Le syndic n'est que le mandataire de la copropriété. 

Principe retenu

En tant que mandataire, il ne peut être réclamé au syndic le paiement d'une facture souscrite au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires. 

Analyse de la décision

Le syndic est le mandataire du syndicat des copropriétaires, il agit au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires.

A ce titre, l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, confère un certain nombre de missions au syndic. Il est notamment le représentant légal du syndicat des copropriétaires. C’est également le syndic qui a la qualité juridique pour signer les contrats avec les prestataires pour le compte du syndicat des copropriétaires.

Aussi, quand un défaut de paiement contraint une entreprise à solliciter judiciairement la condamnation au paiement pour l’exécution de sa mission, doit-elle assigner le syndic à titre personnel ou le syndicat des copropriétaires ?

C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans son arrêt en date du 22 octobre 2020 (n°19-10.385)

 

  1. Le syndic signe les contrats avec les prestataires pour le compte du syndicat des copropriétaires

 

Le syndic a conclu un contrat au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires avec une entreprise. Il s’avère que cette dernière ne reçoit pas l’intégralité du paiement de sa prestation, elle assigne en justice le syndic à titre personnel afin d’obtenir le paiement intégral de sa prestation. Le Tribunal condamne le syndic à titre personnel à payer la société.

La Cour de cassation casse cette décision, en rappelant notamment qu’il entre dans les pouvoirs du syndic de conclure les contrats.

L’article 18 de la loi du 10 juillet 1965, fixe les missions du syndic. A ce titre, il est notamment le représentant légal du syndicat des copropriétaires, il est donc le seul habilité à signer des contrats. Il doit également exécuter les décisions prises par l’assemblée générale et est chargé d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien.

Ainsi, le syndic doit conclure les contrats avec les prestataires, d’une part pour exécuter les décisions de l’assemblée générale, d’autre part pour les travaux de maintenance et d’entretien courant.

C’est d’ailleurs ce que confirme la jurisprudence dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation en date du 06 février 1963 « en tant qu’agent d’exécution du syndicat, le syndic passe les marchés et surveille les travaux décidés par l’assemblée générale ». De la même façon, il a été jugé par le Tribunal de grande instance de Paris le 21 avril 1976 : « les travaux de menu entretien doivent être exécuté par le syndic de sa propre initiative ».

Cependant, dans un cas comme dans l’autre, le syndic agit comme mandataire, c’est-à-dire qu’il souscrit le contrat au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires.

 

II . Il ne peut être demandé au syndic à titre personnel le paiement de la prestation pour un contrat qu’il a souscrit au nom du syndicat des copropriétaires

 

L’entreprise qui a demandé au syndic à titre personnel le paiement intégral de sa prestation, ne peut le faire.

En effet, la Cour de cassation énonce « en statuant ainsi, alors qu’il (le tribunal) avait constaté que le contrat n’avait pas été signé par le syndic à titre personnel, mais en qualité de représentant du syndicat des copropriétaires, le tribunal, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé les textes susvisés (article 15 et 18 de la loi du 10 juillet 1965).

Dès lors, si le syndic agit comme mandataire du syndicat des copropriétaires en signant en sa qualité de représentant légal, il ne peut être tenu comme personnellement redevable des sommes. En effet, l’entreprise avait bien connaissance qu’il agissait au nom et pour le compte du syndicat des copropriétaires.

A l’inverse, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 12 mai 2004 « il agit comme mandataire et doit faire connaitre sa qualité à ceux avec qui il traite, faute de quoi il pourra être tenu comme responsable du paiement des travaux ».

En d’autres termes, si le syndic omet de préciser sa qualité de mandataire, il sera tenu de payer personnellement les sommes dues à l’entreprise pour la prestation effectuée.

En conclusion, dans la mesure où le syndic signe un contrat en précisant sa qualité de représentant légal du syndicat des copropriétaires, il n’est tenu à aucune obligation à titre personnel. En effet, comme le rappelle la Haute juridiction dans cet arrêt « un contrat ne crée d’obligation qu’entre les parties et un tiers ne peut être condamné à l’exécuter (...) dès lors que le contrat n’avait pas été conclu par le syndic à titre personnel mais ès qualité de sorte qu’il ne liait que le syndicat des copropriétaires », c’est ce dernier qui doit payer l’intégralité de la somme due au prestataire. »

 

 

Mots clés associés

abus 4797: La facture illégale du cabinet MICHOU & Cie qui appelle à une autre facture illégale

Et nous voilà repartis avec un nouvel abus concernant un syndic qui facture des honoraires supplémentaires ou qui impute à la copropriété des interventions de sociétés qui auraient dû être réalisées par le cabinet ou bien être comprises dans ses honoraires de base.

Une illégalité qui est devenu un usage courant de la profession de syndic.

C'est pour cela, qu'il est de notre devoir de dénoncer et d’alerter les conseils syndicaux sur ces pratiques pour d’une part qu’ils refusent d’être la vache à lait de leur syndic et d’autre part ne baissent pas la garde, incitant les syndics à procéder à d’autres dérives encore plus pénalisant pour la copropriété.

Alors, faisons comme si cela était la première fois qu’un syndic abuse de sa copropriété mandante et voyons, cette fois-ci, ce que facture le cabinet MICHOU & Cie.

