Dans le cadre de mes fonctions à ARC Services j’ai eu le privilège d’aller représenter l’ARC pour l’assemblée générale initiale du CRE IdF[1].
Le CRE IdF est à ne pas confondre avec la CRE, d’un côté on a le Comité Régional de l’Energie (d’Ile de France, mais vous l’aurez compris cette instance est dupliquée dans chaque région..) et de l’autre on a la Commission de Régulation de l’Energie, qui a une compétence nationale et, bien sûr, ses propres instances.
Pour éviter toute confusion, il a été décidé d’appeler une des deux la CRE (CREU) et l’autre la CRÉ, et pour être honnête, je ne souviens plus laquelle on doit appeler comment….
Cette instance est présidée par Monsieur Yann WHERLING, 7ème vice-président de la Région Ile-de-France pour la Transition écologique, du Climat et de la Biodiversité, élu sur la liste de Valérie PECRESSE et co-présidée par Madame la Préfète, Secrétaire générale aux politiques publiques, Marie Gautier-Melleray.
Présent à la tribune, Jean-Marc PICARD Directeur adjoint à la DRIEAT (Direction régionale et interdépartementale Environnement-Aménagement-Transports), en charge de l’énergie des risques et de la nature a été lui aussi un des principaux animateurs de cette assemblée dont il semble que les services ont préparé les supports.
L’ordre du jour avait pour plus grande qualité sa simplicité puisque la seule question mise au vote était l’approbation du règlement intérieur du CRE IdF, lequel a été validé à l’unanimité des présents.
Une fois cette formalité passée, le principal des débats a constitué en la présentation d’une enquête, fort documentée et avec moult graphiques, qui à défaut d’être très lisibles et compréhensibles (« Ce qui se conçoit bien s’exprime clairement… ») étaient plutôt esthétiques, Madame la Préfète allant jusqu’à en comparer un graphique à, je cite, un « Mondrian », ce qui vous laisse entrevoir la rigueur des entrelacs des cases et des couleurs retenues….Monsieur PICARD, dont les services avaient œuvrés, ayant quand même la précaution oratoire de dire que les projections indiquées étaient plus qu’approximatives puisque le panel interrogé, c’est-à-dire l’ensemble des communes du territoire d’Ile de France, n’avait répondu qu’à hauteur de 30% et que parmi les communes ayant répondu beaucoup, souvent les communes rurales les plus petites, semblaient assez désarmées devant la complexité du questionnaire.. (« Ce qui se conçoit bien s’exprime clairement… »). A cette occasion, le « syndrome de la patate » a été évoqué quand un élu ou un service communal, plutôt que d’indiquer finement une zone potentiellement destinée à la transition énergétique, entourait l’ensemble de son territoire….le plus souvent rural, d’où peut-être la drolatique allusion à Parmentier
Les différentes solutions de verdissement de notre énergie ont été abordées, en vrac, et en mettant relativement en exergue le fort potentiel de la géothermie profonde dont l’Ile de France est un gisement avec l’aquifère nommé Dogger, comme énergie alternative aux énergies fossiles et notamment pour, je cite, le rafraîchissement des bâtiments!
Un autre intervenant vint aussi nous parler des grands travaux à venir de RTE, filiale d’EDF et gestionnaire du réseau de transport de l’électricité haute tension en France métropolitaine, et ceci autour de l’agglomération parisienne puisque la distribution haute tension y est organisée ainsi.
En plus du remplacement nécessaire de certaines infrastructures vieillissantes et à risque, il a aussi été abordée la nécessité, semble-t-il impérieuse, de préparer l’arrivée des futurs Data-Centers sur le territoire d’Ile-de-France, lesquels sont fortement énergivores et nécessitent aussi une évacuation massive de leur chaleur fatale.
Est-il besoin de rappeler que ces installations profiteront aux « GAFAMs » , que leur usage est encore nébuleux, qu’elles génèrent sans doute peu d’emplois pérennes y compris si on prend en compte les chantiers qui seront sans doute réalisés par des multinationales (mais ne vous inquiétez pas le placo des toilettes et du poste de garde sera confié à un artisan du coin..), que le chiffre d’affaire généré est difficilement contrôlable par les impôts et que la data qui y transite est par nature cryptée : IA hostiles ?, minage de crypto-monnaies ?, Darkweb ?.....