I – Intervention d’une société pour le faire le travail du syndic

En matière de facturations illégales qui émanent des syndics professionnels, on retrouve principalement deux pratiques :

  • la première consiste à facturer des honoraires illégaux, c’est-à-dire des prestations qui auraient dû être inclues dans leur forfait de base mais qui sont, malgré tout, facturées par le syndic à la copropriété en tant que prestations complémentaires,
  • la seconde consiste à faire appel à une société tierce pour qu’elle assure des missions du syndic tout en facturant son intervention à la copropriété.

Le cabinet MICHOU & Cie a décidé de ne pas faire de jaloux et d’utiliser les deux options.

Ainsi, pour réaliser l’évaluation des risques professionnels des employés d’immeuble, il a fait appel à une société tierce, en l’occurrence QUALITY CONCEPT, qui facture 156 €, non pas au syndic pour assurer une de ses missions, mais au syndicat des copropriétaires.

Voici donc la facture :

AZERTY

Ainsi, il reviendrait au syndicat des copropriétaires, qui paie déjà des honoraires au syndic pour gérer notamment les employés d’immeuble, de payer, en plus, une société tierce  pour qu’elle assure une des missions du syndic.

Dans les faits, nous ne savons pas si le syndic fait intervenir cette société pour gagner du temps ou par manque de connaissance juridique et technique.

Dans les deux cas, le constat reste le même, le syndicat des copropriétaires n’a pas à supporter la carence du syndic.

Si ce dernier ne sait pas faire ou ne veut pas faire, il lui revient de prendre à sa charge l’intervention de la société tierce.

D’ailleurs, connaissant surement la mauvaise foi de certains syndics, les pouvoirs publics ont précisé clairement dans le contrat-type de syndic à travers l’annexe 1, au point 6, que « la mise en place et la mise à jour des documents uniques d’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs », sont inclus dans le forfait de base. A priori, il n’y a pas photo.

Mais, après tout, les textes de loi ont beau dire ce qu’ils veulent, c’est la loi des syndics qui prévaut en ce bas monde.

C’est sûrement ce qui s’appelle la hiérarchie non pas des normes mais des intérêts économiques des syndics.

Et comme on va le constater, cela ne s’arrête pas là.

II – Des honoraires pour le contrôle de l’URSSAF

Décidément, la gestion des gardiens d’immeuble n’est pas le fort du cabinet MICHOU & Cie.

Après avoir facturé l’intervention de QUALITY CONCEPT, le voici à facturer, cette fois-ci, des honoraires pour un montant de 240 € au motif d’un contrôle de l’URSSAF.

Ainsi, a priori, pour ce syndic, tout ce qui sort du quotidien est facturé indépendamment qu’il s’agisse de tâches comprises dans le forfait de base.

Il semble que pour ce syndic la gestion courante se limite à l’envoi des appels de fonds, de la tenue comptable et à la convocation d’assemblée générale sachant que la tenue prévoit une durée limitée dans le forfait.

Sans plus tarder, voici la facture illégale :

AZERTY

 

Abus
Action

Un code de la copropriété qui n’est peut-être pas dans les oubliettes

La loi ELAN du 23 novembre 2018 a habilité le gouvernement d’une part à réformer par voie d’ordonnance  le droit de la copropriété, d’autre part à établir un réel code de la copropriété avec une partie législative et réglementaire.

Expliquons les enjeux de la mise en place d’un code de la copropriété.

I – Une compilation des différents textes qui concernent la gestion de la copropriété

Le « code de la copropriété », tel qu’il existe actuellement, n’est qu’un leurre puisqu’il s’agit que d’une compilation d’articles qui émanent de divers textes législatifs réglementaires.

On retrouve, en priorité, la loi du 10 juillet 1965 et le décret du 17 mars 1967 qui présentent les fondamentaux du fonctionnement de la copropriété.

A cela s’ajoute des textes tout aussi essentiels comme le décret et l’arrêté comptable du 14 mars 2005 qui définissent les règles de saisie et tenue comptable spécifiques à la gestion des copropriétés ou encore divers autres décrets et arrêtés tels que le contrat-type de syndic, le modèle de formulaire de vote par correspondance, la fiche d’information....

Le gouvernement avait une habilitation de deux ans pour mener à bien ces deux projets.

En matière de réforme du droit de la copropriété, l’ordonnance du 30 octobre 2019 a bien été publiée, modifiant en profondeur la loi du 10 juillet 1965, ce qui a même impliqué la publication d’un nouveau décret du 2 juillet 2020 qui a amendé le décret du 17 mars 1967.

En revanche, compte tenu des délais extrêmement courts, le code de la copropriété n’a pas été publié impliquant que cette habilitation n’est plus d’actualité.

Ceci étant, il semblerait que les pouvoirs publics continuent à travailler en sous-marin sur l’édification d’un code de la copropriété sachant que l’ARC a, d’ores et déjà, commencé à compiler les textes en faisant un parallélisme entre les dispositions légales et règlementaires qui traitent d’un même sujet.

II – Un projet en sous-main

L’ensemble des juristes spécialisés en copropriété regrettent la non publication d’un « vrai » code de la copropriété puisqu’il s’agit d’une discipline autonome qui justifierait l’existence d’un code dédié.

Il semble que la chancellerie n’a pas abandonné l’idée, travaillant actuellement sur un projet en vue d’être en mesure de le publier dans les temps dès qu’ils auront une nouvelle habilitation des parlementaires dans le cadre d’une nouvelle loi.

Il est probable qu’il s’agira d’un texte qui sera présenté sous la mandature du prochain président de république.

Nous reproduisons ici la question du sénateur Yves Détraigne sur la publication d’un code de la copropriété et surtout la réponse du ministère de la justice :

 

     

AZERTY

       

Haut du formulaire

Code de la copropriété

15e législature

Question écrite n° 20346 de M. Yves Détraigne (Marne - UC)

publiée dans le JO Sénat du 28/01/2021 - page 512

M. Yves Détraigne souhaite appeler l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la création d'un code de la copropriété.

Outre les modifications qu'elle a apportées au droit de la copropriété, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite ELAN, habilitait, en son article 215, le pouvoir exécutif à codifier le droit de la copropriété : « Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à procéder par voie d'ordonnance à l'adoption de la partie législative d'un code relatif à la copropriété des immeubles bâtis afin de regrouper et organiser l'ensemble des règles régissant le droit de la copropriété.

Le Gouvernement peut, à ce titre, apporter les modifications qui seraient rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet ».

Le même article 215 précisait que cette ordonnance de codification devrait être prise dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, soit avant le 23 novembre 2020. Force est de constater qu'une telle ordonnance n'a pas vu le jour, au grand dam des praticiens.


Pourtant, la jurisprudence du Conseil constitutionnel fait de l'accessibilité et de l'intelligibilité de la loi un « objectif de valeur constitutionnelle » (décision n° 99-421 DC du 19 décembre 1999 à propos de l'habilitation donnée par le Parlement de procéder à la codification de textes, par voie d'ordonnance), faute de quoi l'adage « nul n'est censé ignorer la loi » est réduit à un vœu pieu.

En conséquence, il lui demande de lui indiquer pour quelles raisons le droit de la copropriété ne bénéficie toujours pas de l'apport d'une base cohérente et ordonnée, alors que l'effort de l'État en faveur de l'accessibilité du droit s'est traduit, depuis vingt ans, par la création de nombreux codes, tels que le code de la recherche en 2004, le code du cinéma et de l'image animée en 2009 ou encore le code minier en 2011.

Réponse du Ministère de la justice

publiée dans le JO Sénat du 09/09/2021 - page 5277

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018, dite loi ELAN, a habilité le Gouvernement à opérer une vaste réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis.

Le Gouvernement s'est vu confier la mission, d'une part, de réformer par ordonnance le droit de la copropriété des immeubles bâtis, notamment afin de clarifier, simplifier, moderniser et adapter un grand nombre de règles affectant leur fonctionnement et les droits et obligations de leurs organes ainsi que ceux des copropriétaires, et d'autre part, de rassembler ce droit réformé en un code organisé et cohérent.

Prise en application de cette loi, l'ordonnance n° 2019-2021 du 30 novembre 2019 portant réforme du droit de la copropriété des immeubles bâtis a procédé à un travail de simplification et de clarification afin d'améliorer la gestion des immeubles en copropriété et de réduire les litiges contentieux.

Ainsi, les modalités de prise de décision ont été simplifiées et le rôle et les pouvoirs du conseil syndical renforcés.

La gestion des petites copropriétés a aussi été simplifiée. De nombreuses règles issues de la jurisprudence ont également été consacrées dans la loi afin de rendre le droit de la copropriété plus intelligible et plus accessible.

Des dispositions spécifiques ont été adoptées pour clarifier et sécuriser le régime juridique de certaines notions centrales du droit de la copropriété, telles que celles de parties communes générales et spéciales, de droit de jouissance privatif sur parties communes ou de servitudes sur parties communes.

Enfin, les règles applicables au renouvellement et à la résiliation du contrat de syndic ont été précisées et rassemblées dans la loi du 10 juillet 1965.

Cette réforme a été conduite dans le délai d'un an imparti par le Parlement. Dans le même temps, de nombreuses mesures d'application de la loi du 23 novembre 2018 ont été prises : le décret n° 2019-650 du 27 juin 2019 portant diverses mesures relatives au fonctionnement des copropriétés et à l'accès des huissiers de justice aux parties communes d'immeubles, les décrets du 23 mai 2019 n° 2019-502 relatif à la liste minimale des documents dématérialisés concernant la copropriété accessibles sur un espace sécurisé en ligne et n° 2019-503 fixant le montant minimal des pénalités applicables au syndic de copropriété en cas d'absence de communication des pièces au conseil syndical.

Enfin, un arrêté du 2 juillet 2020 a fixé le modèle de formulaire de vote par correspondance aux assemblées générales de copropriétaires. En outre, le décret n° 2020-834 du 2 juillet 2020 a été pris pour l'application de l'ordonnance du 30 octobre 2019.

Il a été suivi d'un arrêté du 20 août 2020 modifiant l'arrêté du 14 mars 2005 relatif aux comptes du syndicat des copropriétaires et d'un décret n° 2020-1229 du 7 octobre 2020 portant diverses mesures d'application, lequel a parachevé les travaux de réforme entrepris par le gouvernement.

L'intégralité de cette réforme, qui touche à des problématiques affectant le quotidien de très nombreux français et qui était appelée de leurs vœux tant par les associations que par les professionnels du secteur, a été menée à son terme en moins de deux ans.

Parallèlement, le Gouvernement a saisi la Commission supérieure de codification du projet de création d'un code de la copropriété des immeubles bâtis.