Alors qu’en penser ?,
Même si je n’avais aucune convergence politique avec lui je repense à la phrase prononcée par Jacques CHIRAC en 2002 lors du IVe sommet de la Terre à Johannesburg :
« Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
Et en le paraphrasant je dirais :
« L’appartement brûle, et plutôt que de chercher un extincteur, nous regardons au loin, par la fenêtre, comment mettre en place un partenariat public privé pour installer une station de pompage depuis la rivière à quarante kilomètres d’ici et surtout, surtout en respectant les procédures d’appel d’offre européennes ».
La géothermie c’est bien, mais combien de temps pour trouver du foncier adapté à un forage profond et à une usine de traitement, et aussi un second forage, plus loin pour la réinjection…
La géothermie c’est bien mais comment transformer simplement cette énergie gratuite (de l’eau à 85°) et utilisable en hiver en une énergie gratuite et utilisable en été pour faire du froid. J’ai de par ma formation quelques notions de thermodynamique et rien de simple et d’économique ne me vient à l’esprit.
La géothermie c’est bien mais comment apporter cette énergie au pied de chaque immeuble d’habitation pour le chauffage alors que les réseaux de chaleurs sont encore anecdotiques.
Renforcer le réseau haute-tension c’est bien…mais s’assurer que les réseaux terminaux sont en bon état et permettent le cas échéant de transiter du gaz vers l’électricité, car on parle bien à nouveau de la relance du nucléaire qui représente plus de 70% du mixe énergétique français, c’est mieux.
Aujourd’hui des copropriétés anciennes ont des colonnes montantes électriques en fin de vie (presque 100 ans pour certaines !!!!) sans que la collectivité publique qui en est désormais propriétaire ne fasse rien pour les rénover et la plupart du temps s’en lave les mains en répondant « voyez avec ENEDIS, c’est elle la gestionnaire du réseau de distribution ».
Certes des rénovations sont entreprises, j’ai l’occasion de me pencher sur certains dossiers techniques, mais le plus souvent pour des immeubles ‘semi-récents’ des années 70…certainement moins à risque que ceux cités précédemment…mais aussi plus économiques à réaliser. Peut-être est-ce que je me trompe mais j’ai clairement le sentiment que l’on attend que les colonnes des immeubles les plus anciens soient ‘spontanément’ rénovées à la demande des copropriétés concernées, de guerre lasse et par peur d’une panne majeure, ou pire, d’un sinistre, et donc à leurs frais..plutôt que par le propriétaire du réseau du fait de son obligation d’entretien….
Que faire ?
Une « phrase valise » qui me semble pertinente dit « pensez global et agissez local », alors ne pourrait-on pas aussi, plutôt que des travaux pharaoniques (expression reprise à Madame la Préfète) et à long terme, leur préférer des actions locales immédiates (la maison brûle..), alors :
Pourquoi pas mettre un vrai coup de pouce sur le solaire, thermique pour l’eau chaude sanitaire, et photovoltaïque pour tous les usages électriques.. ?
Mais pour cela il faut, pour le solaire thermique un vrai savoir-faire des professionnels qui le plus souvent ‘croient savoir’ et une vrai obligation de résultats à long termes et pas seulement une case à cocher pour obtenir la RT 2012/RE2020….
Mais pour cela il faut, pour le photovoltaïque, des colonnes montantes adaptées (donc rénovées), des fournisseurs français (il en reste de moins en moins) et une réindustrialisassion du secteur, et pour le client final des mesures politiques d’accompagnement simples et claires.
Bien sûr ces deux points ne sont qu’une partie de notre mix énergétique, mais ils ont le mérite d’être possiblement mis en œuvre rapidement, d’être efficace à une échelle locale et de mobiliser des acteurs locaux…
Pourquoi, en sortant de cette première instance, le rythme des réunions étant annuel c’est vous dire que les résultats attendus sont capitaux, j’ai le sentiment que Georges CLEMENCEAU me susurre à l’oreille : « Quand on veut enterrer une décision, on crée une commission…. ».
Pas sûr que le niveau des débats et la valeur des intervenants, la plupart hauts fonctionnaires ou hauts fonctionnaires en devenir, soient en adéquation avec ma faible capacité de compréhension du sujet, et pas sûr que l’ARC soit convoquée à la seconde instance, ni que moi, j’en sois le représentant attendu…
[1] conformément à l’article 83 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021du et au décret n° 2023-35 du 27 janvier 2023