Au terme de sa séance du 11 juin 2019, la Commission a émis un avis public favorable à ce projet tout en relevant la difficulté de réaliser une telle codification du droit de la copropriété concomitamment à une réforme d'ampleur de ce droit.

En effet, il n'a pas été possible de réaliser la codification « à droit constant » prévue par l'article 215 de la loi ELAN alors que la réforme du droit de la copropriété rappelée ci-dessus n'était ni achevée ni stabilisée.

L'ambition de réalisation d'un code de la copropriété n'est cependant pas abandonnée. Les services du ministère de la justice continuent d'y travailler même si elle nécessitera une nouvelle intervention du Parlement à cette fin.

Actions et Actus
Actualité juridique

L’obligation d’individualisation des frais de chauffage pour les copropriétés neuves et existantes

Aujourd’hui, les copropriétés sont concernées par l’obligation d’individualisation des frais de chauffage. Toutefois, on peut observer que cette obligation s’applique sous deux régimes différents en fonction de la date de construction des immeubles. C’est ce que nous allons voir dans cet article.

I. Les copropriétés existantes

La loi de Transition Energétique pour une Croissance Verte (LTECV) d’août 2015 avait rendu obligatoire, pour les copropriétés existantes, l’installation de compteurs thermiques ou répartiteurs de frais de chauffage avant le 31 décembre 2019 dès lors que le seuil de consommation de chauffage était supérieur à 120 kWh/m². Suite à la parution de l’arrêté du 6 septembre 2019, le seuil de consommation est passé de 120 kWh/m² à 80 kWh/m² avec une échéance au 25 octobre 2020.

Du fait de ce seuil extrêmement bas, la quasi-totalité des copropriétés construites avant 2012 sont concernées par l’obligation de mettre en œuvre ces mesures.

Les seuls immeubles échappant à cette obligation sont les copropriétés récentes qui ont une étiquette énergétique performante dites Bâtiment Basse Consommation (BBC).  En effet, un des critères conditionnant l’octroi du label est le seuil de consommation de chauffage, qui doit être obligatoirement inférieur à 80 kWh/m².

II. Les copropriétés neuves

Pour les copropriétés neuves dans le cadre de la RT 2012, l’article 23 de l’arrêté du 26 octobre 2010 leur impose d’être équipées « d’un système permettant de mesurer ou d’estimer la consommation d’énergie de chaque logement ».

Pour savoir si le promoteur prend en charge cet équipement, il est important de lire la notice descriptive incluse dans le marché Vente en l'Etat Futur d’Achèvement (VEFA). Cette notice décrit l’ensemble des prestations prisent en charge par le promoteur lors de la construction de la copropriété.

Il est donc courant que des copropriétés soient livrées sans ces compteurs alors que cela relève  du promoteur.  Que se passe-t-il dans les faits ?

  • Le promoteur prend à sa charge l’installation des compteurs thermiques, puis à la livraison des parties communes les compteurs thermiques deviennent propriété du syndicat des copropriétaires. Ce dernier doit voter par la suite un contrat d’entretien et relève des compteurs, lors de la première assemblée générale afin d’assurer le bon fonctionnement de l’ensemble des compteurs et de garantir la répartition des charges pour chaque exercice comptable. Le point négatif de ce mode de gestion des compteurs est que le syndicat est propriétaire des compteurs posés et doit donc assurer le renouvellement en cas de panne.

 

  • Le promoteur n’installe pas de compteurs thermiques dans la copropriété et propose lors de la première assemblée générale un contrat Location Entretien Relève (LER) au syndicat des copropriétaires. Cette approche permet aux copropriétaires de ne pas être propriétaire des compteurs et donc de ne pas avoir à se soucier du renouvellement du parc quand les compteurs sont hors service.

Pour conclure, il est important que le conseil syndical soit attentif lors de la première assemblée générale à la résolution concernant le comptage en général. L’ensemble de ce matériel est dû.

Technique
Action

Attention aux résolutions à trous avec le vote par correspondance

Une fois n’est pas coutume mais nous allons publier un abus, sans citer le syndic concerné. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’un syndic professionnel qui vraisemblablement veut bien faire mais qui se trouve rattrapé par la législation imparfaite, notamment en matière de vote par correspondance, et de son formulaire qui pose plus de questions qu’il apporte de réponses.

A travers la convocation de l’assemblée générale établie par ce syndic, nous allons mettre en évidence ce qu’il ne faut pas faire, ou plutôt ne plus faire.

I – Des résolutions à trous

Le principe fondamental d’une résolution est de présenter à l’assemblée générale un projet de décision qui doit être débattu par les copropriétaires en cours de réunion pour qu’ensuite ils puissent valablement se prononcer à travers un vote.

Ainsi, il est a priori normal qu’un syndic honnête laisse des trous dans la résolution pour que justement les copropriétaires puissent échanger et délibérer afin de compléter les informations manquantes.

Cela peut concerner les honoraires de travaux, le montant du budget prévisionnel ou encore le taux de cotisation du fonds travaux.

C’est justement ce qu’a fait ce syndic dont voici un modèle type de résolution :

AZERTY

Si cette présentation de résolution correspond à la tenue d’une assemblée générale qui se veut démocratique, cela se heurte au principe du vote par correspondance.

En effet, les copropriétaires qui utilisent ce moyen de participation doivent impérativement se prononcer sur une résolution claire dans laquelle figure l’ensemble des données essentielles.

Et pour cause, les votes « pour » à une résolution qui, au cours de l’assemblée générale, va être complétée du fait du manque d’une information essentielle, ne sera pas prise en compte.

En effet, l’article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965, précise qu’à partir du moment où la résolution est amendée au cours de l’assemblée générale, les votes favorables exprimés par correspondance ne sont pas pris en compte et le copropriétaire est considéré comme défaillant.

Ainsi, l’erreur légitime à ne plus faire est de présenter des résolutions à trous.

II – Un formulaire de vote avec la mention de la deuxième lecture

Avant d’entrer dans le détail, voici le modèle de formulaire de vote joint à la convocation d’assemblée générale :

AZERTY

Que constatons-nous ? Ce syndic précise que la résolution se vote à la majorité de l’article 25 suivi de l’article 25-1.

Or, il ne prévoit qu’une seule ligne de vote, ne permettant pas aux copropriétaires de voter de manière distincte sur les deux possibilités de vote qui théoriquement et même pratiquement peuvent être différentes.

Cette analyse a dernièrement été confirmée par une décision du Tribunal Judiciaire d’Orléans du 5 mai 2021, n° 21/00417, qui a confirmé l’obligation de prévoir sur le formulaire de vote une ligne distincte pour voter d’une part en première lecture, d’autre part en deuxième lecture, pouvant voter une fois « pour » et une fois « contre » ou vice-versa.

Voilà donc la deuxième erreur à ne plus commettre.

Dossier conseils
Action
Conseil

La voix du copropriétaire concerné par le vote de la saisie immobilière de son lot ne peut pas prendre part à la décision

Une des difficultés dans la gestion des copropriétés est qu’il ne faut pas confondre le syndicat des copropriétaires et chacun des copropriétaires.

Et pourtant, le syndicat des copropriétaires est composé uniquement de copropriétaires.

Ces vases communicants présentent diverses difficultés car, en définitive, le syndicat des copropriétaires pourra se retrouver à gérer des intérêts contraires à certains copropriétaires.

Cela peut concerner la réalisation de travaux que certains copropriétaires souhaitent réaliser mais qui s’avèrent être contraires à l’intérêt du syndicat des copropriétaires.

Cela est encore plus probant, en matière de recouvrement des charges, où les copropriétaires débiteurs ne souhaitent pas que soient engagées à leur encontre des actions judiciaires, et encore moins des mesures d’exécution.

Or, il est essentiel voire vital pour le syndicat des copropriétaires d’obtenir des condamnations de copropriétaires débiteurs pour être en mesure de continuer à financer les charges courantes ou encore les travaux.

Afin justement d’éviter que les copropriétaires débiteurs puissent faire obstacle à l’engagement des procédures judiciaires, plusieurs mesures légales et réglementaires sont prévues, dont deux particulièrement intéressantes.

I - Une procédure à l’initiative du syndic mandataire

De manière générale, avant tout engagement d’action judiciaire, le syndic doit obtenir un mandat du syndicat des copropriétaires dans le cadre d’une résolution votée en assemblée générale.

Ceci étant, afin de ne pas paralyser la copropriété, l’article 55 du décret du 17 mars 1967 précise que cette autorisation n’est pas nécessaire pour les actions en recouvrement de charges.

Plus que cela, la mise en œuvre des voies d’exécution forcée n’est également pas soumise à l’autorisation préalable de l’assemblée générale.

Autrement dit, pour éviter qu’un copropriétaire débiteur ayant un nombre de tantièmes important puisse faire obstacle à l’engagement judiciaire à son encontre, l’article 55 donne la possibilité au syndic d’agir sans votre préalable à l’assemblée générale.

Le corolaire est que le défaut d’action judiciaire engagée par le syndic à l’encontre d’un copropriétaire débiteur pourrait engager sa responsabilité civile pour faute.

Cela est d’autant plus envisageable si l’absence d’action judiciaire en recouvrement de charges a entraîné la copropriété dans l’incapacité financière ne lui permettant plus de payer ses charges.

II – Une absence de participation à la saisie immobilière de son lot

L’article 55 du décret du 17 mars 1967 permet au syndic d’agir judiciairement à l’encontre d’un copropriétaire débiteur ainsi que d’engager des voies d’exécution, à l’exception de celle de la saisie immobilière d’un lot.

Autrement dit, pour engager une saisie immobilière à l’encontre d’un copropriétaire débiteur, il est nécessaire que soit votée, au préalable, par l’assemblée générale la saisie immobilière du bien.

Ce point pourrait poser problème dans la mesure où cette décision doit être votée à la majorité des voix du syndicat des copropriétaires, impliquant qu’un copropriétaire débiteur ayant un nombre de voix important voire majoritaire, soit en mesure de bloquer les votes.

C’est pour répondre à cette difficulté que l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 a prévu, dans son dernier alinéa, que le copropriétaire débiteur concerné par le vote de la saisie de son lot ne puisse pas participer au vote et que ses voix ne sont pas comptabilisées dans le calcul du quorum à atteindre.

Plus que cela, ce même copropriétaire débiteur ne peut pas utiliser les pouvoirs qu’il a récupérés pour participer indirectement au vote de cette résolution.

Actions et Actus
Actualité juridique

dossier du mois de décembre 2021: L’intérêt du contrôle du grand livre comptable de la copropriété

Nombreux conseillers syndicaux ne contrôlent pas le grand livre comptable de leur copropriété, au motif  qu’à travers ce document ne figure que des données comptables n’ayant aucun intérêt sur la gestion financière de la copropriété.

Cette approche est inexacte et démontre une difficulté à lire et à exploiter le grand livre qui est le document comptable le plus complet, à partir duquel l’ensemble des autres pièces sont produites (balance, journaux, annexes).

L’analyse du grand livre permet de faire une « IRM » de la copropriété afin de déceler d’éventuelles anomalies voire des malversations dans les écritures comptables ou dans la gestion  financière de la copropriété.

Afin d’expliquer l’intérêt de ce document, nous allons présenter une analyse partielle  d’un grand livre afin de mettre en exergue les différentes interrogations que cela peut susciter et les conséquences qu’elles peuvent engendrer pour la copropriété.

Cet article n’a pas pour vocation de présenter un audit des comptes mais de mettre en évidence les nombreux points que l’on peut relever à travers l’étude du grand livre.

I – Un solde d’opérations exceptionnelles en attente

AZERTY

Alors que ce grand livre est édité à la date du 27 avril 2021, on constate un report créditeur d’un montant de 5000 € pour financer une procédure judiciaire.

Vraisemblablement ce montant a été appelé auprès des copropriétaires au cours de l’année 2020 voire même avant, avec un montant qui depuis n’évolue pas.

Le conseil syndical devra évaluer avec le syndic de l’intérêt de maintenir ce montant et, à défaut de justification sérieuse, demander qu’il soit recrédité sur les comptes des copropriétaires au prorata de leurs tantièmes.

Le principe est que des sommes n’ont pas à stagner dans les comptes de la copropriété, d’autant plus s’il s’agit de montants appelés auprès des copropriétaires.

II – Une avance de trésorerie à contrôler

AZERTY

Tout d’abord, il faut signaler que le fonds de roulement n’a plus d’existence légale depuis une vingtaine d’années. Il a été remplacé (et non substitué) par l’avance de trésorerie qui doit être soit prévue dans le règlement de copropriété, soit voté en assemblée générale.

Conformément à l’article 35 du décret du 17 mars 1967 l’avance de trésorerie ne peut excéder 1/6ème du montant prévisionnel. Il s’agit d’un plafond et en aucun cas d’un ratio à atteindre.

Le conseil syndical doit procéder à plusieurs contrôles :

  • L’avance de trésorerie constituée est-elle légale ?
  • Le montant figurant sur ce compte est-il supérieur à 1/6ème du montant du budget prévisionnel ? Le cas échéant, il devra être réduit au seuil autorisé.
  • La copropriété doit-elle nécessairement disposer d’un montant d’avance de trésorerie à hauteur de 1741€ ou bien doit-elle le revoir à la baisse ?
  •  

III – Des comptes d’avances à contrôler

AZERTY

Comme on le constate à travers ce grand livre, la copropriété dispose de deux comptes d’avances. Le premier est réservé à un compte d’avance travaux qui fait référence à l’article 18, alinéa 6 de la loi du 10 juillet 1965.

Or, depuis le 1er janvier 2017 cette avance travaux a été supprimée compte tenu de l’entrée en vigueur du fonds travaux.

Ceci étant, la copropriété est tout-à-fait en droit de maintenir un compte d’avance travaux qui a la particularité d’être à tout moment remboursable aux copropriétaires en cas de décision prise par l’assemblée générale ou de mutation d’un lot.

En parallèle, on relève que la copropriété a constitué un autre compte d’avance, qui présente un solde créditeur plus substantiel, supérieur à 6700 €.

Le conseil syndical doit s’interroger sur le maintien de cette somme, en déterminant si elle ne fait pas doublon avec le fonds de roulement, l’avance travaux et le fonds travaux.

Cette question est légitime car, à défaut de justification, le conseil syndical devra suggérer le remboursement total voire partiel de ce montant sur le compte des copropriétaires.

IV – La justesse du fonds travaux

AZERTY

Conformément aux dispositions légales, la copropriété dispose d’un fonds travaux.

Ceci étant, on peut remarquer qu’aucune provision n’a été enregistrée sur l’exercice 2021 alors que le grand livre date du 27 avril 2021.

Normalement, sur ce compte, devraient figurer au moins deux cotisations appelées auprès des copropriétaires : celle du 1er et du 2ème trimestre de l’exercice.

Or, nous constatons qu’aucune ligne ne figure, pouvant laisser à penser que le syndic alimente le fonds travaux uniquement en fin d’exercice en procédant à une écriture globale.

Cette interrogation doit susciter un autre contrôle qui est de vérifier si la copropriété dispose bien d’un compte bancaire séparé rémunéré, dédié au fonds travaux et s’il est alimenté trimestriellement ou uniquement en fin d’année par un virement unique du compte courant vers le compte de placement.

V – Factures à contrôler particulièrement

AZERTY

Dans le cadre de ce dossier, nous n’allons pas rependre l’ensemble des comptes fournisseurs sachant que cette étude demanderait d’instruire plusieurs autres pages.

Néanmoins, nous allons nous focaliser sur la facture de la société Athome qui est un prestataire de routage de documents et qui propose au syndic de reproduire les convocations d’assemblées générales en vue de les notifier aux copropriétaires.

Depuis l’entrée en vigueur du contrat type qui doit inclure dans le forfait de base les frais de photocopie, la copropriété n’a plus à prendre en charge les frais de reprographie facturés par une société tierce.

Le conseil syndical doit vérifier scrupuleusement les factures d’Athome afin de vérifier si d’une manière sournoise la copropriété se retrouve pas à payer des frais de photocopies indus.

VI – comptes débiteurs- divers « créditeurs »

AZERTY

L’usage de ce compte pose une difficulté puisqu’il s’agit de débiteurs divers, qui présentent, en définitive, un crédit à l’égard de la copropriété d’un montant supérieur à 2000€.

Au-delà de cette aberration, le conseil syndical devra déterminer le ou les tiers qui sont titulaires de ce crédit avec leurs sommes respectives, et comprendre pourquoi il ne sont pas clairement identifiés.

Plus étonnant, ce compte n’a pas évolué depuis le 1er janvier 2021 impliquant qu’il s’agit d’une reprise du solde de l’exercice précédent voire à des années encore antérieures.

Le conseil syndical devra faire la lumière sur ce compte sachant qu’à défaut de justification sérieuse du syndic, cette somme pourra être considérée comme un produit de la copropriété et affectée en tant que tel sur les charges de l’exercice afin de diminuer leur coût.

VII – Compte d’attente créditeur

AZERTY

Comme pour le point précédent, ce compte fait figurer un solde créditeur qui émane d’une reprise des à nouveau sans indiquer son origine ni sa justification.

Le conseil syndical devra obtenir du syndic des explications sur la composition de cette somme en vérifiant l’identité de chacun des titulaires et son objet.

En cas de réponse insatisfaisante, le compte d’attente pourra être affecté en produit exceptionnel afin de compenser le montant des charges courantes. Il faut rappeler que conformément à l’article 10 de l’arrêté du 14 mars 2005 : tout solde figurant en fin d’exercice sur un compte d’attente, doit être justifié à défaut d’être affecté.

VIII – Le contrôle des honoraires du syndic et des tiers

AZERTY

En complément du contrôle des factures, il faudra être particulièrement scrupuleux sur l’imputation d’honoraires qui proviennent soit du syndic ou d’un autre tiers.

Pour cela, le conseil syndical devra procéder à divers contrôles :

  • Les honoraires du syndic figurant dans le grand livre sont-ils en conformité avec le contrat et les honoraires validés par l’assemblée générale ?
  • Les autres honoraires du syndic sont-ils légaux et, le cas échéant, justifiés ?
  • Qui se cache derrière le libellé « rémunérations de tiers intervenants » ? S’agit-il d’interventions qui auraient dû être assurées par le syndic dans le cadre de son mandat et qui sont facturées, de manière détournée, à la copropriété par le biais de l’intervention d’un tiers ?

IX - Les produits financiers à contrôler

AZERTY

Sur ce compte doivent figurer les intérêts financiers suite au placement de sommes qui résultent du fonds travaux.

Or, le report indique un montant à zéro, impliquant qu’aucune somme n’a été placée sur le compte rémunéré alors que sur la comptabilité figure bien la constitution d’un fonds travaux.

Le conseil syndical devra obtenir du syndic des justifications sur l’absence de produits financiers alors que la copropriété dispose d’un fonds travaux et régulariser la situation afin qu’elle soit en conformée avec la législation en vigueur.

L’objectif n’est pas forcément de générer des produits financiers, qui représenteraient quelques dizaines d’euros, mais de sécuriser des fonds à travers le placement de sommes sur un compte rémunéré.

X – Les autres produits de la copropriété

En dernier lieu, le conseil syndical doit s’assurer que l’ensemble des produits de la copropriété figurent dans la comptabilité.

Il s’agit, bien évidemment des provisions pour charges courantes et travaux, mais également de sommes provenant de loyers, d’indemnités d’assurance, de subventions, ou de vente de parties communes….

L’objectif de cette opération est de faire en sorte que solde de l’exercice soit excédentaire afin de pouvoir procéder à une régularisation positive des charges auprès des copropriétaires.

Rappelons que les produits de la copropriété sont les sommes reçues ou à recevoir.

Par conséquent, à partir du moment où la copropriété a été informée ou notifiée de la réception d’un produit, il doit figurer dans la comptabilité.

 

Dossier conseils
Action
Dossier

abus:4798 : Contrat 2021/2022 du syndic francilien SOGEPRI : irrégularités et abus OPUS 2

Après le premier opus dénonçant deux irrégularités majeures du contrat 2021/2022 du syndic francilien SOGEPRI, nous nous proposons de souligner d’autres manquements plus accessoires.

I. Contrat 2021/2022 du syndic SOGEPRI : les omissions irrégulières

Dans son contrat de mandat adopté le 30 juin 2021 en assemblée générale avec cette importante copropriété parisienne, le syndic francilien SOGEPRI omet :

- la date de souscription de ses deux polices obligatoires pour un professionnel de l’immobilier, que sont l’assurance de responsabilité et la garantie financière, en infraction du décret du 26 mars 2015 ;

- la date d’échéance de son contrat, contrairement à la prescription énoncée par l’article 29 du décret du 17 mars 1967 ;

- de stipuler le montant ou forfait ou sur justificatif à minorer de ses honoraires de gestion courante, dans l’hypothèse où le syndicat le dispenserait en assemblée générale de l’extranet et de la conservation des archives de la collectivité.

Ces carences enfreignent là encore le décret du 26 mars 2015 ;

- ses honoraires en cas d’assemblée sollicitée par un ou plusieurs copropriétaires pour leurs questions personnelles, alors même que cela s’impose pour toute réunion du syndicat convoquée à compter du 31 décembre 2020 (décret du 2 juillet 2020).

II. Contrat 2021/2022 du syndic SOGEPRI : les ajouts irréguliers ou abusifs

Dans cette convention 2021/2022 le syndic SOGEPRI prévoit une rémunération additionnelle pour le syndicat pour :

- une assemblée générale supplémentaire (préparation et tenue).

Si un syndic peut légitimement prétendre à des honoraires majorés, le décret du 26 mars 2015 les conditionne à un critère unique.

Or, SOGEPRI fixe cette indemnité sur trois critères cumulatifs : un forfait de 800 € H.T., auquel s’ajoute 0,10 € H.T d’impression par page, plus frais d’affranchissement ou d’acheminement ;

- toute visite de la résidence ou participation à une réunion du conseil syndical au-delà du seuil compris dans ses honoraires de base.

Si le syndic a la capacité de facturer ces interventions selon le décret du 26 mars 2015, SOGEPRI fixe un montant de 500 € H.T., plus frais de déplacement.

Outre le caractère excessif du montant forfaitaire, le rajout de frais de déplacement se révèle parfaitement abusif pour une prestation consistant justement à se rendre sur l’immeuble pour inspecter celui-ci ou y rencontre les conseillers syndicaux ;

Outre le syndicat, le contrat du syndic SOGEPRI impute des frais exceptionnels au copropriétaire cédant son lot, à savoir :

- des frais préalables à la cession (compromis) de 260 € H.T., puis de 316,66 € H.T. pour l’état daté requis par son notaire.

Pourtant, le syndic n’est apte à facturer au copropriétaire vendeur que les frais de l’état daté (article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et décret du 26 mars 2015) ;

- 80 € H.T. pour la délivrance du certificat de l’article 20, attestant que celui-ci est à jour de ses provisions et charges à l’égard du syndicat.

Cette affectation s’avère strictement irrégulière au regard de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, ainsi qu’à deux décisions du Conseil d’Etat du 5 octobre 2016.

Le syndicat se doit d’écarter en assemblée générale de la part du syndic, à titre soit :

- principal, toute clause douteuse de son projet de contrat soumis pour approbation ;

- accessoire, toute facturation litigieuse imputée dans les comptes clos du syndicat présentés pour adoption.

 

Abus
Action

La question de la cotisation du fonds travaux doit-elle être forcement inscrite dans l'ordre du jour ?

Question: Lors de l’élaboration de la convocation de l’assemblée générale, le syndic a informé que la question de la cotisation des fonds travaux ne sera pas inscrite à l’ordre du jour, du fait que le taux est défini par la loi, à savoir 5% du budget prévisionnel.

En tant que Président du conseil syndical, je souhaiterais que cette question soit inscrite à l’ordre du jour, afin que l’on puisse en débattre avec les copropriétaires.

Puis-je imposer que cette question soit inscrite à l’ordre du jour ?

Réponse :

Avant d’entamer le thème de votre question, il faut rappeler que, conformément à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 ainsi que l’article 26 du décret du 17 mars 1967, l’ordre du jour de l’assemblée générale doit être élaboré en concertation entre le syndic et le conseil syndical.

Par conséquent, en tant que Président du conseil syndical, vous êtes tout à fait habilité a imposer l’inscription d’une question dans l’ordre du jour, sans que le syndic ne puisse s’y opposer.

Cela est d’autant plus opportun en matière de cotisation du fond travaux, et pour cause : l’article 18 et 14-2 de la loi du 10 juillet 1965 encadre les modalités relatives aux fonds travaux.

L’article 18 précise que la cotisation minimale des fonds travaux, qui doit être constituée chaque année, est de 5% du budget prévisionnel.

Il s’agit d’un taux minimal, impliquant que la question de la fixation du taux doit être  voté en assemblée générale afin de déterminer si l’assemblée générale valide ce taux ou, au contraire, souhaite l’augmenter, par exemple, à 15 voire 20% du budget prévisionnel

La question doit être inscrite à chaque assemblée générale afin que celle-ci s’interroge chaque année sur la cotisation annuelle qui peut faire évoluer à la hausse ou à la baisse (avec un minimum de 5% du budget prévisionnel) en fonction des besoins des travaux planifiés.

Profitons de cette question pour rappeler que la loi « climat et résilience » du 24 août 2021 a prévu un nouveau dispositif en matière de détermination du fonds travaux qui n’est plus calculé à partir du budget prévisionnel mais du plan pluriannuel de travaux qui a été préalablement élaboré et voté par l’assemblée générale.

Ce nouveau dispositif entrera en vigueur de manière progressive en fonction du nombre de lots que propose la copropriété à partir du 1er janvier 2023.

Entre-temps, il est clair que pour la plupart des copropriétés, le taux de 5% du budget prévisionnel est largement sous dimensionné, au vu du défaut d’entretien et rénovation du bâti et des équipements collectifs qui nécessitent un financement important qui, tôt ou tard, devra être payé par les copropriétaires.

 

Réponse de l'expert
Action